Sandrine Rabassa, une Directrice
artistique au grand cœur
Depuis deux ans, Sandrine
Rabassa est la Directrice artistique du Festival Arte Flamenco
de Mont de Marsan. Sa présence, nous la ressentons au travers de
l'âme qu'elle sait insuffler dans ce Festival et dans
l'immense bonheur qu'elle donne au public en lui offrant
une programmation exceptionnelle. A l'issue de cette 23ème
édition, Sandrine Rabassa nous a accordé l'entretien qui suit:

- Sandrine Rabassa, nous te remercions tout d'abord pour
l'excellente programmation de ce 23 ème Festival Arte
Flamenco de Mont de Marsan. Quelles sont tes impressions sur
cette édition qui vient de se terminer?
- Mes premières impressions, ce sont des flashs intenses
d'émotions. J'ai beaucoup de plaisir à me rappeler les moments
forts de la semaine: la rencontre avec Israel Galvan, la danse
de Farruco, le fin de Fiesta d'Agujetas... des personnes sont
venues en pleurant pour me remercier de ce moment magique... en
fait, le
mot 'Magique' résume bien cette édition. Nous avons eu beaucoup
d'émotion avec la chanson 'Gelem Gelem' d'Esperanza Fernandez
qui a bouleversé la salle en entier. Je suis très heureuse. J'ai
de belles images et de bons sentiments dans mon cœur et tout
cela a été possible grâce à la magnifique équipe du Festival
Arte Flamenco organisé par le Conseil Général des Landes. Je remercie aussi
les bénévoles qui ont participé à ce Festival, tous les
techniciens qui ont fait le maximum.
- Nous ressentons tous ton lien très fort avec le Flamenco. D'où
vient-il?
- ...de ma famille. En fait, mon grand-père est andalou, d'un
petit village à côté de Séville. Mes grands-parents se sont
beaucoup occupés de moi quand j'étais petite. Comme c'étaient
des immigrés espagnols, ils m'ont élevé au chant du Flamenco.
Mon grand père était un vrai aficionado. J'ai donc grandi avec
le Flamenco, en l'écoutant et en le vivant. Au décès de mes
grands-parents, j'ai voulu me rapprocher un peu plus de leur
terre natale. Comme je dansais le Flamenco, j'ai voulu partir là
bas pour voir de plus près ce qu'il s'y passait. J'ai pris des
cours avec José Galvan. A partir de ce moment, tout est allé
très vite. J'ai rencontré un homme que j'ai beaucoup
aimé. Sa famille m'a prise sous son aile et ils m'ont appris
tout ce qui ne s'apprend pas ailleurs. J'ai vraiment été prise en charge. Ils m'ont appris
à vivre le Flamenco. Le Flamenco
est entré au plus profond de moi, dans ma vie. Ensuite, j'ai
rencontré Javier Puga qui avait besoin d'aide pour le Festival
de Mont de Marsan. Je suis restée dans l'ombre à travailler avec
lui pendant presque 11 ans. Quand il a quitté son poste, on m'a
proposé de prendre la suite et j'ai accepté.
- Cela fait maintenant deux ans que tu es directrice artistique
du festival. Cette évolution est assez naturelle, n'est-ce pas?
- Oui, j'avais une expérience du Festival et une connaissance du
milieu qui n'est pas évidente car c'est un milieu fermé et tout
le monde n'y rentre pas comme cela. Du fait que j'ai des
contacts assez privilégiés avec les artistes, cela facilite
énormément les choses et
au moment de travailler, cela aide beaucoup. Certains artistes
sont des amis, d'autres ne l'étaient pas mais le deviennent
rapidement. Cette confiance et ce rapport que j'arrive à établir
avec eux font qu'il se passe des moments
exceptionnels à Mont de Marsan. Nous avons un rapport
professionnel, mais aussi et surtout un rapport d'amitié voire
de famille. Il y a des artistes qui étaient présents à la
naissance de mon fils; certains sont là à des moments forts de
ma vie et j'étais avec eux dans les moments les plus forts de
leur vie aussi. C'est ce qui fait aussi qu'ici, il se passe des
choses plus fortes qu'ailleurs. Ici, il
y a forcément un petit supplément d'âme.
- Effectivement, nous avons ressenti cela aussi.
- C'est très beau de
voir à quel point les artistes
me font confiance et comment ils veulent véritablement m'aider. Il y
en a même certains qui se sont produit gratuitement alors
que cela n'était pas prévu; ils ont pris leur
instrument et ils y sont allés. Ils sont d'une générosité au
delà de l'aspect professionnel et cela donne un festival
exceptionnel. Il y a des rencontres humaines et l'aspect
artistique arrive d'autant plus à être au 'top niveau'.
- Comment as-tu conçu la programmation de
cette édition et quel
était l'objectif que tu t'étais fixé en élaborant cette
programmation?
- J'avais un objectif: celui de satisfaire tout le monde, il
faut être clair. Je voulais que les puristes y trouvent leur
compte et je voulais aussi que les personnes qui avaient
envie de découvrir d'autres formes de Flamenco soient aussi satisfaites, que le public pro avant-gardiste
puisse être content aussi. Je voulais aussi que les personnes qui ne connaissent absolument rien au
Flamenco soient séduites. D'où le spectacle de Maria Pagès qui s'adresse au grand public. Le but est d'attirer toujours
plus de monde au Flamenco, donc de trouver des formules qui
puissent séduire: les spectacles de rue par exemple,
l'initiation, les cours pour les enfants. Mon souci était de
satisfaire les connaisseurs,
quel que soit leur gout, et ouvrir aussi le Flamenco à un
public plus large, aux gens qui n'osaient peut-être pas approcher le
Flamenco car ils ne le connaissaient pas. Tel était mon
objectif. Après, bien sur, offrir le meilleur du Flamenco dans
une programmation où, pendant toute une semaine, nous voyons le
'top du top'.
- Le Festival s'est clôturé avec le magnifique chant d'Agujetas,
sur les berges de la Midouze. Pourquoi as -tu choisi ce chanteur pour ce
moment particulier?
- Pour que nous puissions avoir tout ce que nous avons eu pendant toute la semaine,
c'est à dire diverses expressions du Flamenco, il faut bien que
cela repose sur les bases, et ces bases, c'est le cante
jondo. Cela me semblait assez normal et légitime de terminer
sur les bases du Flamenco et de rendre hommage à l'origine du
Flamenco car, sans cela, nous n'aurions pas eu toutes les
expressions que nous avons eu pendant toute la semaine. Pourquoi
Agujetas? parce que c'est le dernier des 'Mohicans';
depuis que Chocolate est décédé, malheureusement, c'est
le dernier des anciens qui puisse chanter de cette manière et
qui a cette capacité de donner avec beaucoup de simplicité les
codes et la culture du Flamenco qui est à son origine. Cela n'a
pas été évident jusqu'au bout. Lui qui n'a jamais été dirigé, il
a accepté ma vision du spectacle; il a accepté de commencer
comme je le souhaitais, c'est à dire au son de la fragua,
comme un appel au public et de terminer au son du compas de la
fragua, comme pour donner les trois derniers coups, dire que
le festival est terminé. Il a donc tenu compte de mes directives,
ce qui est exceptionnel et il nous a ravi car il a chanté 40
minutes, donc il ne s'est pas économisé; lui qui est capable de
tout, il a donné le meilleur; ça a été un travail d'équipe
extraordinaire. D'un point de vue technique, pour réaliser le
spectacle, nous avons travaillé nuits et jours et surtout la nuit,
d'ailleurs. Comme c'était un spectacle son et lumière, il a
fallu faire un travail de mise en place des dessins lumineux.
Pierre Martigne qui était aux manettes, a
fait un travail exceptionnel au niveau des lumières.
Malheureusement, nous n'avons pas pu utiliser tous les effets
spéciaux qui étaient prévus. Des flammes devaient monter le long
du mur, mais comme il a plu l'après midi, nous ne pouvions
travailler ces effets spéciaux. Quoi qu'il en soit, Agujetas à fait, à lui
tout seul, un effet très spécial.
- ...Effectivement. Y a-t-il eu d'autres moments forts que toi et ton équipe avez
vécus, pendant le Festival?
-
A la fin du chant de 'Gelem Gelem' d'Esperanza
Fernandez, j'étais en larmes. Toute l'équipe s'est retrouvée en coulisse et nous nous sommes
tous serrés très fort dans les bras. Très sincèrement, pour nous,
cela a été un moment très fort, un moment de communion, un
moment où l'on avait besoin de se serrer dans les bras comme le
font souvent les artistes, d'ailleurs. Nous travaillons très dur toute l'année et si nous
faisons tout ce que nous faisons, j'avoue que, ce soir là, nous
avions le sentiment d'avoir réussi quelque chose d'exceptionnel.
- Pour la prochaine édition, y aura-t-il certains changements,
notamment dans l'organisation du Festival?
- Je pense qu'effectivement il y aura certains changements,
puisque j'ai pris note de certains éléments à
améliorer, notamment en ce qui concerne l'accueil du public,
etc., des changements dans la formule, mais nous allons parler
de tout cela. Je pense que je ne
referai pas une fin de fiesta au bord de l'eau car, après
le moment que nous avons vécu avec Agujetas, cela
risque d'être moins bien. Je réfléchirai donc à une autre
clôture de Festival et éventuellement faire participer le public
pour cette clôture. Je suis en train d'imaginer quelque chose
dans cet axe là. Nous allons surtout réfléchir à la
structure, comment la redéfinir ou l'améliorer, tout simplement.
Le principe sera toujours le même, c'est à dire offrir le
meilleur possible au public et ouvrir le Festival à un
public le plus large possible, aux enfants, aux personnes qui ne
connaissent pas le Flamenco, pour que le plus de monde possible
puisse accéder à ce cadeau qu'est le Flamenco, dans nos vies.
- Pourrais-tu nous donner quelques grandes lignes
de la programmation du prochain
Festival?
- J'ai déjà beaucoup de choses qui sont dans ma
tête; à partir du moment où c'est dans ma tête, c'est quasiment
fait. D'après Christian Magote, le Directeur technique,
cette édition était la meilleure qu'il ait connu depuis qu'il
est présent sur ce festival. Il est
clair que, du fait que cette édition a été tellement
exceptionnelle, nous souhaitons rester sur un
niveau aussi haut, l'année prochaine.
- Concernant les stages qui
étaient organisés, ont-ils eu du succès?
- Oui, beaucoup, mais ce qui nous ennuie un peu
c'est que nous n'avons pas pu accueillir tout le monde et nous
avons été obligé de laisser beaucoup de personnes sans stage.
Nous devons trouver une solution pour répondre à la forte
demande, réfléchir à cela, comment éventuellement augmenter la
capacité, les infrastructures, les moyens pour pouvoir
accueillir plus de stagiaires. Tout est une question de moyens,
évidemment. Nous aurons une réunion de bilan en septembre, puis,
à partir de là, nous commencerons à travailler pour la
prochaine édition sachant que moi, j'aurai déjà une trame
artistique fixée pour cette prochaine édition.
- As-tu un autre message à
communiquer à propos de ce Festival?
- Oui, nous vous remercions aussi pour votre
présence et votre capacité à diffuser les informations sur ce Festival. C'est important que l'on connaisse le Festival,
non seulement son contenu, mais aussi l'état d'esprit dans
lequel il se déroule. Un festival, quand il a une âme, c'est
encore mieux. Nous vous remercions de transmettre tout ce qui se
voit mais aussi tout ce que l'on ressent.
- Merci beaucoup Sandrine et à
bientôt...

Voir le reportage sur le 23ème Festival Arte Flamenco de Mont
de Marsan:
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