Musique Alhambra

L'Actualité du Flamenco

 

  

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Interview de Juana la del Pipa réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena', en juillet 2010,  pour Musique Alhambra

 

 

 

- C'est un grand honneur de te revoir au Festival Arte Flamenco. Tu es déjà venu ici, il y a quelques années, n'est-ce pas?

- Oui, je suis venue avec mon neveu Antonio El Pipa et une autre fois avec Moraito.

- Que souhaiterais tu nous dire à propos de ton histoire avec le Flamenco? Comment tu l'as appris?

- Je ne l'ai pas appris. Je suis née dans ce merveilleux berceau car le Flamenco  est profondément ancré dans ma famille. Personne ne m'a enseigné le cante car je le portais déjà en moi, par ma famille. Ma mère, Juana del Pipa est une grande figure du Flamenco. Mon père dansait et chantait avec une grâce et une fraicheur hors du commun. Je viens de Jerez, une terre de chant, de la famille de Terremoto, de  Borrico, de los Parillas...

- A quel âge es tu devenue professionnelle?

- Je commençais a être professionnelle à 17 ans.

- Toi et les membres de ta famille êtes des célébrités dans le monde du Flamenco. Que rajouterais-tu au sujet de ta famille?

- Parler de ma famille, cela me coute vraiment car j'ai tendance à penser que les miens sont les meilleurs.  Donc, bien j'essaye de rester d'objective, il faut reconnaitre que c'est la vérité: dans le milieu du Flamenco, les miens sont des grosses pointures. Je précise que je fais référence au 'vrai' Flamenco, car parfois on se méprend sur ce qu'est le Flamenco.

- Pour toi, qu'est-ce que le Flamenco?

- Je crois qu'il n'y a pas de mot pour le définir. Néanmoins, on peut affirmer que c'est une manière particulière de chanter, de penser, de vivre. C'est un ensemble de tout cela.

- Y a-t-il une technique caractéristique du chant Flamenco?

- Je crois que ce chant se situe au delà de la technique. C'est un chant qui vient de l'âme et du cœur. Je chante depuis très longtemps et il me semble que je n'ai pas encore appris tout ce que je pourrais apprendre. Quand je chante, je frémis intérieurement car j'éprouve un grand respect pour le cante Flamenco. Le cante, il sort et cela ne se calcule pas...cela sort...c'est comme lorsqu'on essaye de définir le duende: cela sort parce que cela sort.

- D'après toi, le duende, est-ce quelque chose que l'artiste possède en lui et qu'il fait apparaitre au travers du chant?

- Oui, il l'a en lui et lorsqu'il chante, cela sort mais le cantaor ne sait pas quand le duende va sortir. C'est quelque chose de très particulier...

- As tu remarqué qu'il surgit plus facilement quand certaines conditions spécifiques sont réunies,  si tu es dans un état d'esprit particulier, si tu es triste, par exemple?

- Non, c'est totalement indépendant de tout cela. Il n'y a pas de condition idéales pour le faire surgir. Il sort quand il veut.

- Quand tu chantes, préfères tu chanter avec ou sans accompagnement musical?

- J'aime la musique. C'est un élément merveilleux qui exalte vraiment le chant. Mais, au moment de chanter, on chante, avec ou sans musique.

- Comment vis-tu les moments où tu ne chantes pas?

- Quand je ne dois pas chanter, je suis un individu tout a fait normal. Je suis croyante et je connais le seigneur depuis 24 ans. Je mène une vie tranquille avec mes fils que j'adore. Je vis bien et je suis heureuse.

- Dans ces moments là, le chant est-il toujours dans ta pensée?

- Oui, le chant est toujours en moi car c'est un cadeau du seigneur. Quand je ne suis pas sur scène, je chante pour moi et je mène une vie pleine, chez moi.

- Travailler avec ta famille, tu aimes cela, n'est-ce pas?

- Oui, bien sur, cela m'enchante. Un simple regard suffit pour qu'on se comprenne. Nous sommes tous très unis et nous travaillons ensemble depuis 11 ans. De plus, nous savons ce que nous voulons.

- As-tu remarqué un changement dans la manière de chanter à Jerez. Le cante est-il toujours aussi présent actuellement que dans le passé?

- Il me semble que maintenant les jeunes sont plus pressés et qu'il veulent tout apprendre très rapidement. Ils ne savent pas s'arrêter simplement pour écouter le cante. Je me rappelle que, quand j'avais 15 ans, en 1960, lorsque que ma mère dansait ou chantait, je n'étais pas capable de lever les yeux sur elle. Ma mère était la fine fleur du cante et du baile. Je me taisais, je restait là à l'écouter, pleine de respect.  Je crois que la jeunesse actuelle n'a pas ce respect. Les jeunes font comme s'ils savaient déjà tout... pourtant, je crois qu'il est bon de savoir s'arrêter et de ne pas vouloir acquérir les choses trop rapidement...

- Penses-tu que l'expérience de la vie permet de chanter mieux? Penses-tu que ton  cante est devenu plus profond avec les années?

- Non, car je ne pourrais faire autrement que d'exprimer la pureté de mon cante, et cela quelle que soit la période de ma vie.

- Nous sommes d'accord avec toi...tu as toujours chanté admirablement. Merci Juana pour ce moment passé avec toi et pour ton talent qui est immense.

- Merci...

 

Voir le reportage sur la 22ème édition du Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan