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Interview de  Sandrine Rabassa

réalisée par Isabelle Jacq Gamboena

 en juillet 2012

 pour Musique Alhambra

 

La 24ème édition du Festival Arte Flamenco s'est déroulée du 2 au 9 juillet 2012, transformant Mont de Marsan en Capitale du Flamenco et de la culture andalouse, pendant toute cette période. La programmation d'une qualité époustouflante est signée Sandrine Rabassa. Directrice artistique du festival depuis 3 ans et déjà plébiscitée pour la pertinence, la richesse et la diversité de sa programmation, Sandrine sait aussi insuffler une âme à ce festival où l'excellence est toujours au rendez-vous. A l'issue du festival , alors que nous étions encore imprégnés par les émotions fortes et les moments magiques que nous avions vécus durant cette semaine, Sandrine nous a accordée l'entretien suivant:

- Sandrine, nous aimerions connaitre tes impressions sur la 24 ème édition du Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan qui vient de se terminer. Que souhaiterais-tu nous dire à ce sujet?

- Lors de cette édition, se sont mélangés beaucoup d'émotions et beaucoup de puissance dans les propositions artistiques. Nous avions des danseurs et danseuses très engagés, très impliqués pour donner le meilleur d'eux-mêmes au public d'Arte Flamenco. Le bilan au niveau de l'organisation est bien rempli et concluant car nous avons à nouveau réussi à accueillir un nombre de festivaliers encore très important cette année. Cela est vraiment du au travail d'une équipe: du Conseil Général, ainsi que des personnes qui interviennent au niveau de la Mairie, que des bénévoles et également des partenaires extérieurs et privés. Toute cette réussite, ces résultats que nous avons eu sur scène est le fruit du travail de tous et je ne peux que saluer l'implication des artistes et de toutes les personnes qui ont travaillés sur ce festival; C'est donc un bilan très heureux, très satisfaisant et vivement l'année prochaine.

- Cela fait 3 ans que tu assures la direction artistique du Festival. Comment vis-tu ton métier et les responsabilités inhérentes à cette fonction?

- J'ai travaillé auprès de Javier Puga presque 10 ans avant de prendre la direction du festival. Je n'avais pas une grande surprise quant à la pression qu'il pouvait y avoir. Tout le monde attend de la programmation qu'elle soit réussie, le public est demandeur, alors nous avons toujours la pression de savoir si ce qu'on leur propose leur plaira. Nous avons envie que le public soit debout à la fin des spectacles, nous avons envie que cela soit complet. Je remercie le public car les jauges sont remplies en un temps record, c'est une preuve aussi de confiance et d'amitié quant à mes choix et j'en suis très heureuse et très sensible. J'avoue que je ne regarde pas le spectacle d'une manière très tranquille. Bien sur, je me laisse emporter parfois, comme cela a été le cas avec Manuela Carrasco qui m'a fait complètement sortir du contexte professionnel. Sinon, je regarde toujours un peu les visages dans la salle, les réactions, le fait que des gens chuchotent à l'oreille, comment le public va applaudir, si ce sont des applaudissements polis ou complètement fous, comme pour Manuela Carrasco où l' ovation n'était pas progressive mais immédiate et spontanée. Je regarde tout cela. Je regarde également si tout se passe bien, s'il n'y a des problèmes techniques qui surviennent comme pour Manuela Carrasco, dès le début. Dans ce cas, je ne peux pas rester dans la salle, je dois aller voir ce qui se passe. En tant que Directrice artistique, il est nécessaire de veiller au bon déroulement du spectacle pour que le public soit satisfait sur tous les aspects de celui-ci.

- Le public a répondu présent à tous les spectacles, et nous avons appris que la billetterie était complète quelques semaines après son ouverture. Concernant la programmation Off qui est gratuite et ouverte au public, sans réservation préalable, as-tu un bilan sur cette programmation?

- Oui, nous avons un très bon bilan qui aurait pu être meilleur si le mauvais temps n'avait pas fait des siennes car il faut dire qu'il a plu, donc nous avons été obligés d'annuler un spectacle de rue notamment avec Bobote et ses amis. Je n'étais pas ravie de prendre cette décision mais ce sont des facteurs que je ne contrôle pas. Autant le reste, je peux y veiller mais pour la météo, je n'ai pas encore assez de pouvoir (sourire). Nous avons eu forcement un peu moins de monde à cause du mauvais temps; néanmoins nous avons eu un bel enthousiasme avec, par exemple, le spectacle de la Chocolata qui a fait l'unanimité. Tout le monde est venu me rapporter qu'elle était extraordinaire et je l'ai moi-même vue samedi soir avant que le festival ne débute; c'était au 10 bis. C'était vraiment une prestation et une artiste merveilleuse. Je ne peux pas aller partout mais je reçois des vidéos, des résumés et j'avoue que cette année la programmation du off a été d'un très haut niveau et les résultats sont aussi merveilleux.

- Pourrais-tu nous faire part de quelques moments d'émotions qui sont restés gravés dans ta mémoire?

- Personnellement, lors du spectacle de la Niña de Los Cupones avec l'hommage à Camaron, c'était justement le jour de l'anniversaire de la mort du chanteur, j'étais très touchée par l'ovation du public qui s'est levé en applaudissant dans la langue des signes. J'ai été touchée par El Carpeta qui a tout donné alors qu'il n'était pas dans un état physique qui lui permettait pas d'être au mieux de sa forme. La Macanita, Jesus Mendez, je l'ai adoré. Ce chanteur est pour moi le digne héritier de la Paquera de Jerez et je pense qu'il est déjà un très grand dans le milieu. Manuela Carrasco m'a transportée dans son univers, dans son monde à elle, et j'ai encore son visage et ses yeux qui sont au fond de ma mémoire, et cela pour très longtemps, je crois. Il y a Rocio Molina et la Tremendita, cette complicité également. Rocio qui danse dans un mini caisson en bois en utilisant toute les parois, j'avais déjà vu ce numéro, mais que le public montois d'Arte Flamenco puisse découvrir cette prouesse était un beau cadeau qu'elle nous a fait. La clôture avec les magnifiques danseuses de Los Reyes et leur père. Tout le monde s'accorde à dire qu'elles étaient splendides et d'un niveau exceptionnel. David Lagos était merveilleux de puissance et d'émotions... En fait, toutes les images m'arrivent dans la tête au fur et à mesure, et les émotions qui vont avec, mais il est certain que le public a passé aussi de très bons moments.

- Un critique espagnol nous a dit qu'il n'avait pas vu Manuela Carrasco danser de cette manière, avec autant de duende, depuis 15 ans. Comment expliques-tu ce phénomène?

- Elle serait la mieux placée pour en parler, mais, d'après ce qu'elle m'a dit après le spectacle, il y a eu, pour elle, une implication particulière. Pour Manuela, Mont de Marsan n'était pas un spectacle parmi tant d'autres. Par amitié pour nous et pour le public d'Arte Flamenco, elle avait envie de rendre tout ce qu'elle avait reçu toute la semaine où elle animait les Master Class. Manuela n'est pas souvent en contact avec son public et donc le fait d'être immergée, voire submergée parfois, par les émotions d'autres personnes, et cela durant toute la semaine, je pense que cela lui a donné envie de s'impliquer et de se donner encore plus. Il a aussi un facteur d'amitié car nous sommes amies depuis très longtemps et nous appartenons à la même famille de cœur et, forcément, ce rapport privilégié fait que c'était particulier pour elle, pour nous et pour moi et sincèrement je la remercie du fond du cœur parce que je sais que ce que disent les critiques est vrai, qu'elle n'avait effectivement pas dansé comme cela depuis des années et qu'elle nous a donnée un spectacle qui, je pense, restera dans l'histoire du Festival.

- Pour revenir à la programmation, le Festival a donné une place importante aux les arts visuels avec des photographes, des plasticiens comme Pilar Albarracin, Francisco Moreno, Prisca Briquet. L'affluence a-telle été bonne pour les expositions?

- L'exposition de Prisca Briquet, on ne pouvait l'éviter car ses photographies grands formats étaient à l'air libre et aux vues de tous; elles étaient donc inévitables et tout le monde a vu les magnifiques photos de Prisca. Concernant le Musée, j'ai eu des échos de l'exposition de Francisco Moreno Galvan. Tout le monde l'a trouvé magnifique; il a ravi le public qui ne le connaissait pas et aussi les connaisseurs. Nous avions notre Pilar qui est toujours dans la folie, dans l'exceptionnel, elle a remportée aussi son succès auprès de personnes qui l'ont trouvée surprenante, originale. C'est aussi cela le Flamenco et ce qu'il y a autour: pouvoir surprendre et offrir au public et aux artistes la liberté de s'exprimer et d'offrir sa vision. De plus, à chaque fois que je suis allée au musée, j'ai croisé beaucoup de monde, donc je pense que l'affluence a été bonne pour les arts visuels

- Pourrais-tu nous parler de la fréquentation des stages par rapport à l'année dernière ?

- Oui, nous avons répondu à la demande de l'année dernière d'ouvrir plus de stages, plus de niveaux et nous avons cette année ouvert des classes au Pôle Culturel, ce qui a permis de désengorger l'école de musique qui a été prise d'assaut. Cela a désengorgé aussi les cours qui étaient archi-complets et qui permet une qualité d'accueil et une meilleure qualité de travail pour les stagiaires. Nous continuerons l'année prochaine sur ce mode là. Visiblement, les stages de chant ont été encore complets très rapidement. Il y avait un cours avec Alicia Gil en débutant et un cours intermédiaire avec Jesus Mendez. Nous allons faire un bilan et réfléchir mais, d'après les premiers échos, il se pourrait que nous ouvrions une classe supplémentaire de chant. Il y aura surement une classe de piano, l'année prochaine. C'est la petite surprise du 25 ème, mais on n'en parlera lorsque ce sera le moment d'en parler. Ce sont des projets qui sont en cours pour pouvoir améliorer l'accueil des stagiaires, pour répondre à une demande. Il y a un questionnaire qui est proposé chaque année aux stagiaires qui permet d'évaluer les résultats de cette année et de tenir compte des propositions des stagiaires, pour l'année prochaine. Nous allons analyser ces questionnaires et faire en sorte qu'il y ait des réponses aux attentes des stagiaires.

- Concernant la programmation de l'année prochaine, quelles sont les caractéristiques principales de cette prochaine édition?

- Je prévois un festival exceptionnel avec des rencontres au sommet...

- Nous serons très heureux de découvrir cette nouvelle programmation. Merci énormément pour ce Festival qui été une très grande réussite.

- Merci à vous d'avoir été là, comme toujours, pour votre fidèle amitié et confiance et à l'année prochaine.

 

Reportage sur la 24 ème édition du Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan: prochainement en ligne