Reportage sur la 10ème édition de
la Biennale des Musiques Ibériques, à Colomiers
Texte: Isabelle Jacq Gamboena
Photos: Alain Jacq
La Dixième Biennale des Musiques Ibériques: le rendez-vous
avec l'Excellence!
Evènement culturel qui prend de plus en plus
d'ampleur et qui lie la région
Midi-Pyrénées à l'Espagne, la Biennale des Musiques Ibériques fêtait son 10ème
anniversaire, du 21 au 23 mars 2014, à Colomiers. A cette
occasion, Béatrix Bordes, Directrice artistique de la Biennale,
avait concocté une programmation d'une qualité époustouflante,
rassemblant les plus grands artistes Flamencos provenant
d'Espagne ainsi que les grands noms de la scène flamenca
toulousaine. En effet, le spectacle "Revue Flamenca" qui
s'est déroulé vendredi 21 mars, réunissait sur la scène les
grandes figures du Flamenco telles que Joaquin Grilo, Diego Amador, Rafaela
Carrasco et Belen Maya. L'invité d'honneur de cette édition
était le Maestro du cante Miguel Poveda qui a témoigné une
nouvelle fois de sa générosité et de son talent, lors d'une
représentation au cours de laquelle il a fait chaviré le cœur du
public, accompagné ponctuellement par la superbe danseuse La
Lupi. Dimanche 23 mars, le spectacle "Fiesta por Buleria"
rassemblait Diego Carrasco, la Macanita,
Juana La del Pipa, Tomasa La Macanita, Jesus Mendez, Concha
Vargas, Curro Vargas, Carmen Vargas et Manuel Valencia; ces grands
artistes se sont produits sur la scène du
Hall Comminges et ont envouté le public ému par leur
présence et leurs magnifiques prestations. Les artistes toulousains Serge
Lopez, Kiko Ruiz et Bernardo Sandoval ont également obtenu un
succès bien mérité. Un concert éducatif dirigé et chorégraphié
par Concha Vargas, un marché aux épices et la projection du film
"Les fils du vent" au cinéma, ont complété cette programmation
d'une qualité exceptionnelle. Assurément, cette dixième édition
était Le rendez vous avec l'Excellence!
(Du fait que nous sommes arrivés à Colomiers
samedi 22 mars, nous relaterons uniquement les spectacles
auxquels nous avons assisté).
Serge Lopez, Kiko Ruiz, Bernardo
Sandoval
Trio
de guitares
Samedi 22 mars à 18h
Nous avons eu le bonheur d'assister au
concert qui réunissait sur la scène de la Bodega les trois
grands guitaristes Flamencos toulousains: Serge Lopez, Bernardo
Sandoval et Kiko Ruiz. Pour ces trois artistes qui ont un lien
étroit avec l'Espagne soit par leurs origines ou par le fait
qu'ils ont vécu dans ce pays, le Flamenco coule depuis longtemps
dans leurs veines et c'est avec passion et enthousiasme qu'ils ont
mêlé leurs accords et leurs mélodies au cours de ce récital,
partageant avec complicité leur univers musical personnel pour
livrer une musique aux accents Flamencos, colorée par une
mosaïque d' influences. Serge, Bernardo et Kiko mènent une belle
carrière artistique, depuis plusieurs années. En effet, Bernardo
Sandoval est l'unique guitariste français Lauréat du Premier
prix de guitare Flamenca de la Union. On lui doit notamment la
bande originale du film Western pour lequel il a reçu le César
de la meilleure musique. Guitariste dont le talent et les
qualités artistiques sont aussi largement reconnues, Serge Lopez
a travaillé longtemps avec Bernardo Sandoval et ils ont tourné
ensemble en France, au Magrheb et en Espagne. Il a participé
aussi à l'enregistrement du disque "des roses et des orties" de
Francis Cabrel et travaille avec d'autres artistes de différents
horizons. Quant à Kiko Ruiz, ce talentueux guitariste a
enregistré plusieurs albums: le premier qui est intitulé "Cuerda y madera"
est sorti en 1998 et le plus récent "Compaseando",
sorti en 2012; ses
collaborations discographiques avec des artistes de haut niveau
jalonnent, depuis plusieurs années, sa carrière artistique. Lors de
ce récital, ces trois guitaristes était assurément heureux de
jouer et de chanter ensemble. Amis de longue date, leur
complicité et leur générosité transparaissaient tout au long de
la représentation. Lorsque Bernardo chantait et jouait une de
ses compositions, suivi à la guitare par Kiko et Serge, la
douceur de sa voix, la force de ses textes emportaient le public
dans un merveilleux flot d'émotions. Que dire de Serge
lorsqu'il se lançait dans un solo de guitare plein de
maestria, puisant à la source des diverses cultures qui le
traversent?... c'était tout simplement somptueux!. Concernant Kiko, le
talent et l'univers poétique de ce fabuleux musicien se mêlaient
à celui des autres artistes, plongeant ainsi le public dans un
ravissement d'autant plus intense qu'on ressentait une très
belle complicité émaner du groupe. Pour les nombreux
aficionados qui, comme nous, suivent depuis plusieurs années
ces artistes, voici une bonne nouvelle: ils ont décidé d'enregistrer
un album ensemble...
"Récital de cante"de
Miguel Poveda
avec la danseuse La
Lupi
Samedi 22 mars à 2Ih
Pour ce dixième anniversaire, la présence de Miguel
Poveda coulait de source, comme nous le confirmera plus tard Béatrix
Bordes, Directrice artistique du Festival, au cours d'un entretien. En
effet, outre son charme, sa générosité et son charisme sur
scène, ce maestro du cante transcende son art
à chaque prestation, offrant au public des moments extraordinaires avec
son chant poignant, profond et dénué de fioriture. Lors de ce spectacle,
il était accompagné par la magnifique danseuse La Lupi, et par ses
talentueux musiciens.
Miguel Poveda est natif de Badalona, près de Barcelone.
La carrière artistique de ce chanteur prodige est fulgurante. A l'âge de
20 ans, il est récompensé du prestigieux prix "Lampara Mineras"; dès
lors, il accumule de nombreuses récompenses et de belles collaborations
artistiques. Bien qu'il n'ait aucune racine andalouse ou gitane à faire
valoir, Miguel Poveda s'est imposé sur la scène Flamenca et il est
devenu, en quelques années, une grande figure du cante Flamenco. Après avoir réalisé des albums mêlant des influences diverses,
Miguel va à la quintessence de son art dans "ArteSano", son dernier
album sorti en 2013. Lors de ce spectacle, il a livré un répertoire
issu, entre autre, de ce dernier album. Son chant sincère et profond
donnait le pellizco, et c'est avec sensibilité et délicatesse
qu'il interpellait parfois le public, créant ainsi une relation intime
et chaleureuse avec lui. Au cours du spectacle, il s'est levé et s'est
mis à chanter et danser sur le devant de la scène. La danseuse
originaire de Malaga, La Lupi, l'a rejoint et il
émanait, de ce duo, une belle complicité. Il faut dire
que La Lupi surprend aussi par son énergie sauvage et sa manière de
planter son regard droit dans les yeux du public. Danseuse de caractère
aux fulgurances très Flamencas, La Lupi impressionne le public par
l'expressivité de son visage, sa malice et sa forte personnalité alliée
à une maitrise totale de la danse, qualités qui lui donnent tous les
droits, sur scène. En effet, ses acolytes lui obéissent au
doigt et à l'œil, totalement médusés, sous l'emprise de son charme et de
sa danse instinctive, innovante et ne manquant pas d'humour. A la
fin du spectacle, Miguel Poveda a invité Concha Vargas et Juana la
del Pipa à le rejoindre sur la scène et chacune a livré un extrait de
son art. Puis, tous les artistes ont rejoint le devant
de la scène pour une fin de Fiesta particulièrement chaleureuse. Une
soirée dans laquelle Miguel Poveda a envoûté une nouvelle fois le public... Merci Maestro!
Fiesta por Buleria
Dimanche 23 mars à 17h, Hall Comminges
avec: Diego Carrasco, Juana la del Pipa,
Tomasa la Macanita, Jesus Mendez, Concha Vargas, Curro Vargas, Carmen
Vargas, Manuel Valencia, Diego del Morao
Source intarissable de générations de cantaores,
Jerez a vu naitre et grandir de grands artistes Flamencos , sur ses
terres. La Fiesta por Buleria qui a réuni dimanche 23 mars sur la scène
du Hall Comminges plusieurs artistes parmi lesquels figuraient les héritiers privilégiés du
chant gitan de cette ville andalouse, nous en a donné en un bel aperçu.
Ce spectacle programmé
en soirée de clôture de la
Biennale et crée en exclusivité pour
la région Midi Pyrénées était orchestré par le
chanteur et guitariste Diego Carrasco, maitre de cérémonie, qui
réunissait autour de lui les chanteurs Tomasa La macanita, Juana La del
Pipa et Jesus Mendez, Carmen Vargas ainsi que la danseuse Concha Vargas,
les guitaristes Manuel Valencia et Diego del Morao. Chaque cantaor
a livré à sa manière, un chant issu de sa terre, ce chant qui possède
une personnalité et un soniquete bien à lui.
Ce soir là, le talent et la
forte personnalité de Diego irradiaient, une nouvelle fois, sur scène.
Avant d'être ce chef de fil
qui entraine dans son sillage anciens et modernes, Diego Carrasco
a été un grand guitariste accompagnateur de
Tia Anica "La Pirinaca", Tio Gregorio "El Borrico", Terremoto ou Sernita de Jerez.
Lors de ce spectacle, les projecteurs, tout comme le regard des spectateurs, suivaient chacun
de ses déplacements, et lorsqu'il
chantait, sa voix chaude, profonde et reconnaissable entre toutes créait
une effervescence sur scène et dans la salle, avec son timbre festif et
son
compàs contagieux.
Puis, c'est au tour de
Jésus
Méndez d'enflammer le
public avec son cante jondo qui
captive et donne la chair de poule. S'en est
suivi la chanteuse Tomasa La Macanita qui, accompagnée par le guitariste
Manuel Valencia, a elle aussi bouleversé le public en
interprétant divers palos tout en privilégiant la Buleria,
palo si caractéristique de Jerez. Considérée à juste titre comme l'authentique successeur des vieilles chanteuses de Jerez,
La Macanita possède à la fois la beauté, la sensualité, le talent et
l'humilité des grands... le public l'avait bien compris!
Quand se fut au tour de Juana La del Pipa de
chanter, avec sa forte personnalité et son magnifique timbre de voix
semblant provenir du fond des ages, sa prestation et sa présence ont
bouleversé l'auditoire, accompagnée par le talentueux guitariste Diego
del Morao, fils du regretté Moraito.
L'émotion fut à son comble lorque Concha Vargas
a fait irruption sur la scène, accompagnée au chant par sa fille, Carmen
Vargas. Provenant de Lebrija, cette légendaire danseuse gitane au
tempérament ardent exprime au travers de sa danse à la fois sa
connaissance du cante et sa maitrise parfaite de la danse. Concha
traduit chaque letra au travers d'une gestuelle qui lui est propre, tout en
écoutant attentivement la musique; son sens de l'improvisation lui
permet de livrer instantanément son ressenti profond au travers des
chorégraphies dotées d'une tension dramatique d'une expressivité extrêmes. Le public, quant
à lui, était bien conscient du fait qu' assister à ce spectacle était un
privilège, car il est rare de voir tous ces monstres sacrés réunis dans
un même plateau. En résumé, cette soirée était, dans son ensemble,
grandiose, unique et bouleversante!
Interview de Béatrix Bordes, Directrice artistique
de la Biennale des Musiques Ibériques de Colomiers:
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