Accueil Al-Andalus  Flamenco Liens Forum Contact Email
   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Interview d'Amador Rojas réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena', en mai 2011,  pour Musique Alhambra

 

 

 

 

 

Le danseur Amador Rojas est  la révélation de la Rue Flamenco, évènement qui s'est déroulé du 5 au 8 mai 2011, à la Grande Halle de la Villette, à Paris. Eblouissant de beauté, d'audace, de talent et d'originalité, il a littéralement envouté le public lors de son 'mano a mano' avec le Maestro Antonio Canales. Nous avons eu l'honneur de l'interviewer à l'issue du spectacle:

- Le public et moi-même avons été éblouis par ta danse, ce soir, sur scène. Amador Rojas, c'est la première fois que tu te produis à Paris...Nous aimerions en savoir plus sur ton parcours artistique et sur la formation que tu as reçu.

- J'ai été très touché par l'enthousiasme du public parisien et par sa manière chaleureuse d'accueillir ma danse. Je remercie tout le monde, du fond du cœur...Mes premiers pas de danse Flamenco, c'est Farruco qui me les a enseigné. J'ai pris quelques de cours avec lui, ensuite j'ai continué ma formation en autodidacte. A 16 ans, j'ai commencé ma carrière professionnelle de danseur dans la compagnie Salvador Távora. Nous avons parcouru les plus grandes scènes du monde. Puis, j'ai pratiqué le Flamenco sévillan et j'ai travaillé dans les tablaos de Séville ainsi que dans d'autres tablaos en Espagne. Par la suite, j'ai intégré les compagnies de Juana Amaya, de Manuela Carrasco, de la famille Montoya en tant qu'artiste invité. Je travaillais aussi dans la compagnie d'Eva Yerbabuena. Plus tard, je suis parti vivre à Madrid. Je travaillais dans cette ville. Un soir Antonio Canales m'a vu danser et il m'a proposé de travailler avec lui en m'intégrant à ses spectacles en tant qu'artiste invité. Cela fait cinq ans que nous travaillons ensemble et je réalise que c'est une grande chance pour moi.

- Ce soir, tu dansais aux cotés d'Antonio Canales dans le 'Mano a mano'. Quels sont les autres créations dans lesquelles vous avez dansé ensemble?

- Nous avons travaillé ensemble dans 'Los Grandes', 'Bailaor' et 'La casa de Bernarda Alba'.

- Comment caractérises-tu ta danse?

- Dans ma danse, il y a un mélange de techniques qui proviennent de ma manière de ressentir la danse, de ce que j'ai appris, depuis le Flamenco de Farruco, le plus traditionnel et le plus gitano puro en passant par le théâtre andalou de Tavora, jusqu'a la technique, la perfection et la précision de Eva Yerbabuena, la pureté du Flamenco de la famille Montoya, de Manuela, de Juana, de tous les gitans et gitanes que j'ai vu danser, car je suis issu d'une famille gitane et je suis donc gitan. De plus, j'ai toujours aimé explorer les mouvements culturels, sociaux et musicaux. Je m'intéresse beaucoup aux danses hindoues, arabes, aux musiques arabe, turque, latine, à la philosophie et la méditation tibétaine, indienne et plus globalement, à la philosophie orientale.

- De là vient ton inspiration pour ta création 'Mandala', n'est-ce pas?

- Oui, exactement. Dans ce spectacle, je fais en sorte que le Flamenco se mêle à la danse orientale d'une manière magique. Le Flamenco est constitué de différents palos qui sont  différents mandalas, différentes émotions et différents sentiments et couleurs qui émanent de l'être. Lorsque la danse et la musique s'unissent dans un cercle, tel un rituel, c'est vraiment magique! 'Mandala', c'est le dernier spectacle que j'ai présenté au Théâtre Arteria Coliseum 'La Gran via', à Madrid, durant deux semaines. Il a eu beaucoup de succès.

- Pourquoi éprouves-tu le besoin d'introduire d'autres cultures dans le Flamenco?

- Le Flamenco, si on ne l'enrichit pas, il peut devenir monotone. Il est bon de lui apporter des influences diverses et que, par moments, le cante proviennent de différentes cultures,  de métissages de ces cultures mais pas de fusion. J'aimerais qu'on ne mette pas de barrières entre le Flamenco et les autres cultures et les autres styles musicaux. J'incite les aficionados et les flamencos à rompre ces barrières. Nous sommes dans une période de rébellion, partout dans le monde, autant d'un point de vue politique que social. Que cette révolte touche aussi le milieu Flamenco pour que celui-ci avance!  En tant qu'artiste, il est nécessaire de se renouveler chaque jour. Pourtant, nous remarquons dans certaines nouvelles créations que les Maestros reprennent des pièces qui ont déjà été maintes fois chorégraphiées par d'autres. C'est un peu lassant. Et si nous observons autour de nous, au quotidien, nous pouvons remarquer qu'il y a des enfants qui dansent la break-dance dans la rue. Alors, pourquoii ne pas créer une pièce totalement neuve, avec des influences pop, rock, funky, break-dance et faire sa propre pièce Flamenca avec tout cela pour que ce public qui ne connait pas encore très bien le Flamenco, puisse s'approcher de cet art et que le Flamenco se rapproche aussi de ce public. Je ne dis pas qu'il faille que la folie du métissage s'empare du Flamenco...je souhaite simplement qu'il y ait un trait d'union entre toutes les musiques, que le Flamenco ne soit pas marginalisé, réservé qu'à un petit groupe de gens, mais qu'il soit accessible à toute la société et à tous les jeunes qui peuvent le comprendre. Je lutte en faveur de cela.

- Quand tu danses sur scène, danses-tu sur les chorégraphies que tu as préparées pour ton spectacle, ou improvises-tu?

- J'aime improviser sur scène. Je danse ce que je ressens à ce moment là. Cela dépend de ce que chante le cantaor, de la musique du guitariste et du percussionniste, du rythme qui me porte où que je marque. Ce soir, j'ai dansé d'une certaine manière, mais demain, il se peut que la même danse n'ait plus rien à voir. C'est pour cela que chaque fois que je monte sur scène, je me sens très vivant et que j'exprime, à chaque fois, différentes émotions. Bien sur, j'installe une structure, une trame dans le baile pour que mes musiciens ne se perdent pas, mais je crois beaucoup en l'improvisation. Cela dépend aussi du public, de ce que je reçois de lui. Il peut être plus ou moins réceptif à ma danse et cela peut influer sur mon baile.

- Ce soir, le public était très réceptif, il t'a même ovationné! Il y a quelque chose de très féminin parfois dans ta manière de danser. Tu vas jusqu'à danser avec des accessoires qui sont utilisés, en principe, uniquement par les femmes...aimes-tu mettre en avant ta personnalité androgyne?

-  Quand je danse, je ne cherche pas à me définir dans un genre ou un autre; Je ne me vois ni masculin, ni féminin... je suis peut-être les deux à la fois. En fait, je m'imprègne surtout de la sensibilité de chaque moment. Si l'on voit peu de bailaores danser avec un manton, porter une robe ou manier un éventail, c'est parce que les danseurs n'osent pas utiliser les accessoires que nous avons à notre disposition, dans le Flamenco. Ils se mettent beaucoup de barrières, celles que je souhaite enlever, au fur et à mesure, car l'art c'est la liberté. De même que, en tant que citoyen, nous revendiquons notre liberté dans la société, il est nécessaire aussi de revendiquer cette liberté, en tant qu'artiste et plus précisément en tant que danseur Flamenco, afin de pouvoir s'exprimer pleinement. J'ai besoin de savoir d'où je viens, qui je suis, ce que je fais, mais j'ai besoin aussi de garder la tête haute et d'orienter mon regard vers le futur. Je n'aimerais pas me charger pendant 24h du poids d'une bibliothèque pleine de chorégraphies, de normes et de lois, car cela pèserait lourd sur mes épaules. Je ne souhaite pas danser ainsi et...j'ai besoin de mes épaules pour danser. Je préfère me laisser porter davantage par la vie, par mon cœur, par ce que je ressens et exprimer cela librement.

- Quand est-ce que le public aura le plaisir de te revoir sur scène, en France?

- En fait, comme c'est la première fois que je danse sur la scène parisienne et que cela s'est très bien passé, nous espérons revenir très prochainement. Je serai surement à Châteauvallon, dans le Var le 30 juillet prochain, avec un nouveau spectacle dont je vous réserve à toutes et à tous la surprise...

- Nous avons hâte de te revoir sur scène...merci infiniment Amador et à très bientôt!

- Merci à toi...

 

Visiter le site Web d'Amador Rojas: www.amadorrojas.com

Voir le reportage sur la Rue Flamenco, du 5 au 8 mai 2011, à la Grande Halle de la Villette, à Paris: cliquer ici