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Reportage sur les spectacles de La
Susi et de Manuel Agujetas dans le cadre du cycle Flamenco"
Mémoires
au
présent
:
L’Andalousie
gitane",
le 24 février 2013
à la Cité de la Musique, Paris
Texte: Isabelle Jacq Gamboena
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La Susi & Manuel Agujetas:
du duende à l'état pur!
Intitulé "Mémoire au
présent , l'Andalousie Gitane", un cycle Flamenco s'est déroulé à la
Cité de la Musique, à Paris, évènement au cours duquel se sont produit
les grandes figures du Flamenco actuelles telles que Manuela Carrasco,
Concha Vargas, Diego Carrasco et José Valencia. Deux immenses artistes
emblématiques de la scène de Jerez ont conclu cet évènement: Susana Amador Santiago La Susi et Manuel de
Los
Santos Pastor "Agujetas". Retour sur cette soirée de clôture
pleine de duende.
Originaire d'Alicante,
et sœur de Joaquin Amador, guitariste et époux de la grande danseuse
Manuela Carrasco, La
cantaora Susana Amador Santiago "La Susi" a ouvert la première partie de
cette soirée, accompagnée par le guitariste Manuel de
La Luz
et par Mercedes et Carmen Amador, au chœur et palmas. Ces
dernières étant les filles du guitariste et cantaor Raimundo Amador,
nous pouvons affirmer que la famille Amador était bien représentée lors
de ce spectacle. Débutant le récital par un cante
por Taranta Minera, La Susi a
livré un chant inspiré et profondément
Gitan. S'en
est suivi un cante por Malagueña, Verdiales, Vitalita puis por
Tangos. Puis La Susi a chanté por Buleria, por Solea
et por Fandango de
huelva. Très
attachée à la structure de chaque palo, La Susi n'en demeure pas
moins un chanteuse très créative et, forte de son expérience de la
scène, elle laisse la part belle à l'improvisation dans chacune de ses
prestations. Il faut dire que sa carrière artistique, elle l' a débutée
à l'âge de 14 ans, en tant que danseuse et chanteuse dans les
"Cuevas de Nemesio",
à Madrid. Un jour, elle fut remarquée
par Paco de Lucia et par son père Antonio Sánchez qui lui proposèrent
d'enregistrer son premier album intitulé "Suzana" (1976). Dès
lors, elle s'est consacrée exclusivement au chant et a travaillé avec
les plus grandes figures du Flamenco telles que le légendaire cantaor
Camaron de la Isla. La Susi excelle plus particulièrement dans
l'interprétation des cantes festeros (chants festifs), mais, ce
soir là, lorsqu'elle interpréta une Vidalita, elle témoigna de
son talent pour l'interprétation de ce palo lent et triste,
issu du folklore argentin. La Susi prépare actuellement un nouvel album où elle
chante les poèmes de Miguel Hernandez . La Susi a mis tout son cœur
et son talent à l'élaboration de cet opus produit
par Ricardo Pachón et qu'elle considère elle même comme l'un des plus
importants de sa discographie... cet
album devrait sortir très prochainement...
La deuxième partie de la
soirée était consacrée à
Manuel de Los Santos
Pastor, dit Agujetas, immense cantaor qui
a clos la programmation du cycle Flamenco à la Cité
de la Musique au travers d'un magnifique récital, accompagné par son guitariste
et ami fidèle: Antonio Soto.
Agujetas entre sur scène, s'assoit
et, en guise de salutation, il lance au public " Vous me connaissez, non?
ce soir, je vais vous chanter du cante viejo (du chant vieux) et,
d'emblée, il se lance dans une Solea. Son corps se crispe, ses
mains se nouent, son visage émacié s'agite, ses yeux se plissent; de sa
gorge sortent des sonorités noires, violentes et profondes. Farouche ennemi de
toute concession commerciale, le chant d'Agujetas marque la mise à mort
de toute fioriture, arabesques ou trémolos. Ici, nous
entrons dans le puits sans fond du cante jondo, du cante
Gitano et Agujetas nous conduit toujours plus loin dans l'essence de
cet art qui s'exprime avant tout par le "Quejio" (la plainte). Plaie
béante que l'on reconnait avant tout par la douleur et la puissance
dramatique qui en émane, le chant d'Agujetas prend aux tripes, et
nous atteint en plein cœur.
Tout au long du récital, Agujetas a livré au
public les chants les plus profonds du Flamenco, interprétant une
Seguiriya, puis un Fandango, accompagné par les puissants
accords de guitare d'Antonio Soto. Notons que ce guitariste a sorti en
2012 un album intitulé "Rosas Blancas", album dont l'écoute est
vivement recommandé. S'en est suivi une autre Seguiriya
puis un Martinete, Fandango, Seguiriya, Solea,
terminant son récital por Fandango. Lorsque Agujetas a chanté
por Martinete, ce chant typique de la forge, il l'a interprété sans
accompagnement musical;
Agujetas excelle particulièrement dans l'interprétation de ce palo
qui le ramène à la période de sa vie où il travaillait dans la
forge de son père Agujetas el Viejo, jusqu'en 1970; c'est dans cet
endroit qu'il a forgé également son chant dont le style a été incarné
avant lui par Manuel Torre, Terremoto ou Agujetas el viejo, son père, et
c'est de ce dernier
qu' Agujetas tient les secrets intimes de la tradition orale.
Après avoir sorti son premier album
‘Agujetas en París’ (Harmonia Mundi, 1996),
et
sans pour autant se soucier de sa carrière artistique, Agujetas
continue depuis toutes ces années de naviguer sur de nombreuses scènes
du monde: à New York, Paris, Tokyo, pour ne citer qu'elles.
Lors de ce récital, Agujetas a exprimé une nouvelle
fois l'immensité de son talent et de son génie... Peu avant la fin de la
représentation, il invite son épouse , la señora Kanako, à danser sur
scène. Après ce beau moment de partage, le récital s'est conclu par un
magistral Fandango... Ole Maestro!
Remerciements à Daniela
Lazary, à toute l' équipe de la Cité de La
Musique, et plus particulièrement à Hamid Si Amer
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