- Nous venons d'assister au
très beau spectacle intitulé "Promenade à l'ombre de la lune",
spectacle dans lequel tu récites des poèmes d'auteurs
espagnols, accompagné par la danse et la musique
Flamencas. Pourrais-tu nous retracer les grandes lignes de ton
parcours artistique?
- Je suis venu à Paris pour intégrer l'Ecole de
Théâtre Jacques Lecoq. A l'issue de cette formation, j'ai
crée ma compagnie Zorongo qui œuvre exclusivement pour la
diffusion de la langue espagnole et pour la production de la
compagnie. Nous avons déjà 10 productions différentes de poésie
et théâtre et nous avons tourné dans différents lieux culturels
comme au Festival de Miami ou encore celui de Madrid. J'ai crée
aussi le 'Festival Don Quijote' qui a lieu chaque année au mois
de novembre, au Café de la Danse, à Paris.
- A propos du spectacle de ce
soir, tu es à l'origine de cette création,
n'est-ce pas?
- Oui, pour ce spectacle, j'ai fait une sélection
de poèmes; j'ai crée l'histoire ainsi que la mise en scène.
- Dans quel objectif as-tu
réuni ces textes?
- L'objectif principal de ce spectacle est de
parler de l'homme, de son parcours depuis le monde de l'enfance
jusqu'à l'âge adulte. Le premier poème que je récite est celui
intitulé "Canción tonta" de Garcia Lorca. Il
commence par le mot 'maman', c'est aussi le premier mot qu'un
enfant arrive à dire. Il s'agit des rêves de l' enfant, de ses
demandes poétiques et il est presque impossible, pour la maman,
d'y répondre. Puis, je dis un poème intitulé "Palabras",
d'Antonio Machado, qui pourrait correspondre au monde de
l'adolescence, lorsque l'enfant commence à réfléchir, à
s'engager un peu dans la vie, essaye de démonter le processus de
conditionnement inhérent à son éducation. Ce texte est suivi de
"Se todos los cuentos" du poète León Felipe. Nous
entrons plus profondément encore dans la remise en question de
l'éducation, dans toutes ces histoires que l'on fait croire à
l'individu. C'est réellement à partir de ce moment là qu'il
s'engage et qu'il affirme son point de vue personnel. Dans le
texte suivant, "Romance de la luna luna" nous faisons un
flash-back dans le monde de l'enfance. Puis, nous revenons à
l'homme presque adulte dans les textes suivants. L'individu
commence à être amoureux et à ressentir la souffrance que
l'amour peut infliger, parfois. Dans plusieurs textes ainsi que
dans "El paysaso tiene la palabra" de León Felipe,
nous sommes dans le monde de l'adulte, lorsque l'homme s'engage
dans plusieurs domaine et notamment sur le plan politique. Et
pour sortir de cette douleur et cette souffrance, j'ai choisi le
poème "Versos sueltos" de Garcia Lorca, pour
terminer le spectacle sur une note d'espoir. J'ai rajouté aussi
des extraits de poèmes d'amis tels que Luis Cernuda,
Luis Garcia Montero et Angeles
N. Guzman.
- Pour monter le récital,
avez-vous travaillé ensemble ou chacun de son côté?
- En fait, j'ai commencé par la sélection des
poèmes puis j'ai contacté le guitariste Manuel Delgado
pour lui proposer de travailler sur ce projet. Nous nous sommes
vu et lorsque je lui ai dit les textes, cela l'intéressait
beaucoup de mettre en musique ces poèmes dont il comprenait
parfaitement le sens intime et le contenu. C'est donc ce qu'il a
fait et, lorsque nous avons sélectionné ensemble la musique,
nous avons contacté la danseuse Fuensanta Morales et ,
tous les trois, nous avons précisé quelles danses pouvaient
correspondre à ces poèmes. Puis, Fuensanta a choisi les chorégraphies.
- Fuensanta: Lors du premier rendez-vous,
Luis m'a donné les grandes lignes de la mise en scène du
spectacle; à partir de cela, j'ai crée mes chorégraphies pour
exprimer avec ma danse les ambiances et atmosphères qui
correspondaient à chaque texte sur lequel je devais danser. J'ai
eu une grande liberté dans mon travail, c'est très
important, car cela permet de donner le meilleur de soi-même.
- Dans ce spectacle, nous
avons remarqué qu' il y a une très belle respiration entre
les textes, la musique et la danse. Comment avez vous crée cette
harmonie et cette merveilleuse coordination entre vous?
- Luis Jimenez: En fait, ensemble, nous
avons privilégié l'écoute. C'est un élément important... nous ne
pourrions travailler ensemble d'une manière mécanique, d'autant
plus qu'il y a des moments d'improvisation. Nous sommes en
permanence dans une écoute riche et le public doit ressentir
cela.
- La création de ce spectacle,
que t'a-t-elle apporté, d'un point de vue personnel?
- Pendant la représentation, quand je vois que
les musiciens prennent du plaisir à jouer ensemble, j'éprouve
une grande satisfaction; lorsque je
sors de la scène quelques instants et que je les vois sur la
scène, c'est impressionnant pour moi d'écouter leur musique.
Quand je suis sur scène, j'éprouve aussi un grand plaisir à dire
les textes et à écouter les musiciens, en même temps.
- En plus de Federico Garcia
Lorca, bien connu et très apprécié des aficionados, quels poètes
nous recommandes-tu de découvrir ?
- Je citerais deux autres grands poètes: León
Felipe et José Hierro.
- As-tu choisi les textes
parce qu'ils te touchent particulièrement, ou plutôt parce
qu'ils s'adaptent à la chronologie que tu as installé dans
ce spectacle?
- En effet, les poèmes de ce spectacle me touchent tous,
mais lire un poème pour soi et lire un poème pour les copains,
ce sont deux démarches distinctes. Quand je pense à faire une
création, elle s'adresse au public et quand je cherche un texte
pour monter ce spectacle, la première chose qui compte pour moi,
c'est que le public puisse visualiser ces textes, que cela crée
des images et qu'il puisse partir avec moi dans ce voyage. Par
exemple, si je dis le poème "Romance de la luna luna" et
que le public voit la danse et écoute la musique, il voit aussi
la lune, le cheval, l'enfant qui part avec la lune. Il doit
ressentir la souffrance, la douleur qui imprègne ce poème et qui
se manifeste au travers ces différents moyens d'expression. Le
public voit les mots et l'émotion est là, bien présente.
- Quelles sont tes méthodes de
travail, tes attentes et ta conception du travail au sein de ton
groupe?
- Quand je travaille avec les autres, il est
important d'avoir un minimum de confiance en eux; c'est le
premier élément dont j'ai besoin pour créer une équipe de
travail. De plus, je connais le parcours de chacun. Ainsi, nous
pouvons avancer ensemble. En tant que metteur en scène, je donne de la liberté à
mon équipe et je lui fais confiance aussi. J'exprime mon
opinion, mais je ne l'impose pas, car j'ai beaucoup de respect
pour le travail de chacun.
- Pourrais-tu nous parler des
artistes qui t'accompagnent dans ce spectacle?
- Ce sont tous des professionnels en qui j'ai
confiance et, à mon tour, je dois répondre à leur demande.
Manuel, je l'ai rencontré à Paris. Avec Fuensanta,
nous nous sommes rencontrés lorsqu'elle est venue danser avec sa
compagnie, au Festival 'Don Quijote', à Paris. Je savais que
Fuensanta et Manuel se connaissaient. Alexis, le saxophoniste et
Georges, le percussionniste, je les connais très bien. Chacun a
son indépendance, son groupe, ses concerts et, régulièrement,
on se contacte pour caller une date de tournée ensemble; alors,
nous partons par exemple, en Colombie, au Maroc et dans d'autres
pays aussi.
- As-tu le projet de faire
tourner cette nouvelle création?
- Oui, l'idée est de la faire tourner encore
plus. Nous savons que le public aime ce récital et qu'il est là,
à chaque représentation. Maintenant, les professionnels et la
presse commencent à éprouver aussi cet enthousiasme car ils éprouvent ce que le public ressent. Ce spectacle peut
s'adresser aussi aux collégiens et aux lycéens car beaucoup
d'entre eux étudient l'espagnol. On peut aussi l'apprécier même
si l'on ne parle pas l'espagnol. En effet, les gens qui ne
parlent pas cette langue nous disent, à l'issue du spectacle, qu'ils arrivent à
comprendre aussi le sens du texte. C'est donc un spectacle qui
s'adresse à un public varié.
- Luis, merci pour ce
moment de partage très agréable et pour ce récital de grande
qualité. Nous lui souhaitons tout le succès qu'il mérite.
Reportage du spectacle ' Promenade à l'ombre de
la lune' au Théâtre de la Reine Blanche, Paris:
lire
Visiter le site Web de la compagnie Zorongo:
www.zorongo.com
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