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Reportage sur le spectacle  "Golgota", en avril 2014, au Théâtre du Rond-point, à Paris (75)

 

Texte: Isabelle Jacq Gamboena

 

 

"Golgota": quand l'art de Bartabas rencontre celui d'Andrés Marín.

C'est au Théâtre du Rond-point que Bartabas  présente "Golgota", sa dernière création dans laquelle se rencontrent le Flamenco, l'art équestre, le théâtre ainsi que la musique et les chants de la renaissance espagnole de Tomas Luis de Victoria. Partageant la scène avec Andrés Marín , l'un des plus grands danseurs de Flamenco de la scène actuelle, Bartabas signe une œuvre audacieuse, d'une force et d'une profondeur exceptionnelles.

Un trône noir pour s'y assoir, un escabeau pour atteindre la croix et des cierges qui diffusentt une lumière tout en clair obscur: c'est dans cette scénographie épurée que Bartabas et Andrés Marín livrent un mano a mano dans lequel ces artistes nouent un dialogue sensible et plein de gravité, inspiré de la passion du christ. Pionnier d'une expression dans laquelle il conjugue art équestre, musique, danse et théâtre,  Bartabas a fondé le Théâtre équestre Zingaro en 1984 puis l’Académie équestre de Versailles, quelques années après. Passionné depuis toujours par le cante jondo, Bartabas souhaitait faire rentrer concrètement le monde du Flamenco dans son univers, mais, comme il l' explique dans un entretien, c'est pour  éviter "les clichés du cavalier avec son sombrero, son cheval et la danseuse avec ses castagnettes", qu'il se l'interdisait, "jusqu'à ce qu'apparaisse une nouvelle génération de danseurs dont fait partie Andrés Marín".  En effet, nous même ne pouvions imaginer un autre danseur que cette étoile du Flamenco pour accompagner Bartabas dans cette magnifique aventure. Chorégraphe, danseur et créateur de nombreuses pièces, Andrés Marín est né a Séville, ville dans laquelle il réside et où il a crée son école de danse. Fils d'artistes Flamencos, ses œuvres sont centrées sur la tradition flamenca au travers d'un style résolument contemporain. Il signe et interprète les chorégraphies de ce spectacle avec son style atypique dont la sobriété et la profondeur bouleversent le public. Voici donc Bartabas et Andrés Marin nouant l'un avec l'autre un dialogue centré sur l'écoute et la recherche de  la pulsation juste, d'une musique silencieuse, accompagné par la voix du contre ténor Christophe Baska, par le  Luth de Marc Wolff et par le Cornet d' Adrien Mabire qui interprètent magnifiquement l'œuvre de Tomas Luis de Victoria. Comme le titre le suggère, nous sommes au Golgotha (qui s'écrit "Golgota", en espagnol), le lieu où Jésus a été crucifié et ce chemin de croix est relaté au travers de différents tableaux dont la transition est magnifiquement assurée par le comédien Pierre Estorges. Autre élément particulièrement audacieux: celui de faire entrer des chevaux sur la scène d'un théâtre! En effet,  quatre chevaux: Horizonte, Le Tintoret, Soutine, Zurbarán et l’âne Lautrec montés par Bartabas, investissent tour à tour la scène, réalisant des figures particulières avec une décontraction extraordinaire, ce qui relève de la prouesse!

Nous sommes plongés dans une ambiance religieuse et mystique inspirée de l'Espagne du 16 ème siècle, et dans une atmosphère digne des rituels de messe, que les encensoirs, cierges et autres accessoires viennent renforcer,  mais là s'arrête le lien avec la religion car, d'après Bartabas "la religion met l'homme au dessus de tout et de tout ce qui l'entoure, l'animal autant que la nature étant là que pour le servir". Bartabas n'est pas tout à fait d'accord avec ce point de vue, puisqu'il considère que "l'homme est une composante de l'univers dans lequel il vit, il n'a pas à être au dessus". Ainsi, Bartabas et Andrés Marin expriment leur personnalité et leur rapport au monde, dans leur manière de bouger ou de danser. Torse nus, ils laissent apparaitre leur chair, leur sueur. Les corps vibrent, vivent, dansent, tournent, se figent, reprennent de la densité, du mouvement, se mêlent à la sueur des chevaux, libérant leur nature animale. Est-ce aussi pour cette raison qu' au moment de la crucifixion, Andrés Marin, tel un centaure, monte sur la croix avec des chaussures en forme de sabots de cheval, tandis que Bartabas, à  cheval, les bras en croix, suggère le trépas? Libre à chacun d'interpréter ces détails car, tout en donnant des pistes de réflexion, Bartabas laisse œuvrer l'imaginaire de chacun et c'est là aussi que réside son art. Quant à Andrés Marin, dans ce spectacle, il témoigne une nouvelle fois de son immense talent et de sa faculté à s'adapter et à rencontrer d'autres univers, tout en demeurant résolument Flamenco.

.... Spectacle vivement recommandé!