Musique Alhambra

L'Actualité du Flamenco

 

  

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Interview de Miguel Poveda réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena', en avril 2010,  pour Musique Alhambra

 

 

Miguel Poveda nous envoute avec sa voix tout au long des 18 coplas de son nouveau double album 'Coplas del querer', opus qui a été encensé à juste titre par la critique. Nous avons retrouvé Miguel Poveda lors de sa tournée en France, lors de son récent passage à Paris et cela pour notre plus grand plaisir:

- Miguel Poveda, tu es né à Barcelone et tu as grandi là bas. Ta carrière artistique s'est-elle déroulée là bas aussi?

- Oui, j'ai commencé à Badalona, un quartier situé à la périphérie de Barcelone. A Badalona il y a beaucoup de peñas Flamencas, comme dans d'autres endroits à Barcelone. C'est là que je pouvais chanter, apprendre et rencontrer des Flamencos. Puis, j'ai commencé à chanter dans les tablaos Flamencos de Barcelone, comme le tablao 'El Cordobes' ou celui de 'Carmen'.

- Le Flamenco est donc très présent en catalogne, n'est-ce pas?

- oui, comme à Nîmes...

- On dit que le berceau du Flamenco c'est l'Andalousie, qu'en penses-tu?

- Bien sur, l'Andalousie, c'est là que tout se forme dans le Flamenco. La Catalogne est devenue Flamenca car elle reçoit beaucoup d'immigrés d'Andalousie et parce que les catalans aiment le Flamenco.

- Maintenant tu vis à Séville. Pourquoi as-tu choisi cette ville?

- Cela fait 7 ans que je  vis à Séville. Je suis tombé amoureux de Séville. C'est une ville très commode où le temps, le rythme et les individus sont plus lents. Elle a ses défauts comme toutes les villes mais une des raisons qui m'ont fait rester là bas c'est le fait d'être en contact avec  des personnes, d'avoir du temps pour les voir, prendre un café.  Jaime aussi la chaleur humaine qu'il y a dans cette ville. J'ai beaucoup d'amis à Séville.

- Gardes-tu un contact avec Barcelone?

- Oui bien sur, je suis né là bas, j'y ai grandi, j'ai des milliers de souvenirs puisque j'y ai vécu jusqu'à 30 ans. Mes parents résident en catalogne, mais cousins aussi, et j'ai un attrait pour la musique catalane. On peut dire que Barcelone est mon père et que Séville est ma mère, ou vice versa. On aime autant son père que sa mère...

- D'où vient ton aficion pour le Flamenco?

- A la maison ma mère écoutait beaucoup de Flamenco. Elle vient d'un village tout proche de Cordoba. Mes grands-parents étaient aussi des aficionados au Flamenco et à la copla. Ma mère rapporta cette musique lorsqu'elle immigra en catalogne. Ma mère visitait les peñas Flamencas, un frère de ma mère chantait en amateur et un cousin jouait de la guitare. De plus, dans le quartier où j'habitais, j'écoutais le Flamenco qu'on entendait par les fenêtres des maisons.

- La critique te situe comme un des chanteurs les plus importants de ta génération. Comment vis-tu ce succès?

- Bien sur que j'aime que la critique soit positive à mon égard mais je ne suis pas dépendant de cela. S'il y des propos négatifs à mon sujet, j'essaye d'apprendre de cela. Ma carrière est basée sur ce que je ressens, ma nécessité personnelle et humaine de communiquer au travers de la musique, de faire du Flamenco le mieux possible, de montrer  de la meilleure manière, au monde, la musique que j'aime profondément, pour que le monde tombe amoureux de ma musique plus que de moi même. Il est clair que je mène une carrière artistique depuis plusieurs années et que si l'on me situe à cette place actuellement, c'est que j'ai aussi beaucoup travaillé. J'ai beaucoup d'amis qui sont des chanteurs jeunes et qui chantent très bien et dont j'apprends beaucoup. J'ai la chance d'être très bien accompagné.

- Tu as reçu des récompenses importantes dans ta carrière artistique. Penses-tu comme Pablo Picasso que la gloire est la pire des choses qui puisse arriver à un artiste qui souhaite évoluer?

- En effet, j'ai reçu de nombreux prix et, récemment, le Premio Nacional de musique en Espagne, le Premio de la musique du meilleur disque de l'année. Recevoir tous ces prix, cela me plait. C'est un peu comme un cycliste à qui on donne de l'eau ou une tape sur l'épaule pour l'encourager, quand il a franchi une étape et qu'il poursuit son objectif d'arriver au bout de la course. Cela l'encourage. Donc, en ce qui me concerne, je n'ai pas le problème de Picasso...

- Que souhaiterais-tu nous dire à propos de ton nouvel album 'Coplas del querer'? Dans cet opus, tu rends un hommage aux poètes espagnols classiques, n'est-ce pas?

- En fait, il s'agit plus d'auteurs que de poètes. Ces auteurs écrivent de très belles chansons qui apportent beaucoup à la musique andalouse. Parmi tous ces auteurs, il y en a un, Rafael de León qui, en plus d'être auteur de chansons, était un très grand poète. Je l'apprécie beaucoup. Il était très ami avec Federico Garcia Lorca. Je revendique le genre de la copla car, au travers tout ce répertoire, il y en a qui sont à la hauteur d'autres genres comme le Tango argentin, le Bolero ou comme la chanson française. Ce sont des musiques populaires.

- Que racontent-elles?

- Ce sont des chansons qui parlent du quotidien, de l'amour, du désamour au travers un ressenti très espagnol. C'est pour cela que je l'ai appelé 'Coplas del Querer'. En général, les coplas racontent aussi la fête des taureaux, l'Espagne, le peuple ou certaines personnes. J'ai essayé d'enlever les clichés liés à ces coplas en parlant non seulement de la fête des taureaux, de l'Espagne, mais j'ai voulu aussi chanter l'amour au son des coplas. Il y a beaucoup de chansons que je connais depuis ma plus tendre enfance et comme il y en a beaucoup qui me plaisent, cela fut très dur d'en choisir seulement 10. J'ai donc décidé de faire un double album pour ne pas renoncer à trop de chansons.

- Il y a différentes influences musicales dans cet album, n'est-ce pas?

- Oui, il y a beaucoup de sons différents, et par dessus tout des sonorités jazz et méditerranéennes et du Flamenco bien sur car c'est mon registre musical.  J'ai choisi tout ce répertoire de chansons andalouses car j'apprécie vraiment ce genre qui est jeune; il a peine 100 ans. Il a été très maltraité, car il fut dévalorisé par le franquisme en Espagne bien que les grandes figures de ce genre continuaient à le revendiquer et à le chanter. Donc il a acquis une connotation très politique. Être coplero ou chanter la copla, c'était très mal vu. Heureusement, avec le temps, les choses se sont arrangées. Dans cet album, je revendique l'aspect artistique du répertoire de la copla et je lui donne une forme plus actuelle.

- Parmi les musiciens qui participent à cet album, il y a le guitariste Chicuelo. Tu travailles depuis longtemps avec lui, n'est-ce pas?

- Oui, nous nous connaissons bien ainsi que Joan Albert Amargós qui participe aussi dans ce disque. Nous savons comment chacun fonctionne en studio ou lors des concerts, en direct. C'est agréable de travailler ensemble car nous allons dans la même direction. Avec les années, j'ai eu la chance de former mon équipe avec laquelle je suis en phase et c'est pour cela que nous continuons à faire de bonnes choses ensemble.

- Pour mettre la musique sur les chansons, comment as-tu procédé?

- Les musiques étaient déjà faites puisque Concha Piquer, Miguel Molina, Carlos Cano et d'autres les avaient déjà chantées. J'ai seulement fait des arrangements différents. Au lieu d'avoir un grand orchestre, nous avons travaillé avec un quintet, sur des sonoritées jazzy et dans d'autres moments, avec une formation Flamenca de guitare, voix et palmas.

- Quel regard portes-tu sur ton travail?

- Je le fais avec beaucoup de passion, beaucoup d'amour et de dévouement sinon je n'aurais jamais poursuivi ma carrière artistique puisque tout les éléments étaient en ma défaveur: catalan, payo, de Badalona, et quand je voyais tous ces grands chanteurs comme La Paquera de Jerez ou Chocolate qui étaient au devant de la scène, la concurrence était rude. Si je devais émettre une critique à propos de mon travail, c'est qu'on ne peut obtenir dans un disque le même résultat qu'en direct, je pense d'ailleurs que c'est le cas de tout le monde. Le disque peut être parfait, t'émouvoir bien sur, mais l'émotion du direct, aucun disque ne peut la restituer, pas même un album enregistré en direct. Cette magie que l'on ressent lorsqu'on est dans un théâtre, cette émotion de toucher la musique avec les mains, d'avoir ses musiciens à côté, cela ne retrouve pas dans un disque. Si tu mettais un disque chez toi et que tu ressentais les mêmes sensations que si tu étais dans un théâtre, lors d'un concert, ce serait merveilleux.

- Il est important de voir l'artiste sur scène...

- Oui, les disques te donnent une référence sur ce qu'est un artiste, mais dans certains cas, quand tu vois l'artiste en  direct, il peut être pire que sur le disque. C'est pour toutes ces raisons que je ne veux pas enregistrer d'album que je ne puisse chanter ensuite en direct. Juan Albert Amargo était très clair aussi sur ce point. Quand nous avons réalisé l'enregistrement, les musiciens étaient les mêmes que ceux qui allaient m'accompagner sur scène, en direct.

- As-tu travaillé ta voix?

- Ma voix s'est façonnée d'elle même avec le travail continuel, mais je n'ai jamais pris de cours de chant. J'ai appris en chantant et en écoutant les autres chanter. Le chant est l'expression de l'être humain.

- Ta collaboration avec plusieurs cinéastes, pourrais-tu nous en parler?

- Le fait que la musique Flamenca apparaisse dans le 7ème art sous la forme de bandes sonores avec des directeurs aussi importants que Pedro Almodovar, Carlos Saura ou le français Nicolas Klautz, cela me plait beaucoup. De plus, ces films sont projetés partout dans le monde et touchent donc un autre style de public ; cela induit une  diffusion plus large du Flamenco.

- Le Flamenco, qu'est ce que cela t'apporte intérieurement?

- Pour moi, le Flamenco est un peu une thérapie...ne serait-ce que par le fait que les letras de tous ces auteurs contiennent beaucoup d'expériences de vie. De plus, chanter devant beaucoup de personnes, et exprimer beaucoup de sentiments, communiquer au travers le chant, la musique, cela procure un véritable soulagement.

- Comment perçois-tu le Flamenco actuel?

- Il n'y a peut-être pas autant de grandes figures qu'avant, mais les artistes d'aujourd'hui apportent de bonnes choses et rénovent le Flamenco, ce qui lui permet de continuer à exister, évoluer, de se nourrir d'autres musiques, d'autres cultures.

- Merci Miguel pour ce très bon moment passé en ta compagnie, et à très bientôt...

 

 

Visiter le site Web de Miguel Poveda: http://miguelpoveda.com

Ecouter des extraits sonores de l'abum 'Coplas del querer'

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