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Le danseur Amador Rojas est
la révélation de la Rue Flamenco, évènement qui s'est déroulé du
5 au 8 mai 2011, à la Grande Halle de la Villette, à Paris.
Eblouissant de beauté, d'audace, de talent et d'originalité, il
a littéralement envouté le public lors de son 'mano a mano'
avec le Maestro Antonio Canales. Nous avons eu l'honneur
de l'interviewer à l'issue du spectacle:

- Le public et moi-même avons
été éblouis par ta danse, ce soir,
sur scène. Amador Rojas, c'est la première fois que tu te produis à Paris...Nous
aimerions en savoir plus sur ton parcours
artistique et sur la formation que tu as reçu.
- J'ai été très touché par l'enthousiasme du public parisien et
par sa manière chaleureuse d'accueillir ma danse. Je remercie
tout le mon de, du fond du cœur...Mes premiers pas de danse Flamenco, c'est
Farruco qui me les a
enseigné. J'ai pris quelques de cours avec lui, ensuite j'ai continué ma
formation en autodidacte. A 16 ans, j'ai commencé ma carrière
professionnelle de danseur dans la compagnie Salvador Távora.
Nous avons parcouru les plus grandes scènes du monde.
Puis, j'ai pratiqué le Flamenco sévillan et j'ai travaillé dans
les tablaos de Séville ainsi que dans d'autres tablaos en
Espagne. Par la suite, j'ai intégré les compagnies de Juana Amaya,
de Manuela Carrasco, de la famille
Montoya en tant qu'artiste invité. Je
travaillais aussi dans la compagnie d'Eva Yerbabuena. Plus tard,
je suis parti vivre à Madrid. Je travaillais dans cette ville.
Un soir Antonio Canales m'a vu danser et il m'a proposé de
travailler avec lui en m'intégrant à ses spectacles en tant
qu'artiste invité. Cela fait cinq ans que nous travaillons
ensemble et je réalise que c'est une grande chance pour moi.
-
Ce soir, tu dansais aux cotés d'Antonio Canales dans le 'Mano a mano'. Quels
sont les autres créations dans lesquelles vous avez dansé
ensemble?
- Nous avons travaillé ensemble dans 'Los Grandes', 'Bailaor' et
'La casa de Bernarda Alba'.
- Comment caractérises-tu ta
danse?
- Dans ma danse, il y a un mélange de techniques
qui proviennent de ma manière de ressentir la danse, de ce que j'ai appris, depuis le Flamenco de
Farruco,
le plus traditionnel et le plus gitano puro en passant par le
théâtre andalou de Tavora, jusqu'a la technique, la perfection
et la précision de Eva Yerbabuena, la pureté du Flamenco de la
famille Montoya, de Manuela, de Juana, de tous les gitans et
gitanes que j'ai vu danser, car je suis issu d'une famille
gitane et je
suis donc gitan. De plus, j'ai toujours aimé explorer les mouvements
culturels, sociaux et musicaux. Je m'intéresse beaucoup aux
danses hindoues, arabes, aux musiques arabe, turque, latine, à la
philosophie et la méditation tibétaine, indienne et plus
globalement, à la philosophie orientale.
- De là vient ton inspiration pour ta création
'Mandala', n'est-ce pas?
- Oui, exactement. Dans ce spectacle, je fais en sorte que le
Flamenco se mêle à la danse orientale d'une manière magique. Le Flamenco est constitué de différents
palos qui sont
différents mandalas, différentes émotions et différents
sentiments et couleurs qui émanent de l'être. Lorsque la danse
et la musique s'unissent dans un cercle, tel un rituel, c'est vraiment magique!
'Mandala', c'est le dernier spectacle que j'ai présenté au Théâtre Arteria Coliseum 'La
Gran via', à Madrid, durant deux semaines. Il a eu beaucoup de
succès.
- Pourquoi éprouves-tu le
besoin d'introduire d'autres cultures
dans le Flamenco?
- Le Flamenco, si on ne l'enrichit pas, il peut devenir
monotone. Il est bon de lui apporter des influences diverses et
que, par moments, le cante proviennent
de différentes cultures, de métissages de ces cultures
mais pas de fusion. J'aimerais qu'on ne mette pas de barrières entre
le Flamenco et les autres cultures et les autres styles
musicaux. J'incite les aficionados et les flamencos à
rompre ces
barrières. Nous sommes dans une période de rébellion, partout dans le
monde, autant d'un point de vue politique que social. Que cette révolte touche aussi le milieu Flamenco pour que celui-ci avance!
En tant
qu'artiste, il est nécessaire de se renouveler chaque jour.
Pourtant, nous
remarquons dans certaines nouvelles créations que les Maestros
reprennent des pièces qui ont déjà été maintes fois
chorégraphiées par d'autres. C'est un peu lassant. Et si nous
observons autour de nous, au quotidien, nous pouvons remarquer
qu'il y a des enfants qui dansent la break-dance dans la rue.
Alors, pourquoi i ne pas créer une pièce totalement neuve, avec
des influences pop, rock, funky, break-dance et faire sa propre pièce
Flamenca avec tout cela pour que ce public qui ne connait pas
encore très bien le Flamenco, puisse s'approcher de cet art et
que le Flamenco se rapproche aussi de ce public. Je ne dis pas qu'il
faille que la folie du métissage s'empare du Flamenco...je souhaite
simplement qu'il y
ait un trait d'union entre toutes les musiques, que le Flamenco ne
soit pas marginalisé, réservé qu'à un petit groupe de gens, mais qu'il soit
accessible à toute la société et à tous les jeunes qui peuvent
le comprendre. Je lutte en faveur de cela.
- Quand tu danses sur scène,
danses-tu sur les chorégraphies que tu as préparées pour ton
spectacle, ou improvises-tu?
- J'aime improviser sur scène. Je danse ce que je
ressens à ce moment là. Cela dépend de ce que chante le cantaor,
de la musique du
guitariste et du percussionniste, du rythme qui me porte où que
je marque. Ce soir, j'ai dansé d'une certaine manière, mais
demain, il se peut que la même danse n'ait plus rien à voir.
C'est pour cela que chaque fois que je monte sur scène, je me
sens très vivant et que j'exprime, à chaque fois, différentes émotions. Bien
sur, j'installe une structure, une trame dans le baile pour
que mes musiciens ne se perdent pas, mais je crois beaucoup en
l'improvisation. Cela dépend aussi du public, de ce que je
reçois de lui. Il peut être plus ou moins réceptif à ma danse et
cela peut influer sur mon baile.
- Ce soir, le public était très réceptif, il t'a
même ovationné! Il y
a quelque chose de très féminin parfois dans ta manière de
danser. Tu vas jusqu'à danser avec des accessoires qui sont
utilisés, en principe , uniquement par les femmes...aimes-tu
mettre en avant ta personnalité androgyne?
- Quand je danse, je ne
cherche pas à me définir dans un genre ou un autre; Je ne me
vois ni masculin, ni féminin... je suis
peut-être les deux à la fois. En fait, je m'imprègne surtout de
la sensibilité de chaque moment. Si l'on voit peu de bailaores
danser avec un manton, porter une robe ou manier un
éventail, c'est parce que les danseurs n'osent pas utiliser les
accessoires que nous avons à notre disposition, dans le
Flamenco. Ils se mettent beaucoup de barrières, celles que je
souhaite enlever, au fur et à mesure, car l'art c'est la
liberté. De même que, en tant que citoyen, nous revendiquons
notre
liberté dans la société, il est nécessaire aussi de
revendiquer cette liberté, en tant qu'artiste et plus
précisément en tant que danseur Flamenco, afin de pouvoir
s'exprimer pleinement. J'ai besoin de savoir d'où je viens, qui je suis, ce
que je fais, mais j'ai besoin aussi de garder la tête haute et
d'orienter mon regard vers le futur. Je n'aimerais pas me
charger pendant 24h du poids d'une bibliothèque pleine de
chorégraphies, de normes et de lois, car cela pèserait lourd
sur mes épaules. Je ne souhaite pas danser ainsi et...j'ai
besoin de mes épaules pour danser. Je préfère me
laisser porter davantage par la vie, par mon cœur, par ce que
je ressens et exprimer cela librement.
- Quand est-ce que le public
aura le plaisir de te revoir sur scène, en France?
- En fait, comme c'est la première fois que je
danse sur la scène parisienne et que cela s'est très bien passé,
nous espérons revenir très prochainement. Je serai
surement à Châteauvallon, dans le Var le 30 juillet prochain, avec un
nouveau spectacle dont je vous réserve à toutes et à tous la surprise...
- Nous avons hâte de te revoir
sur scène...merci infiniment Amador et à très bientôt!
- Merci à toi...

Visiter le site Web d'Amador Rojas:
www.amadorrojas.com
Voir le reportage sur la Rue Flamenco, du 5 au 8 mai 2011, à la
Grande Halle de la Villette, à Paris:
cliquer ici
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