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Le
clan des Pinini

Dans
la discrète constellation des casas cantaoras gitanes (dynastie de chanteurs)
qui magnifièrent le cante jondo, le chant profond, on relève le nom de Pinini,
du surnom donné à l'un des fondateurs de la famille à cause de sa petite
taille. les Pinini étaient bouchers de père en fils, "artistes de
la viande" comme on appelait dans leur village andalou de Lebrija ceux qui
étaient alors seuls à produire et vendre du bœuf. La musique était au cœur
de leur vie, comme une religion de famille mais aucun des chanteurs n'aurait
songé à devenir artiste, les artistes c'étaient ces malheureux qui n'avaient
rien d'autre à vendre que leur art pour survivre. "Je chante quand l'envie
m'en vient et quand je chante, je veux savoir qui m'écoute", disait l'un
d'eux expliquant ainsi son refus d'être enregistré. Le déclin économique de
la famille mit certains Pinini face à la nécessité de monnayer ce que
boucherie mise à part, ils savaient faire le mieux : chanter et danser. Les
plus talentueux devinrent artistes professionnels et commencèrent à divulguer
un patrimoine musical jusque là confidentiel : Fernanda et Bernarda de
Utrera, Miguel Funi, etc...En choisissant la guitare dans une famille où régnaient
la voix et plus discrètement la danse, Pedro Bacán, arrière-petit fils
de Pinini, ne rompit pas avec sa tradition mais chercha plutôt à l'élargir
et à la développer. Après avoir parcouru les capitales en soliste , il
ressent la nécessité de retrouver la sorte d'énergie musicale que seul le
clan peut offrir. Il crée un groupe à la mesure de ses intentions : donner une
égalité d'inspiration au chant, à la guitare et à la danse. Les cantaores
qu'il sollicite, le jeune Joselito de Librija, Inés Bacan, sa sœur et Pepa
de Benito, sa tante, ne s'étaient guère produits en dehors du cénacle
familial. Les danseuses, Concha Vargas et Carmen Ledesma, avaient
par contre une longue expérience professionnelle. Sur scène, ils créent
ensemble un art flamenco pudique et élégant.. Il suffit de les écouter et de
les voir un instant pour comprendre que les Pinini sont leur musique. Leur
goût du risque et de l'improvisation nous font oublier qu'ils ont plus d'un siècle
de répétition générale derrière eux. Les contextes naturels de l'expression
et de la transmission de la musique flamenca sont en voie de disparition. Sa
survie passe aujourd'hui par la scène. Pedro Bacan et les Pinini
ont jusqu'à présent gagné le double parti de cette transhumance : ne rien
perdre des fondements et garder l'esprit d'invention.
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