"Les chants du retour... du duende"
Dans le cadre du Festival d’Ile de
France, le grand danseur Andrés Marin et le cantaor Arcangel étaient sur la scène
du Théâtre de l'Onde, à Velizy-Villacoublay, pour conjuguer leur talent
respectif au travers d'un magnifique spectacle consacré aux chants d'Ida y
Vuelta.
Les
chants d'Ida y Vuelta (chants d'aller et retour) désignent les chants
hispano -américains qui, lors de la Conquista, auraient traversé l'Atlantique dans les
deux sens pour revenir s'implanter en Espagne et, en
particulier, dans le Flamenco. En
partant de cette thématique, le
grand bailaor sévillan Andrés Marin a présenté un mano
a mano avec le cantaor Arcangel, remémorant ensemble
l'aspect pluriculturel du Flamenco et les nombreuses influences
qui ont nourrit cet art qui, bien qu'il soit doté d'une forte
tradition, ne cesse de se réinventer au contact d'autres
cultures et de nouvelles tendances. Le spectacle a débuté par un
solo d'Andrés Marin qui a interprété une Solea Campesina.
Sa danse qui est une perpétuelle exploration des profondeurs de
l'être humain a cette rare faculté de nous faire atteindre
le silence intérieur.
D'un style sobre, élégant et résolument contemporain, sa danse
est aussi une invitation constante à la rencontre
de soi-même au travers de la rencontre de l'autre qui, ce soir
là, était incarnée par le sublime chanteur Arcangel. Celui-ci,
par la suite, interpréta avec maestria et beaucoup d'émotion
plusieurs palos d'Ida y Vuelta tels que la Caña, Columbiana,
Guajira, Vidalitad, Milonga, et un Fandango de Huelva.
Accompagné par le pianiste Pablo Suarez, par Salvador
Gutierrez à la guitare et par Antonio Coronel aux
percussions, Arcangel enveloppait l'air de sa voix
solaire et pleine de nuances. Alliant finesse, douceur et
profondeur, son cante exprimait beaucoup d'émotion,
notamment lorsqu'il interpréta une Vidalita,
merveilleusement accompagné au
piano. Ce fut un moment d'une beauté et d'une intensité extrême.
Rappelons que ce jeune cantaor sévillan a
accompagné très tôt les grandes figures du Flamenco telles que
Cristina Hoyos,
Israel Galván, et Eva la Yerbabuena. Apprécié pour son vaste
répertoire et ses qualités vocales, Arcangel est l'un des
grands cantaors actuels, comme en témoigne son excellent album intitulé "Quijote de los sueños",
sorti en 2011. Ce soir là, sa voix vibrait à l'unisson avec les
chorégraphies d'Andrés Marin, danseur que l'on peut
considérer comme l'un des plus grands. Parfois, Andrés
dansait dans un carré de lumière, puis, un cercle
apparaissait sur le sol et celui-ci devenait son terrain
d'expression. Par la suite, l'ombre portée de sa
silhouette sur la toile en fond de scène décuplait sa taille
et, tandis qu'il dansait, ces jeux d'ombres et lumières, ces
formes étranges nous rappelaient le courant
expressionniste allemand, mouvement pictural auquel Andrés est
particulièrement attaché. Chaque musicien apportait sa touche
personnelle dans cette ambiance particulière et lorsque le
percussionniste Antonio Coronel utilisa des bouteilles
comme instrument de percussion dans une bassine remplie d'eau,
la qualité des effets sonores et l'originalité de cette
performance fut particulièrement appréciée par le public. A la
fin du spectacle, un autre moment original survint lorsque
le rideau blanc en fond de scène se souleva peu à peu et dévoila
l'arrière de la scène, c'est à dire l'envers du décors, dans
lequel
Andrés Marin dansa. Pour ceux
qui souhaitent revoir Andrés Marin sur la scène
française, précisons qu'il sera au Théâtre de la Filature, à
Mulhouse, le 18 janvier 2013, puis le 21 janvier au Théâtre
de la Comète à Chalon en Champagne, pour présenter son nouveau
spectacle 'Tetuano', laissant présager d'autres grands moments!