Accueil Al-Andalus  Flamenco Liens Forum Contact Email
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Interview de Sandrine Rabassa réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena' en juillet 2011,  pour Musique Alhambra. Photos: Alain Jacq

 

 

Sandrine Rabassa, une Directrice artistique au grand cœur

Depuis deux ans, Sandrine Rabassa est la Directrice artistique du Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan. Sa présence, nous la ressentons au travers de  l'âme qu'elle sait insuffler dans ce Festival et dans l'immense bonheur qu'elle donne au public en lui offrant une programmation exceptionnelle. A l'issue de cette 23ème édition, Sandrine Rabassa nous a accordé l'entretien qui suit:

- Sandrine Rabassa, nous te remercions tout d'abord pour l'excellente programmation de ce 23 ème Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan. Quelles sont tes impressions sur cette édition qui vient de se terminer?

- Mes premières impressions, ce sont des flashs intenses d'émotions. J'ai beaucoup de plaisir à me rappeler les moments forts de la semaine: la rencontre avec Israel Galvan, la danse de Farruco, le fin de Fiesta d'Agujetas... des personnes sont venues en pleurant pour me remercier de ce moment magique... en fait, le mot 'Magique' résume bien cette édition. Nous avons eu beaucoup d'émotion avec la chanson 'Gelem Gelem' d'Esperanza Fernandez qui a bouleversé la salle en entier. Je suis très heureuse. J'ai de belles images et de bons sentiments dans mon cœur et tout cela a été possible grâce à la magnifique équipe du Festival Arte Flamenco organisé par le Conseil Général des Landes. Je remercie aussi les bénévoles qui ont participé à ce Festival, tous les techniciens qui ont fait le maximum.

- Nous ressentons tous ton lien très fort avec le Flamenco. D'où vient-il?

- ...de ma famille. En fait, mon grand-père est andalou, d'un petit village à côté de Séville. Mes grands-parents se sont beaucoup occupés de moi quand j'étais petite. Comme c'étaient des immigrés espagnols, ils m'ont élevé au chant du Flamenco. Mon grand père était un vrai aficionado. J'ai donc grandi avec le Flamenco, en l'écoutant et en le vivant. Au décès de mes grands-parents, j'ai voulu me rapprocher un peu plus de leur terre natale. Comme je dansais le Flamenco, j'ai voulu partir là bas pour voir de plus près ce qu'il s'y passait. J'ai pris des cours avec José Galvan. A partir de ce moment, tout est allé très vite. J'ai rencontré un homme que j'ai beaucoup aimé. Sa famille m'a prise sous son aile et ils m'ont appris tout ce qui ne s'apprend pas ailleurs. J'ai vraiment été prise en charge. Ils m'ont appris à vivre le Flamenco. Le Flamenco est entré au plus profond de moi, dans ma vie. Ensuite, j'ai rencontré Javier Puga qui avait besoin d'aide pour le Festival de Mont de Marsan. Je suis restée dans l'ombre à travailler avec lui pendant presque 11 ans. Quand il a quitté son poste, on m'a proposé de prendre la suite et j'ai accepté.

- Cela fait maintenant deux ans que tu es directrice artistique du festival. Cette évolution est assez naturelle, n'est-ce pas?

- Oui, j'avais une expérience du Festival et une connaissance du milieu qui n'est pas évidente car c'est un milieu fermé et tout le monde n'y rentre pas comme cela. Du fait que j'ai des contacts assez privilégiés avec les artistes, cela facilite énormément les choses et au moment de travailler, cela aide beaucoup. Certains artistes sont des amis, d'autres ne l'étaient pas mais le deviennent rapidement. Cette confiance et ce rapport que j'arrive à établir avec eux font qu'il se passe des moments exceptionnels à Mont de Marsan. Nous avons un rapport professionnel, mais aussi et surtout un rapport d'amitié voire de famille. Il y a des artistes qui étaient présents à la naissance de mon fils; certains sont là à des moments forts de ma vie et j'étais avec eux dans les moments les plus forts de leur vie aussi. C'est ce qui fait aussi qu'ici, il se passe des choses plus fortes qu'ailleurs. Ici, il y a forcément un petit supplément d'âme.

- Effectivement, nous avons ressenti cela aussi.

- C'est très beau de voir à quel point les artistes me font confiance et comment ils veulent véritablement m'aider. Il y en a même certains qui se sont produit gratuitement alors que cela n'était pas prévu; ils ont pris leur instrument et ils y sont allés. Ils sont d'une générosité au delà de l'aspect professionnel et cela donne un festival exceptionnel. Il y a des rencontres humaines et l'aspect artistique arrive d'autant plus à être au 'top niveau'.

- Comment as-tu conçu la programmation de cette édition et quel était l'objectif que tu t'étais fixé en élaborant cette programmation?

- J'avais un objectif: celui de satisfaire tout le monde, il faut être clair. Je voulais que les puristes y trouvent leur compte et je voulais aussi que les personnes qui avaient envie de découvrir d'autres formes de Flamenco soient aussi satisfaites, que le public pro avant-gardiste puisse être content aussi. Je voulais aussi que les personnes qui ne connaissent absolument rien au Flamenco soient séduites. D'où le spectacle de Maria Pagès qui  s'adresse au grand public. Le but est d'attirer toujours plus de monde au Flamenco, donc de trouver des formules qui puissent séduire: les spectacles de rue par exemple, l'initiation, les cours pour les enfants. Mon souci était de satisfaire les connaisseurs, quel que soit leur gout, et ouvrir aussi le Flamenco à un public plus large, aux gens qui n'osaient peut-être pas approcher le Flamenco car ils ne le connaissaient pas. Tel était mon objectif. Après, bien sur, offrir le meilleur du Flamenco dans une programmation où, pendant toute une semaine, nous voyons le 'top du top'.

- Le Festival s'est clôturé avec le magnifique chant d'Agujetas, sur les berges de la Midouze. Pourquoi as -tu choisi ce chanteur pour ce moment particulier?

- Pour que nous puissions avoir tout ce que nous avons eu pendant toute la semaine, c'est à dire diverses expressions du Flamenco, il faut bien que cela repose sur les bases, et ces bases, c'est le cante jondo. Cela me semblait assez normal et légitime de terminer sur les bases du Flamenco et de rendre hommage à l'origine du Flamenco car, sans cela, nous n'aurions pas eu toutes les expressions que nous avons eu pendant toute la semaine. Pourquoi Agujetas? parce que c'est le dernier des 'Mohicans'; depuis que Chocolate est décédé, malheureusement, c'est le dernier des anciens qui puisse chanter de cette manière et qui a cette capacité de donner avec beaucoup de simplicité les codes et la culture du Flamenco qui est à son origine. Cela n'a pas été évident jusqu'au bout. Lui qui n'a jamais été dirigé, il a accepté ma vision du spectacle; il a accepté de commencer comme je le souhaitais, c'est à dire au son de la fragua, comme un appel au public et de terminer au son du compas de la fragua, comme pour donner les trois derniers coups, dire que le festival est terminé. Il a donc tenu compte de mes directives, ce qui est exceptionnel et il nous a ravi car il a chanté 40 minutes, donc il ne s'est pas économisé; lui qui est capable de tout, il a donné le meilleur; ça a été un travail d'équipe extraordinaire. D'un point de vue technique, pour réaliser le spectacle, nous avons travaillé nuits et jours et surtout la nuit, d'ailleurs. Comme c'était un spectacle son et lumière, il a fallu faire un travail de mise en place des dessins lumineux. Pierre Martigne qui était aux manettes, a fait un travail exceptionnel au niveau des lumières. Malheureusement, nous n'avons pas pu utiliser tous les effets spéciaux qui étaient prévus. Des flammes devaient monter le long du mur, mais comme il a plu l'après midi, nous ne pouvions travailler ces effets spéciaux. Quoi qu'il en soit, Agujetas à fait, à lui tout seul, un effet très spécial.

- ...Effectivement. Y a-t-il eu d'autres moments forts que toi et ton équipe avez vécus, pendant le Festival?

- A la fin du chant de 'Gelem Gelem' d'Esperanza Fernandez, j'étais en larmes. Toute l'équipe s'est retrouvée en coulisse et nous nous sommes tous serrés très fort dans les bras. Très sincèrement, pour nous, cela a été un moment très fort, un moment de communion, un moment où l'on avait besoin de se serrer dans les bras comme le font souvent les artistes, d'ailleurs. Nous travaillons très dur toute l'année et si nous faisons tout ce que nous faisons, j'avoue que, ce soir là, nous avions le sentiment d'avoir réussi quelque chose d'exceptionnel.

- Pour la prochaine édition, y aura-t-il certains changements, notamment dans l'organisation du Festival?

- Je pense qu'effectivement il y aura certains changements, puisque j'ai pris note de certains éléments à améliorer, notamment en ce qui concerne l'accueil du public, etc., des changements dans la formule, mais nous allons parler de tout cela. Je pense que je ne referai pas une fin de fiesta au bord de l'eau car, après le moment que nous avons vécu avec Agujetas, cela risque d'être moins bien. Je réfléchirai donc à une autre clôture de Festival et éventuellement faire participer le public pour cette clôture. Je suis en train d'imaginer quelque chose dans cet axe là.  Nous allons surtout réfléchir à la structure, comment la redéfinir ou l'améliorer, tout simplement. Le principe sera toujours le même, c'est à dire offrir le meilleur possible au public et ouvrir le Festival à un public le plus large possible, aux enfants, aux personnes qui ne connaissent pas le Flamenco, pour que le plus de monde possible puisse accéder à ce cadeau qu'est le Flamenco, dans nos vies.

- Pourrais-tu nous donner quelques grandes lignes de la programmation du prochain Festival?

- J'ai déjà beaucoup de choses qui sont dans ma tête; à partir du moment où c'est dans ma tête, c'est quasiment fait. D'après Christian Magote, le Directeur technique, cette édition était la meilleure qu'il ait connu depuis qu'il est présent  sur ce festival. Il est clair que, du fait que cette édition a été tellement exceptionnelle, nous souhaitons rester sur un niveau aussi haut, l'année prochaine.

- Concernant les stages qui étaient organisés, ont-ils eu du succès?

- Oui, beaucoup, mais ce qui nous ennuie un peu c'est que nous n'avons pas pu accueillir tout le monde et nous avons été obligé de laisser beaucoup de personnes sans stage. Nous devons trouver une solution pour répondre à la forte demande, réfléchir à cela, comment éventuellement augmenter la capacité, les infrastructures, les moyens pour pouvoir accueillir plus de stagiaires. Tout est une question de moyens, évidemment. Nous aurons une réunion de bilan en septembre, puis, à partir de là,  nous commencerons à travailler pour la prochaine édition sachant que moi, j'aurai déjà une trame artistique fixée pour cette prochaine édition.

- As-tu un autre message à communiquer à propos de ce Festival?

- Oui, nous vous remercions aussi pour votre présence et votre capacité à diffuser les informations sur ce Festival. C'est important que l'on connaisse le Festival, non seulement son contenu, mais aussi l'état d'esprit dans lequel il se déroule. Un festival, quand il a une âme, c'est encore mieux. Nous vous remercions de transmettre tout ce qui se voit mais aussi tout ce que l'on ressent.

- Merci beaucoup Sandrine et à bientôt...

Voir le reportage sur le 23ème Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan: cliquer ici