Accueil Al-Andalus  Flamenco Liens Forum Contact Email
   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Interview de Luis Jimenez réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena', en janvier 2011,  pour Musique Alhambra

 

 

 

- Nous venons d'assister au très beau spectacle intitulé "Promenade à l'ombre de la lune", spectacle  dans lequel tu récites des poèmes d'auteurs espagnols, accompagné par la danse et  la musique Flamencas. Pourrais-tu nous retracer les grandes lignes de ton parcours artistique?

- Je suis venu à Paris pour intégrer l'Ecole de Théâtre Jacques Lecoq. A l'issue de cette formation, j'ai crée ma compagnie Zorongo qui œuvre exclusivement pour la diffusion de la langue espagnole et pour la production de la compagnie. Nous avons déjà 10 productions différentes de poésie et théâtre et nous avons tourné dans différents lieux culturels comme au Festival de Miami ou encore celui de Madrid. J'ai crée aussi le 'Festival Don Quijote' qui a lieu chaque année au mois de novembre, au Café de la Danse, à Paris.

- A propos du spectacle de ce soir,  tu es à l'origine de cette création, n'est-ce pas?

- Oui, pour ce spectacle, j'ai fait une sélection de poèmes; j'ai crée l'histoire ainsi que la mise en scène.

- Dans quel objectif as-tu réuni ces textes?

- L'objectif principal de ce spectacle est de parler de l'homme, de son parcours depuis le monde de l'enfance jusqu'à l'âge adulte. Le premier poème que je récite est celui intitulé "Canción tonta" de Garcia Lorca. Il commence par le mot 'maman', c'est aussi le premier mot qu'un enfant arrive à dire. Il s'agit des rêves de l' enfant, de ses demandes poétiques et il est presque impossible, pour la maman, d'y répondre. Puis, je dis un poème intitulé "Palabras", d'Antonio Machado, qui pourrait correspondre au monde de l'adolescence, lorsque l'enfant commence à réfléchir, à s'engager un peu dans la vie, essaye de démonter le processus de conditionnement inhérent à son éducation. Ce texte est suivi de "Se todos los cuentos" du poète León Felipe. Nous entrons plus profondément encore dans la remise en question de l'éducation, dans toutes ces histoires que l'on fait croire à l'individu. C'est réellement à partir de ce moment là qu'il s'engage et qu'il affirme son point de vue personnel. Dans le texte suivant, "Romance de la luna luna" nous faisons un flash-back dans le monde de l'enfance. Puis, nous revenons à l'homme presque adulte dans les textes suivants. L'individu commence à être amoureux et à ressentir la souffrance que l'amour peut infliger, parfois. Dans plusieurs textes ainsi que dans "El paysaso tiene la palabra" de León Felipe, nous sommes dans le monde de l'adulte, lorsque l'homme s'engage dans plusieurs domaine et notamment sur le plan politique. Et pour sortir de cette douleur et cette souffrance, j'ai choisi le poème "Versos sueltos" de Garcia Lorca, pour terminer le spectacle sur une note d'espoir. J'ai rajouté aussi des extraits de poèmes d'amis tels que  Luis Cernuda, Luis Garcia Montero et Angeles N. Guzman.

- Pour monter le récital, avez-vous travaillé ensemble ou chacun de son côté?

- En fait, j'ai commencé par la sélection des poèmes puis j'ai contacté le guitariste Manuel Delgado pour lui proposer de travailler sur ce projet. Nous nous sommes vu et lorsque je lui ai dit les textes, cela l'intéressait beaucoup de mettre en musique ces poèmes dont il comprenait parfaitement le sens intime et le contenu. C'est donc ce qu'il a fait et, lorsque nous avons sélectionné ensemble la musique, nous avons contacté la danseuse Fuensanta Morales et , tous les trois, nous avons précisé quelles danses pouvaient correspondre à ces poèmes. Puis, Fuensanta a choisi les chorégraphies.

- Fuensanta: Lors du premier rendez-vous, Luis m'a donné les grandes lignes de la mise en scène du spectacle; à partir de cela, j'ai crée mes chorégraphies pour exprimer avec ma danse les ambiances et atmosphères qui correspondaient à chaque texte sur lequel je devais danser. J'ai eu une grande liberté dans mon travail,  c'est très important, car cela permet de donner le meilleur de soi-même.

- Dans ce spectacle, nous avons remarqué qu' il y a une très belle respiration entre les textes, la musique et la danse. Comment avez vous crée cette harmonie et cette merveilleuse coordination entre vous?

- Luis Jimenez: En fait, ensemble, nous avons privilégié l'écoute. C'est un élément important... nous ne pourrions travailler ensemble d'une manière mécanique, d'autant plus qu'il y a des moments d'improvisation. Nous sommes en permanence dans une écoute riche et le public doit ressentir cela.

- La création de ce spectacle, que t'a-t-elle apporté, d'un point de vue personnel?

- Pendant la représentation, quand je vois que les musiciens prennent du plaisir à jouer ensemble, j'éprouve une grande satisfaction; lorsque je sors de la scène quelques instants et que je les vois sur la scène, c'est impressionnant pour moi d'écouter leur musique. Quand je suis sur scène, j'éprouve aussi un grand plaisir à dire les textes et à écouter les musiciens, en même temps.

- En plus de Federico Garcia Lorca, bien connu et très apprécié des aficionados, quels poètes nous recommandes-tu de découvrir ?

- Je citerais deux autres grands poètes: León Felipe et José Hierro.

- As-tu choisi les textes parce qu'ils te touchent particulièrement, ou plutôt parce qu'ils  s'adaptent à la chronologie que tu as installé dans ce spectacle?

- En effet, les poèmes de ce spectacle me touchent tous, mais lire un poème pour soi et lire un poème pour les copains, ce sont deux démarches distinctes. Quand je pense à faire une création, elle s'adresse au public et quand je cherche un texte pour monter ce spectacle, la première chose qui compte pour moi, c'est que le public puisse visualiser ces textes, que cela crée des images et qu'il puisse partir avec moi dans ce voyage. Par exemple, si je dis le poème "Romance de la luna luna" et que le public voit la danse et écoute la musique, il voit aussi la lune, le cheval, l'enfant qui part avec la lune. Il doit ressentir la souffrance, la douleur qui imprègne ce poème et qui se manifeste au travers ces différents moyens d'expression. Le public voit les mots et l'émotion est là, bien présente.

- Quelles sont tes méthodes de travail, tes attentes et ta conception du travail au sein de ton groupe?

- Quand je travaille avec les autres, il est important d'avoir un minimum de confiance en eux; c'est le premier élément dont j'ai besoin pour créer une équipe de travail. De plus, je connais le parcours de chacun. Ainsi, nous pouvons avancer ensemble. En tant que metteur en scène, je donne de la liberté à mon équipe et je lui fais confiance aussi. J'exprime mon opinion, mais je ne l'impose pas, car j'ai beaucoup de respect pour le travail de chacun.

- Pourrais-tu nous parler des artistes qui t'accompagnent dans ce spectacle?

- Ce sont tous des professionnels en qui j'ai confiance et, à mon tour,  je dois répondre à leur demande. Manuel, je l'ai rencontré à Paris. Avec Fuensanta, nous nous sommes rencontrés lorsqu'elle est venue danser avec sa compagnie, au Festival 'Don Quijote', à Paris. Je savais que Fuensanta et Manuel se connaissaient. Alexis, le saxophoniste et Georges, le percussionniste, je les connais très bien. Chacun a son indépendance, son groupe, ses concerts et, régulièrement,  on se contacte pour caller une date de tournée ensemble; alors,  nous partons par exemple, en Colombie, au Maroc et dans d'autres pays aussi.

- As-tu le projet de faire tourner cette nouvelle création?

- Oui, l'idée est de la faire tourner encore plus. Nous savons que le public aime ce récital et qu'il est là, à chaque représentation. Maintenant, les professionnels et la presse commencent à éprouver aussi cet enthousiasme car ils éprouvent ce que le public ressent. Ce spectacle peut s'adresser aussi aux collégiens et aux lycéens car beaucoup d'entre eux étudient l'espagnol. On peut aussi l'apprécier même si l'on ne parle pas l'espagnol. En effet, les gens qui ne parlent pas cette langue nous disent, à l'issue du spectacle, qu'ils arrivent à comprendre aussi le sens du texte. C'est donc un spectacle qui s'adresse à un public varié.

- Luis, merci  pour ce moment de partage très agréable et pour ce récital de grande qualité. Nous lui souhaitons tout le succès qu'il mérite.

 

Reportage du spectacle ' Promenade à l'ombre de la lune' au Théâtre de la Reine Blanche, Paris: lire

Visiter le site Web de la compagnie Zorongo: www.zorongo.com