
Lors de la 10ème Biennale des
Musiques Ibériques qui s'est déroulée du 21 au 23 mars
2014, à Colomiers, nous avons eu le bonheur d'assister au
concert qui réunissait sur la scène de la Bodega les trois
grands guitaristes Flamencos toulousains: Serge Lopez, Bernardo
Sandoval et Kiko Ruiz. A l'issue du concert, ce chaleureux trio
nous a accordé l' entretien qui suit:
I-J-G: -Est-ce la première
fois que vous jouez ensemble sur scène et qu'est-ce qui vous a
donné envie de vivre cette expérience?

Serge Lopez: - Le premier concert
qui nous a rassemblé tous les trois sur scène a été initié par
Anne Lacroix, du Festival Toulouse l'été. Nous avions beaucoup
apprécié cette expérience. C'est pour cela que nous avons voulu
prolonger cette collaboration.
Kiko Ruiz: - Si on a eu envie de jouer ensemble,
c'est pour deux raisons importantes. La première c'est que nous
sommes des amis et qu'on s'entend bien. La 2ème est que, même si
nous faisons chacun une musique différente, avec des chemins et
des perspectives différentes, nous avons en même temps quelque
chose qui nous réunit dans l'intention musicale, dans l'écoute
de nos musiques, dans la façon de la jouer
ensemble et de la partager. C'est vrai que ça ne se présente pas
de la même façon avec tous les musiciens.
- On ressent une évidente
complicité et une amitié entre vous. Cela se traduit aussi sur
scène et c'est ce qui rend aussi ce moment très agréable pour le
public...
Bernardo Sandoval:- Oui, c'est vraiment une
histoire d'amitié et c'est aussi une histoire d'amour. Ces
moments que nous vivons ensemble sur scène subliment un peu
tout. Ce sont des moments où le partage est à fleur de peau.
C'est vraiment de l'émotion d'amis et ça nous fait
beaucoup de bien, physiquement et moralement.
Serge Lopez:- Jouer tous les trois sur scène, moi
je n'aurais pas osé leur proposer cela, au départ. C'est le fait
que ce soit quelqu'un d'extérieur qui nous le propose, en
prévision d'un concert, c'est cela qui a été l'élément qui a
déclenché le projet. Entre nous, il y a l'amitié, la vie. On a
vécu des années, nous avons eu chacun notre recherche. Il y a eu
la mort de Paco de Lucia. Paco, c'est nos débuts à tous, c'est
notre rêve qui a continué, c'est une sorte de guide qui est
toujours là. Grace à lui, nous avons trouvé une manière très
riche de faire de la musique où on ne pouvait s'ennuyer car ce
n'est pas à base de technique. Nous, ce qu'on fait, cela n'a pas
de limites. Notre musique peut changer selon notre humeur. C'est
de la vraie musique.
- Quelles sont vos impressions
sur le fait de
participer au Festival des Musiques Ibériques, sur la
programmation et sur votre présence à ce Festival?
Kiko:- Nous sommes très content d'être ici. Pour
nous, c'est un honneur de figurer dans une si belle
programmation de gens du Flamenco et ceux qui s'occupent du
Festival sont des gens formidables que je connais depuis assez
longtemps. Beatrix, la directrice artistique du Festival,
m'a toujours tendu la main pour pouvoir réaliser des projets. La
programmation est magnifique; il y a Miguel Poveda et d'autres
grandes figures du Flamenco... c'est un vrai bonheur pour le
public aussi!
- Comment avez vous conçu le
spectacle de ce soir? comment avez-vous structuré ce spectacle?
Kiko:- Au départ, on a proposé des thème de
chacun de nous. On s'est tous donné carte blanche pour arranger
les morceaux. Puis, il y a eu des idées qui sont nées sur le
moment.
- Bernardo, même si tu joues
de la guitare dans ce concert, ta place en tant que chanteur est
prédominante dans ce trio, n'est-ce pas?
Bernardo: - Dans mon parcours artistique, il y a
eu un moment où je me suis éloigné un peu de la guitare. Je suis
allé d'avantage vers la chanson. Le fait de jouer ensemble, cela
me remet à la guitare, sérieusement. C'est un bonheur et c'est
un super jeu. On le prend comme un jeu. Le rythme, la mélodie,
les harmonies, c'est comme la cuisine, et comme on se connait
super bien, on fait de la super cuisine.
- Votre dénominateur
commun c'est le Flamenco, mais nous aimerions savoir ce qui vous
distingue les uns des autres. Quels sont les divers ingrédients
que chacun apporte pour composer cette "cuisine"?
Bernardo:- En fait, au départ, j'étais un peu
frileux car cela supposait que je revienne à la guitare. J'étais
plus dans mon monde de chansons. Je crois qu'au fur et à mesure,
chacun a vraiment pris sa place et, finalement, j'ai aussi
trouvé la mienne.
Kiko:- En réalité, ce qui nous intéresse, ce ne
sont pas nos différences. Elles sont là et c'est tant mieux car
elles viennent enrichir une histoire. Ce sont nos différences
qui font aussi l'enrichissement; mais ce qui nous intéresse, ce
sont les points communs. Serge et moi aimons beaucoup Bernardo
car nous avons appris à jouer avec lui. Ce qu'il apporte
maintenant, c'est ce qu'il apporte maintenant, mais c'est ce
qu'il a apporté aussi avant pour que l'on soit là aussi,
aujourd'hui. Bernardo, au départ, il était guitariste de
Flamenco à part entière. Il a gagné des prix de guitare, des
concours prestigieux. Il nous a apporté des choses à ce moment
là. C'est une histoire où le temps n'existe pas. On se connait
depuis quand même plus de 35 ans! J'ai commencé à jouer avec
Bernardo quand j'avais 10 ans; lui en avait 17. On se connait
très bien. Avec Serge, c'est pareil. On se connait depuis plus
de 30 ans, et eux, ensemble, c'est pareil.
- Vous avez interprété
plusieurs palos ce soir, n'est-ce
pas?
Kiko: - Oui. Nous avons joué différents palos:
la Buleria, Tanguillo, Tangos, l'Alegria.
Il y a plein de clin d'œil, mais il est vrai que nous sommes
davantage dans un répertoire léger du Flamenco que dans le jondo.
Auparavant, on l'a eu fait, mais le répertoire a bougé. Nous
avons fait un peu de Taranta, Solea, de Malagueña. On
adore ça, mais, en même temps, on prend les choses comme elles
viennent. C'est un peu comme dans la vie... Ce soir, nous avions
surtout envie de passer un bon moment, de se laisser aller en
gardant une grande part d'improvisation. Il est vrai que les
thèmes plus légers comme les Rumbas, Tanguillos et
Bulerias sont plus propices à l'improvisation.
- La disparition récente et
brutale de Paco de Lucia a été un véritable choc pour
tous. Que souhaitez-vous dire à ce propos?
Kiko: - C'est un coup de massue! On ne s'y
attendait pas. Je l'ai vu à Marciac, lors du dernier concert
qu'il a fait en France. C'était un magnifique concert et il
était en super forme. On s'était dit que cet homme là est
indestructible. Apprendre cette mort, ça a été comme un coup de
massue, c'est sur. J'ai mis du temps à le réaliser. je crois
même que je ne l'ai pas encore réalisé parce qu'en même temps,
il est immortel. C'est en cela que c'est un peu ambigu. D'un
coté, je me suis dit qu'il est mort comme un grand personnage au
sommet de sa gloire, en ayant laissé tout ce qu'il a laissé.
Moi, je suis très triste et en même temps, je suis content de
penser à lui, pas comme un être humain normal, mais comme un
grand personnage qui nous a laissé tellement de choses, qui sont
encore là et qui apporteront à plein de générations encore après
moi. Ce que j'ai envie de lui dire c'est que je l'aime.
- Avez-vous un projet
d'album ensemble et de
résidence pour enregistrer cet album ?
Kiko: - Oui, nous garderons peut-être quelques
thèmes que nous avons joué ici, ce soir. Nous avons surtout
prévu de passer 3 jours dans la salle Jean Caillerot. A ce
moment là, nous pourrons réellement zoomer dans le travail et la
technique. Enregistrer un album, c'est aussi un travail
technique de prise de son. Lors de nos prochains concerts,
il y aura aussi d'autres lieux qui, probablement, vont nous
permettre d'enregistrer des nouveaux thèmes.
- Quelle est la date de sortie
de votre album?
Kiko: - Nous pourrons fixer une date dès que nous
aurons tous les thèmes. Nous aimerions que ce soit fin 2014.
- Quels sont vos autres
projets personnels ou communs? un tournée pour ce spectacle?
Kiko: - Oui, les deux...
Bernardo:- Nous, on continue toujours notre
histoire personnelle. Je travaille pour sortir un album. Je
prends vraiment le temps de le réaliser. C'est pour le plaisir
et j'y invite plein d'amis.
Kiko: -Moi aussi, j'ai projet de sortie d'album
et comme cela fait un moment que je dois le sortir. Aujourd'hui,
on ne fait plus les disques comme on les faisait avant, avec un
producteur derrière. C'est quelque chose qui est en train de
changer. Ceci dit, je suis en train de le faire chez moi. Je me
suis équipé pour cela et comme j'ai plein de concerts et plein
de projets, je tarde à le sortir, même si le public attend cet
album... il viendra. Dans cet album, il y aura des invités très
intéressants comme Duquende, Piraña. Je vais accompagner
Duquende samedi 28 juin au Festival Toulouse d'Espagnole.
Duquende c'est déjà un ami et j'ai déjà travaillé avec lui. On
se connait depuis longtemps. Il est de Sabadel, là où réside ma
famille aussi. Nous avons déjà enregistré un album ensemble, il
y a longtemps. Nous avons envie de recommencer et comme nous
voyons que le temps passe et qu'on se régale de jouer ensemble.
C'est une histoire similaire à celle que je vis avec Bernardo er
Serge.
Serge:-
J'ai fait plusieurs dates et je vais aller en Suisse pour
concrétiser un projet de spectacle avec des enfants sourds. Il y
aura une dizaine de guitares, des percussions etc. Nous
travaillerons avec des spécialistes, des chefs d'orchestres.
c'est très intéressant. J'ai aussi d'autres projets de concerts
en trio.
- On peut dire que vous avez
tous un agenda bien rempli! merci à vous pour ce moment passé en
votre compagnie et à très bientôt...

Voir le reportage sur la 10ème édition
de la Biennale des Musiques Ibériques, à Colomiers:
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