"La vie est une Gare ou je ne m'appelle pas Carmen!": un magnifique parcours initiatique et universel!
"La vie est une gare, je vais bientôt partir, je ne vous dirai pas où", telle est la phrase de Marina Tsvetaeva qui est aussi le point de départ de la nouvelle création de la danseuse Yana Maizel, produite par la compagnie "Errances", et présentée au public, durant trois jours consécutifs, à la Maison des Métallos à Paris. Dans ce spectacle qui mêle théâtre, musique et danse flamencas et dans lequel Yana évoque l'exil et la quête d'identité, elle emporte le public dans un voyage singulier, poétique et burlesque, de la Russie à l'Espagne en passant par la France. Retour sur ce spectacle dont l'impact émotionnel, la force et la portée philosophique sont tels que nous pouvons affirmer qu'il nous accompagne encore, dans notre réflexion, plusieurs jours après y avoir assisté.
Le spectacle débute par une Solea interprétée par les talentueux artistes: le chanteur Cristo Cortes et le guitariste Dani Barba Moreno; puis Yana entre en scène, pieds nus dans une combinaison bleue; elle se lance dans une Farruca, accompagnée par ses acolytes, tandis qu'elle dit "le mal du pays", un texte du poète russe Marina Tsevetaeva, traduit et adapté pour cette création. Ce texte fait écho à son vécu; En effet, il y a plusieurs années, Yana a quitté sa Russie natale, pour aller étudier le théâtre et la danse au Canada. Puis, elle séjourna à Grenade, en Espagne, pour faire l'apprentissage de la danse Flamenca avant de s'installer à Paris, ville où elle a complété ses études théâtrales à l’Ecole Internationale de Théâtre Jacques Lecoq avant de partir à Madrid, dans le but d'approfondir la danse Flamenca à la célèbre école Amor de Dios. Dans cet exil, loin de ses racines, bien qu'elle soit nourrie par de multiples influences et cultures, Yana exprime la nostalgie du pays natal au travers de sa danse et elle s'interroge. Le spectacle se poursuit avec le texte de "La Madeleine" de Proust, tandis que Yana interprète une Alegria avec Bata de cola, puis, debout face au micro, elle dit "La peur" , un texte qu'elle décline en quatre langues tandis qu'elle martèle le sol de ses zapateados, comme pour marquer la présence des pulsations d'un cœur qui ne veut pas s'arrêter de battre. "Peur de partir, peur d'arriver, peur d'être là". Yana exprime cette peur qui empêche tout individu de vivre le moment présent, de vivre tout simplement. Une lueur d'espoir surgit de ce questionnement: "et si je n'avais plus peur?" rajoute -telle.
Traversant les années et les frontières, Yana évoque ensuite l'Andalousie en apportant un mannequin en bois paré d'un costume typique de danseuse andalouse et, face à cette présence, elle interprète une Buleria durant laquelle elle scande "Je ne m'appelle pas Carmen", s'interrogeant sur la légitimité de danser le Flamenco, tandis que le chanteur Cristo Cortes incarne le rôle du dogme et de la tradition Flamenca. Le guitariste Dani Moreno l'accompagne dans ce palo, et ensemble, ils sillonnent les chemins du doute, des rêves et de l'espoir. Grâce à son talent de danseuse, de comédienne et de chorégraphe, Yana partage avec le public cette quête d'identité qui va au-delà de l'aspect autobiographique puisque celle-ci revêt une véritable dimension philosophique et universelle. Au public de s'interroger: Appartenons-nous à notre pays d'origine ou plutôt au pays qui nous a construit et accueilli? Peut- on s'approprier une culture autre que celle de nos origines? Peut -on véritablement prendre racine dans une terre différente de celle qui est inscrite dans notre mémoire génétique? Sans vouloir donner de réponses précises, ce spectacle nous convie à une réflexion dont le fruit appartient à chacun. C'est là aussi que réside la magie du spectacle!
Photos du spectacle: