Accueil Al-Andalus  Flamenco Liens Forum Contact Email
   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Reportage sur le Festival Flamenco de la Villette,

 du 3 au 5 mai 2012, à Paris

Reportage réalisé pour Musique Alhambra

Texte: Isabelle Jacq 'Gamboena'

Photos des diaporama: Alain Jacq

 

 

 Festival Flamenco de la Villette 2012: un succès phénoménal !

Fort du succès qu'avait remporté "La rue Flamenco", l'an dernier, un nouveau week-end consacré au Flamenco s'est déroulé, cette année, à la grande Halle de la Villette, à Paris. Cette fois-ci, c'est Romero Diaz production qui a collaboré avec l'équipe de la villette pour présenter au public, pendant trois soirées consécutives, des spectacles avec les plus grands artistes Flamencos de la scène actuelle.  En effet, les grands noms du Flamenco tels que José Maya, La Farruca, El Carpeta, Diego Amador, La Moneta, Pastora Galvan et la compagnie Antonio El Pipa ont exalté  la magnificence du Flamenco, tandis que la culture andalouse étaient présente aussi au travers des stages, des animations musicales et d'un village espagnol installé dans la grande Halle, diffusant une ambiance chaleureuse et festive pendant toute la durée de cet évènement. Retour sur ce week-end haut en couleurs et plein d'émotions.

Le Flamenco a le vent en poupe...cela est devenu une certitude, non seulement depuis que l'Unesco a choisi de le désigner comme Patrimoine culturel immatériel de l'Humanité, en 2010, mais aussi du fait que chaque évènement culturel de qualité qui rassemble des artistes Flamencos rencontre un succès phénoménal. Cela était le cas l'an dernier, avec "la Rue Flamenco" alors qu'il n'y avait qu'un spectacle programmé pour chaque soirée. Cette année, les organisateurs ont mis les bouchées doubles pour le plus grand bonheur du public. En effet, en programmant deux spectacles durant trois soirées consécutives sur la scène de la grande Halle de la Villette, le festival a connu un record d'affluence puisque tous les spectacles se sont joués à guichet fermé!

José Maya ou la fulgurance du baile gitano

En ouverture du Festival, le beau et talentueux danseur gitan José Maya  a ébloui le public avec sa fougue et son talent certain. Danseur attitré de Tomatito, il a été formé par les plus grands maîtres de la célèbre école Amor de Dios, à Madrid, et a collaboré avec les plus grands noms du Flamenco.  Il a travaillé aussi avec le cinéaste et réalisateur Tony Gatlif dans le spectacle "Vertiges" en tant que premier danseur et il prépare actuellement de son prochain spectacle "Alegria". Nous l'avions vu à plusieurs reprises sur la scène parisienne à Paris, notamment en 2009, lors de la première partie de Diego el Cigala, au Casino de Paris. C'est à ce moment là que le producteur Romero Diaz l'avait remarqué et avait décidé de continuer à le produire  sur les scènes culturelles les plus prestigieuses. Los de cette représentation, José a offert au public diverses facettes de son talent. En effet, vêtu d'un costume mordoré qui captait la lumière, il se jetait dans la danse dans un seul élan, parcourait la scène comme un cheval fougueux et indomptable tout en maitrisant parfaitement le rythme, les codes et la technique propres au Flamenco. Puis, changeant de couleur de costume et privilégiant le noir, il dansait sur des rythmes plus profonds. Parfois, il ralentissait l'allure et, à l'écoute du chant de Juan José Amador, de Juanarèz et de Rubio de Pruna il entrait dans son intériorité, et le duende jaillissait de son regard, de son corps, de son âme. Les guitares de Jesus de Rosario et de Carlos de Jacoba prolongeaient cet état de grâce, appuyé par le cajon de Lucky Losada. Rappelons pour les nombreux aficionados que José Maya s'est installé à Paris pour satisfaire la forte demande de ses élèves et qu'il donne désormais des cours réguliers dans la capitale. (+ Infos)

Danser divinement se conjugue a tous les temps dans la dynastie Farruco

La deuxième partie de la soirée mettait la dynastie gitane des Farruco à l'honneur avec la danseuse La Farruca et son fils Manuel Fernández Montoya dit El Carpeta,  le petit dernier d'à peine douze ans, mais qui possède déjà une technique phénoménale et qui, selon sa mère, aurait déjà dépassé celle de ses frères...qui ne sont autres que les grands Farruquito et Farru. Lors de ce spectacle, La Farruca et El Carpeta firent une démonstration de flamenco des plus intenses et des plus purs. La Farruca, Rosario Montoya Manzano de son nom d'état civile, est la fille du légendaire Farruco. Elle s'inscrit dans une famille de danseurs Flamencos les plus renommés à l'échelle internationale. Elle commence à danser à 13 ans accompagnée au chant par le légendaire Camaron de la Isla. Sa carrière artistique sera jalonnée de succès retentissants notamment avec sa participation dans le spectacle "Farruquito y familia" où elle reçoit les éloges du public et des critiques. Accompagnée par les chanteurs Pedro Heredia "El Granaino", Fabiola Perez et Mara Rey, par les guitaristes Juan Requena et Justo Heredia "El Toto" et par Octavio Montoya aux percussions, La Farruca a envouté une nouvelle fois le public avec sa danse dont le style très gitan a séduit d'emblée. La Farruca, c'est le Flamenco à l'état pur. Sensuelle et féminine, elle représente l'essence même du Flamenco.  Avec sa virtuosité alliée à une allure et prestance époustouflantes, elle a impressionné le public. Sa danse perpétue le style de son grand-père Farruco, patriarche qui a crée son école et qui a transmis son art à ses descendants. Pendant cette représentation, La Farruca a laissé un belle place à El Carpeta qui a investit la scène avec beaucoup d'assurance et d'élégance. El Carpeta s'inscrit dans la lignée d'artistes qui constitue la dynastie Farruco; sa maturité et son génie précoces nous ont vraiment émerveillés et prouvent que ce danseur est un phénomène hors du commun, voire un génie. Le spectacle fut éblouissant, malgré quelques soucis de sonorisation qui ont privé la chanteuse Mara Rey de son micro, à la fin du spectacle.

Avec Diego Amador, le piano est Flamenco

La première partie de la soirée musicale du vendredi 4 mai était consacrée au pianiste Diego Amador, musicien que nous avions eu le plaisir de voir sur la scène des Folies Bergères, à Paris, en octobre 2010, dans un mano a mano avec le guitariste de jazz manouche Bireli Lagrène. Multi-instrumentiste autodidacte virtuose et compositeur, Diego Amador est chanteur, guitariste, percussionniste et pianiste. Avec le temps, le piano a pris une place privilégiée dans sa carrière artistique, jusqu'à devenir son moyen d'expression favori, rénovant ainsi le Flamenco en intégrant cet instrument dans ce style musical. Ce beau musicien sévillan provient de la dynastie gitane des Amador, famille ancrée dans la tradition Flamenca. Dans les années 80, c'est avec ses frères ainés Raimundo et Rafael qu'ils ouvrirent le Flamenco à d'autres cultures en y introduisant des influences diverses comme la musique pop et rock au travers leur groupe mythique Pata Negra. Fort de cette expérience , Diego Amador ne cesse d'innover et de créer des nouvelles sonorités avec le piano tout en restant profondément Flamenco car, pour lui, c’est une question d’identité, au-delà de l’esthétique, une affaire de gitans, une affaire de famille. Lors de ce spectacle, Diego a interprété les thèmes de plusieurs albums, "Piano Jondo", "El aire de lo puro" et "Rio de los Canasteros", accompagné par son fils Diego Amador Blanco, aux cajon, par le percussionniste Israel Jesse Varela et par l'excellent chanteur José Julian Heredia Martinez. Faisant la part belle à l'improvisation, chacun a pris sa place dans ce quatuor survolté, tandis que Diego prenait parfois le micro pour chanter et, de son cante profondément gitan, il émanait une douceur exquise. Quand il s'est levé pour pincer et percuter les cordes de son piano à queue, ce fut tout un monde de sonorités étranges et merveilleuses qu'il offrit au public conquis et manifestement très ému par le talent de ce musicien qui prépare un nouvel album dont la sortie serait prévue au mois d'octobre prochain.

 

 

Le baile envoutant de la gitane andalouse Fuensanta La Moneta

 Pour deuxième partie de la soirée,  la grande danseuse granadine Fuensanta La Moneta a présenté sa nouvelle création intitulée "Extremo Jondo", entourée par le talentueux chanteur Miguel Lavi, par le guitariste Luis Mariano et par les palmas et les percussions d' El Cheyenne. Ce fut une heure trente d'émotions fortes car la danse de La Moneta nous hypnotise par sa vivacité, sa fantaisie et virtuosité technique alliée à un sens inné de l'improvisation. Son expressivité envoute et foudroie le public.  Il faut dire que cette artiste gitane andalouse à vocation précoce. Elle débute sa carrière professionnelle à 13 ans et danse à « La Rocio », une grotte légendaire du quartier gitan de Sacromonte, à Grenade, où se sont produits des grandes figures du baile telles que Juan Andrés Maya ou Manolete. Plus tard, elle se forme auprès de maîtres tels que Javier Latorre, Mario Maya, Juan Andrés Maya, Juana Amaya, Matilde Coral et Israel Galván. Etoile au firmament, Fuensanta est régulièrement plébiscité par la critique et, tout au long de sa carrière, elle a reçu de nombreuses récompenses. Lors de ce spectacle, elle a exprimé toute la jondura du Flamenco, alternant les palos et investissant tout l'espace de la scène avec ses chorégraphies originales et sa force dramatique d'une puissance exceptionnelle. Cette quatrième création, Fuensanta a voulu l'immortaliser dans un DVD éponyme qui permet au public de prolonger, autant qu'il souhaite, ces moments de duende qui méritent aussi d'être vus à plusieurs reprises en live.

 

 

Pastora  Galván: une danseuse au firmament

Le lendemain, le public a savouré pleinement son rendez-vous avec Pastora Galván, l'une des plus grandes figures du baile Flamenco actuel. Fille de José Galvan et sœur d'Israel Galvan, Pastora représente la nouvelle génération de danseuses Flamencos en droite lignée de la tradition Flamenco de son père mais très ancrée aussi dans la modernité et influencée, sans doute, par l'audace et le génie d'Israel Galvan. Ces influences, elle les reconnait, elle s'en nourrit, mais elle sait aussi s'en détacher pour inventer son style propre fait de sensualité, de fougue et de vivacité. Son talent a été reconnu très tôt dans sa carrière artistique et elle a travaillé avec de nombreux artistes de renom tels qu’Eva Yerbabuena, Fernando Terremoto, Maria Pagès, Joaquim Grilo, Jose Luis Rodriguez et le pianiste David Dorantes. Pastora débute la représentation vêtue à la manière des femmes du quartier de Triana, rendant ainsi un hommage à la Triana pura, à l'époque où, dans ce quartier de Séville, le Flamenco était partout et où les femmes de tout âge dansaient dans la rue et dans les tablaos. Accompagnée par les chanteurs José Valencia et Cristian Guerrero, par le guitariste Ramón Amador et par l'illustre Boboté aux palmas, Pastora a dansé por Buleria, puis, ce fut au rythme d'une Mariana  qu'elle éblouit le public avec son baile modelé par sa forte personnalité et sa technique irréprochable. S'en est suivi une Solea de Triana merveilleusement interprétée José Valencia, excellent cantaor originaire de Lebrija, artiste dont l'actualité est marquée par la sortie de son premier album intitulé "Solo Flamenco". Nous y reviendrons ultérieurement... au rythme d'un Pregon puis d' une Seguiriya, José Valencia et Cristian Guerrero chantèrent avec talent puis ils accompagnèrent la danse de Pastora qui poursuivit avec une Alegria, le palo le plus festif du Flamenco, tandis que Bobote captait aussi l'attention du public avec ses palmas, sa joie communicative et sa personnalité hors du commun. Le spectacle qui se termina por Tarantos et Tangos fut suivi d'une standing ovation de la part du public.

Antonio El Pipa : élégance et impétuosité

Clôturant la programmation du Festival, le danseur Antonio El Pipa et sa compagnie investirent la scène de la grande Halle de la Villette, offrant un spectacle de danse gitane pure et authentique. Petit-fils de la danseuse et chanteuse Juana La Del Pipa, Antonio el Pipa est originaire de Jerez. On ne compte plus les festivals de danse qui l’ont accueilli, dans le monde entier. Lauréat de prix prestigieux comme celui du Cercle des Beaux-arts de Madrid, de la critique au meilleur spectacle, de la Chaise d’Étude flamenco, la critique l’a encensé comme le "digne successeur des vétérans Antonio Gadès, Mario May ou le "Güito". Avec sa compagnie, il transmet avec talent toute la force et la beauté du Flamenco de ses racines. Il émane d’Antonio El Pipa une élégance rare. Son port altier et sa danse très masculine contrastent avec rondeur des braceos des danseuses qui l'accompagnent. Au beau milieu du spectacle, Antonio se dresse puis se cabre comme un cheval fougueux et, quand il se lance dans un zapateado magistral, le ciel et la terre tremblent et semblent lui implorer sa rémission. Alors, après avoir parcouru tout l'espace scénique, il ralentit le pas et, dans un geste impétueux, accorde un répit aux éléments naturels qu'un simple geste de sa part remettrait en mouvement. Quel charisme et quelle belle arrogance! le corps de Ballet est constitué d'une danseuse, Claudia  Vázquez, et de cinq danseurs: Juan Jose Alba, Manuel Soto,  Guillermo Campos, Jeronimo Bellido et Luis Bermudez. Il accompagne merveilleusement les chorégraphies du maestro et parfois, un duo avec Claudia Vázquez vient agrémenter le spectacle, tandis que la chanteuse Mara Rey livre tout son talent, appuyée par les mélodies et les accords de guitare de Juan José Alba  et de Fco. Javier Ibáñez. Envouté par le spectacle, le public a longuement acclamé les artistes lors de la fin de fiesta qui fut aussi le bouquet final du Festival.

Nous remercions l'équipe organisatrice et plus particulièrement Nicole et Romero, de Romero Diaz Productions ainsi que les artistes qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes durant ces trois soirées chargées d'émotions et de duende. Notons aussi le franc succès qu'ont rencontré les stages de danse de Maria Donzella de l'association Atika Flamenco ainsi que l'implication des aficionados et des artistes professionnels qui n'hésitaient pas à prolonger la fête après le spectacle, dans le hall d'accueil où l'ambiance conviviale reflétait merveilleusement la notion de partage inhérente au Flamenco.

Photos de l'ambiance autour du Festival:

 

Interview de Fuensanta la Moneta ( diaporama-vidéo): voir

 

Interview de  Diego Amador (diaporama-vidéo): voir