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Interview de Manuel Delgado

 réalisée par  Isabelle Jacq Gamboena

à Paris,  en octobre 2014

 

Manuel Delgado en concert, pour la sortie de son album "Bellamar",  le 20 novembre 2014 à 20h30, au Studio de l'Ermitage, à Paris

Depuis plusieurs années que nous suivons la carrière artistique du talentueux guitariste Manuel Delgado, nous attendions avec impatience la sortie d'un album à son nom. C'est chose faite avec "Bellamar", le magnifique opus que Manuel a enregistré en 2013 et qui sort très prochainement dans les bacs. Après avoir écouté en boucle cet album Flamenco qui diffuse une ambiance musicale chaleureuse et intimiste, où  mélancolie et douceur de vivre se mêlent avec raffinement aux senteurs ibériques et marines, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous avons retrouvé Manuel dans un café parisien pour un entretien qu'il nous a accordé et dont nous vous restituons le contenu:  

 

- Manuel Delgado, tu viens d’enregistrer « Bellamar », un premier album à ton nom. Pourrais-tu nous parler des autres albums que tu as faits avant celui-ci ?

- Les albums les plus importants que j’ai faits avant celui-ci, sont des albums dans lesquels j’ai participé en tant que compositeur. J’ai fait beaucoup de participations en tant que guitariste ou des arrangements dans d’autres projets. En tant que compositeur, j’ai fait trois albums : « Azucena » (1998), « Crossing Roots », album que j’ai enregistré  en Inde avec un duo de guitares avec le guitariste Ralph Siedhoff. En 2011, nous avons enregistré un autre album intitulé « Soleado. » Nous avions rajouté un percussionniste. Cela m’a apporté des expériences discographiques en tant que compositeur.

- Ton nouvel album « Bellamar » a été enregistré en 2013. Quelle est sa date de sortie ?

- La sortie officielle dans les bacs est le 3 novembre prochain. Il y a déjà un lien vers la sortie numérique: https://itunes.apple.com/album/bellamar/id923004594

- Qu’est-ce qui est à l’origine de cet album et qu’est-ce qui a motivé la création de ce disque ?

- L’idée de cet album a émergé comme une évidence. Tant que l’on ne ressent pas cette évidence, on ne pense pas à enregistrer un album. Moi, j’ai toujours aimé composer. J’ai fait beaucoup de morceaux, quelques thèmes ont un certain temps, mais je les modifie toujours un petit peu. D’autres morceaux sont plus récents. A un moment donné, cela semblait évident que j’avais le matériel pour faire un album à mon nom, dans lequel je reflète mon univers musical au travers du Flamenco.

- Cet album, comment a-t-il été produit ?

- Je suis très fier d’avoir réussi à convaincre plusieurs sociétés qui investissent régulièrement dans les enregistrements. J'en suis extrêmement content. En effet, l’Adami et l’SCPP m’ont aidé financièrement. Il faut dire aussi que j’ai eu l’aide financière d’Audiens. Tout cela a permis la réalisation de cet album. En fait, c’est une autoproduction avec des subventions qui m’ont permis de faire les choses correctement. Il y a eu aussi une partie d’investissement personnel car,  faire un album, cela coute cher, mais je suis très content d’avoir bénéficié de l'aide précieuse de ces entités françaises qui ont apprécié et décidé que cet objet en valait la peine.  

- Le titre « Bellamar », que signifie-t-il ?

- Bellamar, c’est une forme poétique qui fait référence à la mer, à l’eau, à la méditerranée, en fait. Je suis de Barcelone. La présence de la mer a été quelque chose de fondamental, pour moi, dans mon enfance, et même maintenant, aujourd’hui. Donc, Bellamar, c’est une façon de dire que l’eau, la Méditerranée, elle est belle. Cela va au-delà d’un concept esthétique. Bellamar c’est quelque chose de presque philosophique.

- Tu dédicaces ce disque à tes grands-parents, n’est ce pas ?

- Oui, il y a une composition que je dédie à mon grand-père, car mon grand-père c’était un vrai minier d’Almeria, dans les années 30. C’était son métier. J’ai entendu parler de lui toute ma vie. Il est décédé pendant la guerre, en luttant contre les troupes de Franco et donc, cette image de mon grand-père a été extrêmement forte pour moi, bien que je ne l’ai pas connu. J’ai composé une Taranta, style de las Minas, de la région d’Almeria. Pour moi, c’était un acte très important de pouvoir dédier cela à mon grand-père, mais aussi à toute ma famille parce que, finalement, quand on fait des compositions personnelles, même si c’est dans le monde du Flamenco, c’est quand-même quelque chose d’intime, de très lié à mon vécu, à ma famille, à mes origines de Barcelone, de l’Espagne.

-Dans cet album, il y a 10 thèmes constituées de divers palos dont plusieurs Bulerias, n’est-ce pas ?

- Effectivement, il y a trois Bulerias et une Solea por Buleria. Ces Bulerias sont très différentes les unes des autres. Les idées musicales sont aussi très différentes. La « Solea por Buleria », dans cet album est très « flamenca », grâce à la participation fantastique du chanteur Alberto Garcia. 

- C’est un album qui, dans l’ensemble, est très ancré dans la structure du Flamenco…

- Oui, c’est quelque chose que j’ai voulu, que ce soit un disque de Flamenco et forcément, aujourd’hui, quand on fait un disque de Flamenco, on est presque obligé de faire un pont entre ce qui est traditionnel et ce qui est moderne. Si l’on fait un disque purement traditionnel, cela ne correspond pas à mon état d’esprit.  Si je fais un disque purement moderne, cela ne correspond pas non plus. Donc, l’objectif, c’est d’arriver à trouver le lien entre la tradition et la modernité.

- Dans le choix des musiciens et des instruments, tu as crée une sorte de contemporanéité et surtout, une belle originalité, déjà par l’utilisation du bandonéon, du basson et du violon. Comment t’es venue l’idée d’intégrer ces instruments dans ta musique ?

- Ces choix étaient extrêmement naturels. Je dirais qu’ils n’ont pas été cherchés, mais qu’ils ont été trouvés… ce qui n’est pas pareil ! Je les ai trouvés dans des concerts, dans mes expériences dans les autres formations. La musicienne qui jour du bandonéon, c’est ma fille. Donc, là, c’était plus que trouvé ! Je n’ai donc pas cherché à faire un truc spécial. J’ai trouvé des choses et je les ai utilisées.

- Pourrais-tu nous expliquer un à un les thèmes qui constituent l’album, « Barrio La Paz », le premier thème, par exemple ?

- « Barrio La Paz », c’est tout simplement le quartier où j’habitais à Barcelone, avec mes parents, pendant mon enfance. C’était donc un clin d’œil au quartier de Barcelone, dans lequel j’ai vécu. Le deuxième thème c’est « Dame Pinga. » C’est un Tango, morceau qui évoque ce que j’ai vécu au Brésil, lors des tournées que j’ai faites avec différentes formations. La Pinga c’est la Cachaza, et je trouvais que c’était évocateur d’une certaine joie. Pour le Tango, cela tombait très bien. Après, il y a « El Rompido », un Fandango. J’ai choisi cela car une de mes premières visites en Andalousie a été dans la province de Huelva. Là, j’ai connu cette magnifique plage qui s’appelle « El Rompido. » Ce thème se réfère à ce lieu.  J’ai voulu rendre hommage aux sensations que j’ai eu le jour où j’ai découvert ce village et cette plage. Le thème suivant, c’est « Barna Querida. » C’est encore une allusion à Barcelone parce que nous, à Barcelone, on dit « Barna », quand on parle de notre ville. C’est un truc très connu là bas. « Barna Querida », c’est donc « Barcelona Querida. » Après, il y a « Herrerias. » C’est le nom du petit village situé dans la province d’Almeria, village dans lequel ma mère est née et où elle a passé son enfance. C’est un village entièrement minier, même encore aujourd’hui. C’est un village incroyable ! « Madera Flamenca », c’est le thème le plus traditionnel de l’album.. C’est une Solea por Buleria, avec le chant d’Alberto Garcia. Le terme « Madera » fait allusion à quelque chose de très profond, de très classique. Après, il y a « Manantial. » C’est un Tanguillo que j’ai composé il y a longtemps, que j’ai fait évoluer et qui a trouvé un aboutissement avec l’intervention du bandonéon et du basson. Le Tanguillo est un style joyeux, à la base. Manantial, ça fait référence à un texte qui accompagne ce morceau qui n’est pas inclus dans l’album. Dans ce texte, on parle justement d’une source d’eau, d’une source pure d’inspiration. Le thème suivant, c’est « Enigma. » C’est le seul morceau de l’album dont on ne peut lui attribuer une forme Flamenca. C’est une espèce de déclinaison harmonique dans laquelle, en fait,  j’introduis « Latidos », le thème qui suit. « Latidos », c’est une Buleria très importante pour moi. « Latidos » signifie « Battements du cœur. » Ce thème, je l’ai fait beaucoup évoluer avant l’enregistrement car je voulais donner une place particulière au violon. Après, il y a « Padentro », une Solea, plus Flamenco qui puisse y avoir. « Padentro » signifie « vers dedans », « à l’intérieur. » C’est tout à fait dans l’esprit de la Solea.

- Dans cet album, l’ambiance est intimiste et chaleureuse. Dans ta manière de jouer de la guitare et d’exprimer le Flamenco, il y a quelque chose de très émouvant. Pourrais-tu nous parler de ta vision du Flamenco. A-t-elle changée depuis que tu as enregistré cet album ?

- Le Flamenco, pour moi, c’est une histoire sans fin. A chaque moment, on ressent le besoin d’une évolution car il y a une tradition très forte, derrière. Actuellement, nous percevons des artistes et des musiciens Flamencos extraordinaires, dans cette génération. Chaque fois, cela m’incite à aller toujours plus loin. L’évolution n’a pas de fin. La seule chose dont on est obligé, qu’and on enregistre un album, c’est de donner une forme définitive, qui ne le restera pas, par la suite. En tant que guitariste Flamenco, mon évolution consiste d’être toujours  en recherche d’autre chose. Cet album me permet aussi de faire le point et de tourner une page.

- Parle-nous, s’il te plait, des musiciens que tu as réunis pour l’enregistrement de ce disque et des raisons pour lesquelles tu les as choisis…

- Je les ai choisis car ils ont été enthousiastes lorsque je les ai sollicités et qu’ils aiment jouer dans ce projet. On doit mettre en avant Stephen Bedrossian qui m’a épaulé dans ce projet, qui m’a toujours soutenu et qui a cru, dès le départ, à cet album. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble à répéter et à trouver des choses. Pourtant, ce n’était pas évident au début, avec la contrebasse. Nous avons trouvé des choses très intéressantes, avec lui. Notre collaboration va sans doute continuer, dans les prochaines années. Il y a aussi Cedric Diot, qui est un excellent percussionniste et aussi guitariste. Il s’est donné de tout son cœur dans ce projet. Quant au chanteur Alberto Garcia, j’ai une véritable admiration pour lui et je suis heureux qu’il soit présent dans cet enregistrement. Il y a aussi ma fille Carmela. C’est une satisfaction énorme pour moi de l’inclure dans cet album. Mais il a fallu beaucoup travailler. Il est vrai que je compose pour la guitare mais je suis loin d’être un compositeur au sens « noble » du terme. J’ai du faire une expérience empirique avec les instruments pour arriver à composer une musique qui me plaise. Donc, avec Carmela, il a fallu chercher le lien et même si c’est ma fille, cela n’a pas été évident. Sophie Bernado, c’est une trouvaille. En effet, trouver quelqu’un qui joue d’un instrument aussi classique que le basson et qui arrive à lui donner des accents aussi improvisateurs et aussi inspirés, c’est exceptionnel ! Cette musicienne a une manière  de jouer du basson d’une manière extrêmement créative et inspirée en même temps. Elle est issue d’une école classique, ce qui fait qu’elle a une perfection dans le son, une musicalité extraordinaire. Il y a aussi Zied Zouari. J’adore sa manière de jouer du violon ! Il est très inspiré et il a une capacité d’improvisation hors du commun tout en gardant une véritable rigueur. C’est donc un excellent violoniste ! Il faut dire aussi que tous les artistes qui sont là, dans cet album, ce sont des gens avec lesquels je me sens à l’aise dans les enregistrements, dans les concerts, quand on est en tournée. L’aspect humain, c’est important! Nous savons que nous pouvons aller partout ensemble et que cela se passera toujours bien, entre nous aussi. Il y a aussi un autre musicien que je souhaite signaler : il s’agit de Dani Barba. C’est un excellent guitariste de Flamenco qui m’a fait le plaisir de venir jouer des palmas. Les palmas, c’est plus difficile que cela puisse paraitre et c’est important dans le Flamenco. Dani  est un guitariste d’Arcos de la Frontera (Cadiz, Espagne). J’adore sa manière de jouer, d’ailleurs nous jouons ensemble dans d’autres projets. Je suis sure qu’on entendra parler de lui dans les prochaines années. Il est donc venu avec toute sa générosité pour nous accompagner aux palmas.

 - Quelles sont les prochaines dates de concert pour présenter cet album au public ?

- La date importante, c’est le 20 novembre prochain  á 20h30 au Studio de l’Ermitage, à Paris 20ème. Lors de ce concert, il y aura tous les artistes qui ont participé à l’enregistrement de l’album. Il y aura aussi la participation de 2 chanteurs : Alberto Garcia et Cécile Evrot et d’une danseuse et pas des moindres puisqu'il s'agit d' Alejandra Gonzalez... 

- En effet ! Merci beaucoup Manuel pour ton magnifique album et à très bientôt !

 

Site de Manuel Delgado :  www.manuel-delgado.com

Album Bellamar disponible en prévente sur ITUNES : https://itunes.apple.com/album/bellamar/id923004594