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Festival
Voix de Femmes , du 6 au 8 mars 2009 au Théâtre de l'Epée de Bois, à
Paris.
Reportage réalisé
pour Musique Alhambra
Textes: Isabelle Jacq 'Gamboena'
Photos: Nathalie Goux
Organisé par Flamenco en France en coréalisation avec
le théâtre de l'Epée de bois, c'est dans le cadre merveilleux du théâtre, à Paris, que s'est déroulé la première
édition du Festival 'Voix de Femmes' . Cet évènement coïncidait avec la
date du 8 mars, fête des femmes et celles-ci étaient à l'honneur au travers
une programmation d'une qualité exceptionnelle, rassemblant des
cantaoras provenant de diverses lieux d'Espagne: Huelva, Séville,
Málaga, Grenade, Jerez de la Frontera, Arcos de la Frontera. La France
était représentée aussi par quelques artistes parisiens qui ont su
prouver que le Flamenco se porte bien, aussi, dans notre pays. Retour
sur ce Festival qui met en avant de grandes figures du Flamenco et
qui témoigne de l'extraordinaire développement du cante féminin.
Située à Paris,
La Peña Flamenco en France est un haut lieu de partage et de diffusion
du Flamenco, lieu bien connu des
aficionados pour la qualité de sa programmation et pour la passion
véritable qui anime l'équipe de bénévoles qui gère cette structure. Au
travers le Festival' Voix de Femmes', cette association concrétise un
projet qui lui tient à cœur et crée un évènement majeur, en
France, dans le monde du Flamenco. L'équipe organisatrice a
judicieusement choisi le très beau Théâtre de l'Epée de Bois comme lieu
du Festival. En entrant dans le théâtre, une exposition de photos de René Robert nous met aussitôt dans
l'ambiance, dès l'ouverture du Festival. L'inauguration a lieu le vendredi à
18h30, en présence de l'immense et talentueux artiste. Puis, à 21h, la cantora française
Catalina Gimenez investit la scène. Ses origines gitanes transparaissent dans sa manière
de chanter. Elle interprète un répertoire de cantes classiques
avec quelques cantes de ida y vuelta, accompagnée à la
guitare par Gonzalo Amaraz Montero.
Chanteuse recherchée pour
ses qualités artistiques, la richesse de son répertoire et pour ses
qualités pédagogiques, Catalina a le
mérite de composer elle-même ses paroles, ce qui n'est pas fréquent chez
les cantaores.
Après ce tour de chant très applaudi et un
entracte, place à la voix de la Malagueña Rocío Bazán. Au cours
de sa carrière, cette jeune chanteuse a accumulé plusieurs prix
prestigieux qui l'ont fait connaitre et sa renommée ne cesse de croître,
bien au delà de son Andalousie natale. Ce soir là, elle est vêtue
d'une robe rouge et d'un manton blanc à fleurs, et dès sa
première chanson, Rocío ensorcelle le public avec sa voix
d'une tessiture très large, qui transperce l'air, nous enveloppe de sa chaleur. Accompagnée par l'excellent Paco Javier Jimeno à la
guitare, Rocío interprète plusieurs palos dont
certains qui sont peu chantés, actuellement: une petenera, un
ronda de verdiales de Malaga, un cante de Levante, une
cantiña en mémoire de la Niña de Los Peines et de La Perla
de Cadiz. Puis elle chante une Solea où elle lance un Ay!
déchirant, entrant puissamment dans la jondura de ce chant. Elle
termine sa prestation en se levant et elle chante une buleria en
exécutant quelques pas de danse. Le public acclame cette artiste qui est
assurément une des des plus grandes figures Malagueñas du cante Flamenco actuel.
Puis,
c'est au tour de la voix rauque et profondément gitane de Dolores
Agujetas . Fille d'une dynastie de cantaores gitans, Los Agujetas, Dolores porte en elle le cante jondo de son
arrière grand-mère Maria Gallardo, de son grand-père el Viejo
Agujetas et de son père Manuel de los Santos Agujetas.
Pour elle, le Flamenco est une histoire de famille, en atteste aussi la
présence, sur scène, de son fils Dieguito de la Agujeta, qui l'accompagne à
la guitare. Son répertoire est principalement jondo: Seguiriya,
Solea, pour terminer par une buleria dont les premières paroles
sont 'Yo vengo de Jerez, mi padre es Agujetas, yo soy...'L'âme de
Jerez vibre en elle et son chant ancestral, déchirant, est l'écho d'une enfance passée auprès
de la forge de son père, bercée au son de l'enclume et au rythme du
marteau. L'aspect rocailleux de sa voix, son visage expressif et sa
gestuelle typiquement gitane donnent à son chant une force et une
intensité qui captivent le public. Sa prestation est fortement applaudie.
Samedi 7 mars, la soirée débute par un concert d'Ana
Barba Moreno, jeune cantaora qui provient d'Arcos de la
Frontera. Vêtue d'une somptueuse robe rouge à volants, Ana séduit
le public par sa chaleur humaine et son air très malicieux. Elle
établit aussitôt le contact avec le public et chante d'une voix claire
et puissante un répertoire traditionnel por alegria, por tangos
ainsi qu'un fandango . Elle a forgé son art auprès de maitres comme José Mendez; sa voix sublime alliée à un sens profond du compas font d'elle
une cantaora de haut niveau. On note aussi de la part de la
cantaora une belle complicité avec son guitariste Dani Moreno.
Ils terminent ensemble par une fin de fiesta por buleria
débordante de joie où se mêlent les jaleos et applaudissements du
public. Pour la deuxième partie du spectacle, la cantaora
sévillane Inma la Carbonera éblouit le public par sa présence et
sa voix rauque et presque voilée, fine et pleine de nuances qui laisse
parfois percer un timbre puissant. Accompagnée par le guitariste
Mathias Berchadsky 'El Mati', Inma interprète plusieurs
palos dont une cantiña et quelques superbes Soleares.
Vers la fin du récital, son
interprétation de 'Dime' de Lole Montoya est un ravissement pour
le public d'autant plus qu'avant de chanter ce thème, elle s'adresse à
l'auditoire et précise qu'elle va essayer de transmettre, avec sa voix,
le sens de cette chanson, pour ceux ceux qui ne comprennent pas
l'espagnol. Ce moment est purement merveilleux.
Cette jeune artiste a fait son apprentissage dans les tablaos de Séville
et elle tient son nom 'La Carbonera' de son long passage à
la Carboneria de Séville, tablao incontournable pour les
aficionados. Sa carrière commence réellement lorsqu’elle est invitée
dans les grands théâtres de cette ville et qu'elle partage la scène avec
des artistes comme Miguel Poveda et Mayte Martín. Elle se
fait remarquer dans le spectacle 'Carmen' de María
Serrano.
Nous aussi, nous l'avons bel et bien remarqué, ce soir là.
Nous
ne sommes pas au bout de nos surprises avec le récital qui suit, celui
de Rocio Marquez. Originaire de Huelva,
Rocio est la plus jeune artiste programmée dans ce Festival. Agée de
22 ans, elle a déjà un parcours artistique exceptionnel. Gagnante de
'La Lampara Minera 2008', récompense prestigieuse dans le
monde du Flamenco, cette jeune cantaora
conquiert le public dès sa première buleria. Belle et
gracieuse, elle porte une robe noire et un châle blanc qu'elle
déposera très vite sur le dossier de sa chaise. Accompagnée par le
guitariste Guillermo Guillén, Rocio interprète un tango,
une Minera, une Taranta et un superbe Fandango, chant issu de sa terre
natale. Par une virtuosité technique et une voix puissante d'une qualité
hors du commun, Rocio nous emporte dans son univers personnel; sa
voix véhicule une large palette d'émotions, jusqu'aux sentiments les plus
intimes. Rocio nous atteint en plein cœur et nous donne le
pellizco. Elle est l'une des révélations de ce
Festival. Très connue en Espagne, Rocio commence à se
forger une renommée au delà de son pays d'origine
et gageons qu'elle
réalise
une belle carrière artistique internationale . Le
spectacle s'achève par une fin de fiesta où tous les artistes
de la soirée se retrouvent sur scène. La chaleur et la convivialité de
ce moment ravissent le public. Cette soirée mémorable nous laisse un
sentiment de plénitude et de bonheur que nous savourons encore.
Le festival se poursuit le lendemain avec, en première
partie, un spectacle regroupant des artistes résidant en France: La
chanteuse Concepción Mendez Morán 'La Conchi' accompagnée par le
talentueux guitariste Javier Cerezo. Raquel Gomez
intervient à la danse, rendant hommage à toutes les femmes bailaoras.
La Conchi interprète une Taranta Minera, une
Petenera de Carmen Linares, une Malagueña, Rondeña,
pour ensuite se plonger avec beaucoup d'inspiration dans un cante por
Solea pour finir par une buleria. Chanteuse dans la plus pure
tradition du Flamenco, La Conchi est une figure emblématique du
cante, à Paris. Arrivée dans celle ville en 1960, sa carrière
artistique est jalonnée de belles collaborations artistiques comme celle
avec Chano Lobato ou avec la danseuse Carmen Cortes. Très
appréciée autant par ses qualités vocales que par sa personnalité
rayonnante et chaleureuse, La Conchi honore le Flamenco au
travers une prestation digne d'une grande cantaora. La présence
de Raquel Gomez est aussi très remarquée. Nous l'avions vu dans
plusieurs spectacles dont celui de Sentires dans lequel elle
incarnait le tableau espagnol, où encore dans une création plus récente
qu'elle avait présentée à Planète Andalucia, à Montreuil sous Bois. Avec
grâce et talent, Raquel a ébloui le public toujours très réceptif
à cette discipline artistique. A noter aussi la qualité de la prestation
de Javier Cerezo, guitariste de grand talent, que les aficionados
connaissent aussi très bien. Lors de la deuxième partie du spectacle,
c'est au tour de La Tremendita d'investir la scène. Elle opte
pour un répertoire jondo avec, entre autre, une seguiriya
magistralement interprétée. Son sens du tragique et de la plainte alliée
à un charisme indéniable impressionnent le public. Elle est prise corps
et âme dans son chant jusqu'à provoquer des spasmes et des secousses
dans tout son corps lorsqu'elle entre dans la jondura des
letras et du cante. Le guitariste Salvador Gutierrez
l'accompagne avec beaucoup de délicatesse et de talent. Après cette très
belle prestation, le récital se clôture avec la grenadine Gema Caballero. Accompagnée par le guitariste
Pedro Barragan Hernandez, Gema chante
avec une voix douce et
mélodieuse. Cette artiste a forgé son talent en écoutant les maîtres de
Grenade et plus particulièrement Enrique Morente. Elle interprète
une Zambra de la Paquera de Jerez qu'elle dédie à
toutes les femmes, puis elle chante une Solea por Buleria, un tango,
une buleria . Puis, elle invite son amie La Tremendita
à la rejoindre sur scène et ensemble, elles interprètent un Fandango
de toute beauté. Saluons aussi la prestation du palmero
Bastian de Jerez qui intervient à chaque spectacle et qui illumine
le chant avec ses palmas. Après une fin de Fiesta et de longs
applaudissements, tous les artistes montent sur scène ainsi que
l'équipe organisatrice du Festival et une standing ovation de la part du public
témoigne de son véritable enthousiasme... quelle soirée magique!
En parallèle du Festival, un master class avec Rocio
Marquez était prévu, ainsi que diverses animations: une conférence
de Mercedez Gomez-Garcia sur la conquête du statut de cantaora
dans le Flamenco ainsi qu' une projection du Film 'La Paquera de
Jerez au Japon', d'Yvan Shreck en présence du réalisateur. A
noter qu'une projection de cet excellent documentaire est programmée
samedi 4 avril 2009, à Flamenco en France. A voir
absolument!
Nous remercions chaleureusement Antonio Diaz Florian,
directeur de l'Epée de Bois, ainsi que toute l'équipe de Flamenco en
France, en particulier Marie-Catherine Chevrier, Ingrid Fouledeau, Marcos Velasco,
Juan Molina, Camill Rhoul et Sergio Gonçalves pour tout le travail
réalisé, leur convivialité et pour leur dévouement qu'ils mettent
au service d'un
art qu'ils aiment profondément et qu'ils ont honoré au travers d'un
Festival d'une qualité époustouflante.
Interview de Rocio
Marquez: cliquer ici
Interview
de Rocio Bazan: cliquer ici
Interview de Dolores Agujetas:
cliquer ici
Visiter le site Web de Flamenco en France, à Paris:
www.flamencoenfrance.fr
Visiter le site Web du Théâtre de l'Epée de Bois, à
Paris:
www.epeedebois.com
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