Interview de
Rocío Márquez réalisée par
Isabelle Jacq 'Gamboena'
en mars 2009, pour Musique Alhambra

Rocío Márquez
-
Rocío Márquez, c'est un grand honneur
pour nous de te voir ici, dans le cadre du Festival 'Voix de
Femmes'. Tu es l'heureuse gagnante du concours La Lampara
Minera 2008. C'est une véritable consécration dans le monde
du Flamenco. T'attendais tu à recevoir cette belle
récompense?
- Pour moi,
c'était un rêve. J'espérais un jour obtenir ce prix, mais je
savais que c'était un concours très difficile, d'autant plus
lorsqu'on s'y présente pour la première fois, ce qui était
mon cas. Néanmoins, j'avais mis toutes les chances de mon
côté en travaillant beaucoup pour y croire. Les
circonstances m'ont été favorables et je suis vraiment
comblée d'avoir obtenu ce prix.
- Ce prix, qu'a-t-il changé
concrètement dans ta carrière artistique?
- Je pense
qu'un prix comme celui de La Lampara Minera a de grosse
répercussions dans une carrière de chanteuse et cela ouvre
beaucoup de portes. Grace à cela, nous sommes beaucoup plus
sollicités par les diffuseurs de spectacles.Nous avons donc
de nombreuses dates de spectacles...j'ai vraiment beaucoup
de chance.
- Quels sont autres les
rêves que souhaiterais réaliser?
-
Actuellement, je suis comblée, car ce qu'il y a de plus beau
pour moi c'est de chanter sur scène et que je puisse
transmettre ce que je ressens,au public. Bien sûr, tous les
artistes de cherchent la reconnaissance et aspirent à
devenir une figure importante. Celui qui n'a pas cette
ambition me paraitrait bien étrange. Mais, au-delà de cela,
je pense que l'important est de se sentir bien dans son art
et de pouvoir transmettre avec justesse ce que l'on ressent.
Moi, je ne suis pas toujours satisfaite de mon travail. Il
arrive que, une fois le concert terminé et que le public a
été très enthousiaste, j'arrive chez moi avec un sentiment
de tristesse profond car je n'étais pas satisfaite de ma
prestation. Il arrive aussi que le public n'ait pas vraiment
apprécié mon chant mais que, de mon côté je sois très
contente de moi-même. Face à ces deux situations, la seconde
me satisfait d'avantage.
- Quand as-tu commencé à
chanter?
- La
première fois que ma mère m'entendis chanter, j'avais deux
ans; je chantais un Fandango de Huelva. Je commençais déjà à
m'apercevoir que le chant me plaisait beaucoup. J'écoutais
attentivement les chants. La première fois que je chantais
sur scène dans une peña Flamenca, j'avais 9 ans. C'était
dans la peña de 'Palo de la Frontera', à Huelva. Lorsque je
fis mes débuts dans cette peña, je rencontrai
Manolo Lopez
qui m'a beaucoup aidé et m'a fait écouté de nombreux
enregistrements pour pouvoir travailler.A 18 ans,
lorsque j'entrais à la Fondation Cristina Heeren, à Séville,
j'appris d'autres chants encore. Je pense que c'est là bas
que je suis vraiment tombée amoureuse du chant. Plus j'en
écoutais, plus j'avais envie d'en écouter.
- Y a t-il des membres
de ta famille qui chantent?
- Mon
grand-père chantait très bien. Ma mère chante, mon cousin
aussi, mais ils ne sont pas des chanteurs professionnels.
Ils chantent bien mais ils n'aiment pas se produire sur
scène.
- Quels sont les palos
qui te plaisent plus particulièrement?
- Non, il
n'y en a pas un en particulier...cela dépend des jours, de
mon état émotionnel du moment. En fonction de mon état
d'esprit, je chante les palos qui correspondent à mon
humeur, car, finalement, chanter c'est une manière de
s'exprimer.
- Qu'est ce qui t'a motive
pour choisir cette voie professionnelle?
- Je
décidais que je voulais devenir chanteuse professionnelle
grâce à tout ce que je ressentais lorsque je chantais sur
scène et que je ressentais la chaleur du public. Les
sensations les plus fortes que j'ai vécues, dans ma vie,
sont celles que j'ai eu, là haut, sur scène. C'est
cela qui m'a motivé pour poursuivre ma carrière artistique.
- Tu es native de Huelva.
Qu'est-ce que tu aimerais nous dire à propos de ta terre
natale?
- En plus de
l'amour que j'éprouve pour ma terre natale, je pense qu'il y
a de nombreux d'aficionados et qu'il y a beaucoup
de gens
qui détiennent de très bonnes facultés artistiques. Un
certain nombre de jeunes chanteurs natifs de Huelva font des
choses très intéressantes et sont en train de se faire leur
place dans le monde du Flamenco. Sur cette terre, il y a des
chants traditionnels merveilleux comme les Fandangos. Tous
ceux qui naissent à Huelva ont un lien particulier avec ces
chants. Tout le monde sait plus ou moins chanter tous les
types de fandangos. Les fandangos conditionnent beaucoup la
sensibilité des gens de Huelva. Ce style de chant nécessite
de la rapidité et de la force. Si, a deux ans, une petite
fille chante ce palo, cela détermine, d'une
certaine manière, sa manière de chanter, plus tard. Ce qui
est mon cas. .
- Ta voix est
impressionnante. Tu as une manière très profonde de
t'exprimer...quel est ton secret? Est-ce uniquement par le
travail que tu es arrivé à cette qualité de chant?
- Je
crois que les qualités innées existent. Certains ont des
timbres de voix plus agréables que d'autres. Tout cela est
réellement inné. Ceci dit, il faut beaucoup travailler pour
évoluer, maitriser la technique et détenir une grande
variété de chants. Cela améliore les choses. Etudier, c'est
donc très important aussi.
- Tu travailles beaucoup,
n'est ce pas?
- Oui, j'ai beaucoup appris
à la Fondation Cristina Heeren.
Maintenant, je continue à travailler chez moi, en écoutant
les chants des anciens.
- Quels sont les chanteurs
que tu apprécies plus particulièrement?
- J'aime beaucoup de
chanteurs. Pour commencer par les anciens, il y a
La Niña de Los Peines, Marchena,
Chacon, Naranjito, Gabriel Moreno, Tomasa.
Parmi les
chanteurs actuels, je citerais avant tout Enrique Morente
qui est un artiste dans tous les sens du terme. Qu'il soit
un artiste, ce n'est pas seulement par le fait qu'il chante
bien, mais c'est aussi le fait que c'est un homme qui
détient une grand capacité créative. Il sait faire chaque
chose au bon moment. Morente,
je l'admire, c'est un Génie. Lole et Manuel
sont aussi de très grands artistes. Je citerais aussi
Miguel Pobedy;
il me fascine. Pour moi, c'est un maestro.
Mayte Martin
me plait aussi vraiment.
- Comment as-tu construit ta
manière de chanter? En écoutant les autres ou en chantant
toi-même?
- J'aime
beaucoup écouter les chanteurs contemporains, mais j'essaye
de le faire le moins possible. car ils sont vivants et ils
sont en train de créer quelque chose de personnel. Si
j'écoutais beaucoup leur chant, cela finirait par
m'influencer et je finirais par reproduire ce qu'ils font,
et je ne vois vraiment pas l'intérêt de chanter de la même
manière que cette personne qui est la première à avoir
chanté de cette manière. C'est pour cela que je préfère
écouter les chants anciens. A partir de l'essence, j'essaye
d'affirmer ma propre personnalité. Je pense que tous les
artistes qui sont reconnus actuellement ont fait ce travail
d'aller chercher leur voie à partir de l'essence du chant.
- Y a t-il d'autres formes
d'art, en dehors du Flamenco, qui t'inspirent dans ta
création artistique?
- Oui, je
pense que le Flamenco est un mode de vie et une manière de
s'exprimer. Cela ne se limite pas seulement au moment où
l'on monte sur la scène ou quand on étudie. Le Flamenco
conditionne ma vie entière. En allant au théâtre, ou en
écoutant un autre style de musique, il est probable que je
puisse établir une connexion, que cela me rappelle un chant,
où que cela me donne une piste pour réaliser quelque chose
d'intéressant. En fait, tout peut m'inspirer.
- As-tu des projets
d'enregistrements?
- Oui, nous
avons réalisé un DVD intitulé 'Aqui y Ahora' qui sera
dans les bacs dans 3 semaines. Il est déjà en vente sur ITune. C'est un enregistrement en direct, sans public. Je
suis très contente de ce travail car il reflète bien ce que
je suis actuellement. J'ai pu aussi intégrer des thèmes que
j'ai composé moi-même. D'autre part, nous avons aussi le
projet d'enregistrer un CD d'ici quelques mois, dans la
collection 'La Lampara Minera'.
- As-tu des conseils à donner
à des chanteurs qui souhaitent se lancer dans une carrière
artistique?
- Je
pourrais leur dire ce qui m'a beaucoup aidé,
personnellement: Le fait d'essayer d'exprimer, au travers du
chant, mon intériorité et non mon égo. Il est plus difficile
de chanter avec son 'être intérieur' qu'avec son égo. Il y a
aussi ce que me transmettent les anciens; ils me tracent la
voie à laquelle j'aspire.
- Pour toi, que représente le
Flamenco?
- Le
Flamenco est dans ma manière de ressentir et de vivre. Je me
lève avec un chant et je me couche avec un autre chant et ,
entre temps, j'aime étudier d'autres chants et , si j'ai un
peu de temps, j'aime écouter les autres chanter, qu'ils
soient connus ou pas. J'apprécie ces moments. Pour moi, le
Flamenco est un cadeau de la vie.
- Quelles sont tes prochaines
destinations pour ta tournée ?
- Nous avons
beaucoup de dates en Espagne et nous serons prochainement en
Croatie, puis à New-York...et d'autres destinations qui sont
en cours de confirmation.
- Nous suivrons ton actualité
de très près. Merci beaucoup
Rocío Márquez.
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Interview réalisée en mars
2009, dans le cadre du Festival Voix de Femmes organisé par
Flamenco en France en coréalisation avec le Théâtre de
l'Epée de Bois, à Paris. Remerciements à
l'équipe du Théâtre de l'Epée de Bois ainsi qu'à
l'équipe de 'Flamenco en France', en particulier à
Marie-Catherine Chevrier, Ingrid
Fouledeau, Marcos Velasco et Camill Rhoul.

Visiter le site Web de
Rocío Márquez:
www.rociomarquez.com
Visiter le site Web de Flamenco en France:
http://www.flamencoenfrance.fr
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