
- C'est un grand honneur de te revoir au Festival Arte Flamenco.
Tu es déjà venu ici, il y a quelques années, n'est-ce pas?
- Oui, je suis venue avec mon neveu Antonio El Pipa
et une autre
fois avec Moraito.
- Que souhaiterais tu nous
dire à propos de ton histoire avec le Flamenco? Comment tu l'as
appris?
- Je ne l'ai pas appris. Je suis née dans ce merveilleux berceau
car le Flamenco est profondément ancré dans ma famille.
Personne ne m'a enseigné le cante car je le portais déjà en moi,
par ma famille. Ma mère, Juana del Pipa est une grande figure du
Flamenco. Mon père dansait et chantait avec une grâce et une
fraicheur hors du commun. Je viens de Jerez, une terre de chant,
de la famille de Terremoto, de Borrico, de
los Parillas...
- A quel âge es tu devenue professionnelle?
- Je commençais a être professionnelle à 17 ans.
- Toi et les membres de ta famille êtes des célébrités dans le
monde du Flamenco. Que rajouterais-tu au sujet de ta
famille?
- Parler de ma famille, cela me coute vraiment car j'ai
tendance à penser que les miens sont les meilleurs. Donc,
bien j'essaye de rester d'objective, il faut reconnaitre que
c'est la vérité: dans le milieu du Flamenco, les miens sont des
grosses pointures. Je précise que je fais référence au 'vrai'
Flamenco, car parfois on se méprend sur ce qu'est le Flamenco.
- Pour toi, qu'est-ce que le Flamenco?
- Je crois qu'il n'y a pas de mot pour le définir. Néanmoins, on
peut affirmer que c'est une manière particulière de chanter, de
penser, de vivre. C'est un ensemble de tout cela.
- Y a-t-il une technique caractéristique
du chant Flamenco?
- Je crois que ce chant se situe au delà de la
technique. C'est un chant qui vient de l'âme et du cœur. Je chante depuis très
longtemps et il me semble que je n'ai pas encore appris tout ce
que je pourrais apprendre. Quand je chante, je frémis
intérieurement car j'éprouve un grand respect pour le cante
Flamenco. Le cante, il sort et cela ne se calcule pas...cela
sort...c'est comme lorsqu'on essaye de définir le duende: cela
sort parce que cela sort.
- D'après toi, le duende, est-ce quelque chose que
l'artiste possède en lui et qu'il fait apparaitre au travers du
chant?
- Oui, il l'a en lui et lorsqu'il chante, cela sort mais le
cantaor ne sait pas quand le duende va sortir. C'est quelque
chose de très particulier...
- As tu remarqué qu'il surgit plus facilement
quand certaines
conditions spécifiques sont réunies, si tu es dans un état d'esprit
particulier, si tu es triste, par exemple?
- Non, c'est totalement indépendant de tout cela. Il n'y a pas
de condition idéales pour le faire surgir. Il sort quand il
veut.
- Quand tu chantes, préfères tu chanter avec ou sans
accompagnement musical?
- J'aime la musique. C'est un élément merveilleux qui exalte
vraiment le chant. Mais, au moment de chanter, on chante, avec
ou sans musique.
- Comment vis-tu les moments où tu ne chantes pas?
- Quand je ne dois pas chanter, je suis un individu tout a fait
normal. Je suis croyante et je connais le seigneur depuis 24
ans. Je mène une vie tranquille avec mes fils que j'adore.
Je vis bien et je suis heureuse.
- Dans ces moments là, le chant est-il toujours dans ta pensée?
- Oui, le chant est toujours en moi car c'est un cadeau du
seigneur. Quand je ne suis pas sur scène, je chante pour moi et
je mène une vie pleine, chez moi.
- Travailler avec ta famille,
tu aimes cela, n'est-ce pas?
- Oui, bien sur, cela m'enchante. Un simple
regard suffit pour qu'on se comprenne. Nous sommes tous très
unis et nous travaillons ensemble depuis 11 ans. De plus, nous
savons ce que nous voulons.
- As-tu remarqué un changement
dans la manière de chanter à Jerez. Le cante est-il
toujours aussi présent actuellement que dans le passé?
- Il me semble que
maintenant les jeunes sont plus pressés et qu'il veulent tout
apprendre très rapidement. Ils ne savent pas s'arrêter
simplement pour écouter le cante. Je me rappelle que,
quand j'avais 15 ans, en 1960, lorsque que ma mère dansait ou
chantait, je n'étais pas capable de lever les yeux sur elle. Ma
mère était la fine fleur du cante et du baile. Je
me taisais, je restait là à l'écouter, pleine de respect.
Je crois que la jeunesse actuelle n'a pas ce respect. Les jeunes
font comme s'ils savaient déjà tout... pourtant, je crois qu'il
est bon de savoir s'arrêter et de ne pas vouloir acquérir les
choses trop rapidement...
- Penses-tu que l'expérience
de la vie permet de chanter mieux? Penses-tu que ton
cante est devenu plus profond avec les années?
- Non, car je ne pourrais faire autrement que
d'exprimer la pureté de mon cante, et cela quelle que
soit la période de ma vie.
- Nous sommes d'accord avec
toi...tu as toujours chanté admirablement. Merci Juana pour ce
moment passé avec toi et pour ton talent qui est immense.
- Merci...

Voir le reportage sur la 22ème édition du
Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan
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