Yerma, à la Comédie
Française, à Paris
Reportage réalisé par Isabelle Jacq, pour Musique
Alhambra.
Pour la première fois, la Comédie
Française présente une pièce de Federico Garcia
Lorca. Il s'agit de 'Yerma'
, le deuxième volet de la trilogie de Lorca consacrée à la condition
féminine et aux atavismes de la société andalouse des années 30.
Retour sur cette magnifique pièce qui était à l'affiche jusqu'au 29 juin.
Dans
une mise en scène de Vicente Pradal, Yerma raconte le destin
tragique d'une femme qui , mariée depuis 5 ans, ne peut avoir d'enfant
et qui bascule dans une psychose meurtrière en tuant son mari, Juan
(Laurent Natrella) . Coraly Zahonero incarne Yerma, cette femme qui
s'interroge sur son destin contrarié et qui ne peut se résigner à vivre
sans enfant. Dans cette œuvre, Federico Garcia Lorca dénonce le système
rural d'une Espagne ancrée dans ses croyances religieuses et ses
superstitions, la cupidité des hommes et leur
machisme ainsi que la soumission des femmes enfermées dans des codes
moraux rigides. C'est aussi l'œuvre à laquelle Lorca s'identifiait
le plus .Selon Vicente Pradal, "Yerma c'est Federico.
Il a puisé son inspiration dans sa propre famille, ses propres dualités,
ses difficultés à aimer, son impossibilité à enfanter lui-même".
Sur scène, le décor est sobre, l'intérieur
de la maison de Yerma se résume à une table, deux chaises, une bouteille
de lait et un verre. Cette sobriété correspond au contexte populaire
dans lequel l'histoire se déroule. L'univers Lorquien est parfaitement représenté au
travers le chant, la danse et la musique Flamencas qui se mêlent au
jeu des comédiens. Rappelons que Vicente Pradal est avant tout un
compositeur, un chanteur et un guitariste Flamenco. Fin connaisseur de l'œuvre de
Lorca, Vicente Pradal a fait le choix de structurer cette
pièce en incorporant plusieurs disciplines artistiques et en mettant en
avant les parties versifiées du texte de Lorca au travers des
chants Flamencos
merveilleusement interprétés par sa fille Paloma Pradal et
Alberto
Garcia . Paloma danse aussi à quelques reprises tantôt en solo, tantôt
accompagnée par le comédien et danseur Sharockh Mosshin Ghalam
comme dans cette fantastique danse du diable et de sa femme
correspondant à un rituel païen que Lorca souhaitait introduire
dans la pièce. Le Chœur
chante aussi en espagnol. Il est accompagné par Rafael Pradal, au piano. Un
dialogue entre Yerma et le piano rythme la pièce . Parfois la voix de
Coraly répond à celle de Paloma qui représente l'alter ego dansant de
Yerma.
Six tableaux se succèderont parmi lesquelles nous
citerons les scènes
d'intérieur où Yerma dialogue avec Juan, celle où le berger
Victor (Sharokh
Mosshin Ghalam) lui rend visite , ou des scènes de la vie quotidienne comme celle du lavoir
où les femmes en lavant leur linge colportent des ragots qui enfermeront
Yerma et Juan dans un mal-être les poussant à s'isoler et se refermer
sur leur douleur. La tension monte, l'étau se ressert sur Yerma et
un cri de désespoir s'élève au fur et à mesure qu'elle avance dans le
labyrinthe de ses pensées. La vieille païenne (Madeleine Marion)
intervient pour essayer le l'aider et au travers elle, Lorca fait une critique acerbe de la
religion, tournant en dérision les croyances et les pratiques
religieuses.
Le génie de Vicente Pradal c'est de rendre cette pièce
résolument contemporaine, de restituer fidèlement l'esprit de Lorca
et de réussir parfaitement une synthèse des arts pour raconter une seule
histoire. Saluons aussi le talent des acteurs, de Catherine Sauval,
Eléonore Simon, Raphaelle Bouchard, Céline Sami, de
Coraly Zahonero, incandescente et lumineuse, de Rafael
et Paloma Pradal qui, malgré leur jeune âge (19 et 16 ans)
détiennent une virtuosité technique, une sensibilité et un charisme hors
du commun...Le milieu Flamenco en parle déjà beaucoup.
'YERMA'
:
jusqu'au 29 juin
2008
au Théâtre du Vieux Colombier , 21 rue du
Vieux Colombier, 75006 Paris
Réservations : 01 44 39 87 00
Métro : Saint-Sulpice
+ Infos:
http://www.comedie-francaise.fr