Danseur
né à Madrid, au sein d’une famille gitane d’artistes, José Maya
est un virtuose de la danse flamenca et, en quelques années, il
est devenu l'un des meilleurs représentants de cet art. Nous
avons eu l'immense bonheur de le voir danser sur les
prestigieuses scènes parisiennes, à plusieurs reprises et, à
chaque fois, son talent et sa force explosive nous ont
totalement impressionnés. En pleine préparation de son
nouveau spectacle "Latent", José Maya nous a accordé une
interview dans laquelle il nous parle avec émotion et
enthousiasme de cette nouvelle création qu'il présentera au
public parisien les 16 et 17 mai prochains, au Théâtre "Le
Palace", à Paris:
- José Maya, tu es considéré à juste titre comme étant l'un des
meilleurs danseurs de la scène Flamenca actuelle, ce qui
explique aussi tes nombreuses collaborations avec de grands
artistes et tes tour nées dans le monde entier. Pourrais-tu
nous retracer les grandes lignes de ta carrière artistique?
- J'ai eu beaucoup de chance car, depuis tout jeune,
j'ai pu travailler avec des grands artistes Flamencos. A 12
ans, je faisais déjà partie de la compagnie d'El Guĭto et de
Manolete. A 14 ans, j'ai travaillé dans la compagnie de
Manuela Carrasco, puis j'ai participé au spectacle "Raiz"
d'Antonio Canales. J'ai travaillé aussi avec Israel Galvan,
Carmen Cortes, Juana Amaya. J'ai travaillé avec Tomatito, pendant 5 ans et nous avons parcouru le monde
entier. C'est un guitariste génial. Avec lui, j'ai beaucoup
appris sur le Flamenco et sur la vie en général. J'ai eu
d'autres belles collaborations comme celle avec Tony Gatlif,
cinéaste et réalisateur qui m'a engagé pour danser dans son
film "Vertiges". J'ai beaucoup appris, avec lui aussi. Il y
a eu aussi ma collaboration avec Lola Greco, l'une des
danseuses qui m'inspire le plus dans mon univers et qui est
donc l'une de mes muses. De plus, J'ai eu la chance d'être en
contact avec d'autres grands artistes Flamencos. En tant
qu'artiste, nous nous nourrissons chaque jour de rencontres
et d'échanges; je peux dire que j'ai la chance d'être
toujours entouré de personnes qui m'inspirent; ce qui me
permet de grandir et de garder un bel enthousiasme dans mon
travail.
- Tu résides depuis quelques années à Paris, ville où tu
enseignes le Flamenco. Que souhaiterais-tu nous dire sur ta
vie, à Paris?
- J'ai toujours été très attaché à Paris... j'aime
beaucoup cette ville. Elle est merveilleuse et la vie
culturelle y est intense. C'est une ville fantastique pour
la culture, pour la danse et pour l'art, en général. Cela
fait bientôt 3 ans que je vis à Paris. Vivre dans cette ville me
donne aussi la possibilité d'avoir mon espace pour développer mes idées, pour pouvoir
réfléchir sur mon art, élaborer et concrétiser mes projets.
Paris m'inspire dans mon univers personnel. De plus,
je connais beaucoup de grands artistes, ici. Cela me permet
d'apprendre et d'être connecté à cette ville.
- Tu enseignes la danse à Paris, au sein de l'association
"La Rose Flamenca". Pourrais-tu nous parler de cette
association et de Cristina Magdalena, sa directrice
artistique?
- Ma rencontre avec Cristina Magdalena est une belle
histoire. Il y a quelques années, je dansais au Festival de
Chaillot, dans un spectacle avec Tomatito. Cristina
Magdalena avait vu le spectacle. A l'issue du spectacle et à
la sortie du Théâtre, nous avons discuté ensemble sur l'art
en général, sur la culture, sur le Flamenco et tandis qu'on
parlait, l'idée lui est venue de me proposer une
collaboration dans un projet qui consistait à me produire
sur scène et à monter une école dans laquelle il y aurait
des cours de danse. J'étais très enthousiaste sur ce projet;
nous l' avons donc concrétisé et je peux dire que jusque là,
nous avons atteint notre objectif: constituer une famille
Flamenca importante au sein de notre association dans
laquelle je donne des cours. Les élèves ont beaucoup de
discipline et de passion pour le Flamenco. Nous apprécions
la vitesse à laquelle les élèves progressent. C'est
merveilleux de pouvoir transmettre et partager tout ce que
je ressens et tout ce que j'ai appris depuis mon plus jeune
âge!
- Tu vas te produire prochainement dans un théâtre, à Paris,
avec ton nouveau spectacle nommé "Latent". Pourrais-tu nous
parler cette nouvelle création?
- En effet, je vais présenter mon nouveau spectacle au
Théâtre "Le Palace", les 16 et 17 mai prochains. C'est la
première représentation que je fais à Paris. Auparavant,
j'avais présenté d'autres spectacles à Madrid et en Europe.
Le premier fut "El velero de las rosas" où je dansais aux
cotés de Lola Greco. Par la suite, j'ai crée "Al natural",
un spectacle avec Farruco, puis "Grito", avec le danseur
Alfonso Losa. "Grito", nous l'avons présenté à la biennale
de Séville. Cette fois-ci, je présente "La tent", ma nouvelle
création.
- Pourquoi as-tu choisi ce titre pour ton spectacle?
- "Latent" signifie quelque chose qui est caché mais qui est
susceptible d'apparaitre, de se manifester à un moment
donné. Cette chose, c'est mon propre instinct; c'est aussi
l'essence de mon être dans laquelle se conserve l'état le
plus pur, cette essence qui se réveille et surgit d'une
manière inconsciente quand je danse.
-Qui
sont les artistes qui t'accompagnent dans cette merveilleuse
aventure?
- J'ai la joie de
pouvoir présenter mon spectacle dans ce théâtre mythique
qu'est "Le Palace". De plus, j'ai la chance de pouvoir
compter sur la collaboration de Juana La del Pipa.
Dans cette création, son rôle est d'incarner l'âme, ce qui
m'inspire et ce qui me fait exprimer mon essence intime. Son
chant directement relié à l'esprit ancestral me met en
contact avec mes racines profondes, au fur et à mesure que
je danse. Le chant est l'élément fondamental car c'est
la base du Flamenco. Sans le cante, on ne pourrait
parler de Flamenco. Je suis un grand aficionado à la
présence simultanée du cante et de la danse. Dans ce
spectacle, c'est un privilège de pouvoir compter sur la
présence de Juana la del Pipa qui est l'une des chanteuses
les plus importantes et l'une des plus emblématiques de
Jerez. A la guitare, il y aura El Perla. Ce guitariste a
joué avec les plus grands bailaores. Je compte aussi
sur la participation de Rubio de Pruna, chanteur qui a
participé à la dernière tournée de Paco de Lucia. Aux
percussions, il y aura Lucky Losada et aux palmas, il y aura un ami, du monde de ceux
qui m'inspirent, de ceux qui sont très Flamencos et qui sont
issus de l'art Flamenco de la rue. J'ai donc le bonheur de
réunir un groupe d'artistes qui m'inspirent et qui me font
baigner dans cette ambiance Flamenca qui
m'enthousiasme et qui fait me lever chaque matin.
- Comment exprimes-tu tes racines gitanes dans ton
baile?
- Je pense que le Flamenco est universel. Le Flamenco est
relié à un esprit ancestral qui existe depuis le début de la
création et qui est à l'intérieur de nous. C'est un esprit
qui vient des profondeurs de la terre et qui surgit pas
seulement chez les Gitans, mais chez les êtres
humains en général, quels que soient leurs origines, quel que soit le
lieu ou l'endroit où nous sommes connectés à cette même
énergie. Il n'existe pas
un "Flamenco Gitan" à différencier d' un Flamenco "non
Gitan". Pour moi, le Flamenco c'est Le Flamenco qui existe
depuis toujours, c'est celui qui m'inspire et qui est
incarné à différentes époques par tant de grands artistes
comme la Niña de los Peines, Tomas Pavon, Chocolate, La
Fernanda, La Bernarda, Terremoto, Borrico et leur
prédécesseurs comme El Filo, El Planeta,... Avec tous ces
artistes, nous pouvons parler d'Un Flamenco.
- Quel regard portes-tu
sur le Flamenco, tel qu'il est vécu actuellement par les
jeunes artistes et quels c onseils
leur donnerais-tu ?
- Nous, les jeunes, nous sommes très bien
préparés techniquement. Nous avons acquis beaucoup de
connaissances, mais une des choses auxquelles nous devons
accorder le plus d'importance, c'est l'origine des choses,
savoir et se rappeler d'où elles viennent. A mon avis, on
peut bouleverser les codes, si on le souhaite, seulement
quand on a acquis ces connaissances. Croire qu'il existe un
Flamenco jeune , moderne, contemporain est un leurre. Il
n'existe qu'un seul et unique Flamenco. Le Flamenco est un
esprit qui surgit et qui se rappelle de toi. Mais, cet
esprit, pour qu'il nous inspire, nous devons être connecté à
la source originelle d'où émane le chant d'El Chaqueta, de
la Perla de Cadiz, de la Niña de Los Peines. Actuellement,
on n'accorde pas assez d'importance à cela et pourtant,
c'est fondamental! Nous pouvons faire une analogie avec
l'art de Picasso. Picasso était un peintre figuratif
impressionnant, tout autant que Velasquez. Par la suite,
dans sa manière de peindre, il a rompu avec les codes
classiques, mais il avait des connaissances, des bases pour
pouvoir se permettre d'agir ainsi. Pour revenir au Flamenco,
j'insiste sur le fait qu'on ne peut créer un nouveau
langage, renouveler le Flamenco, sans avoir acquis des
connaissances véritables.
- Quel est ton secret pour
te connecter à cette source originelle?
- C'est une aficion qui nait en moi au
travers de ma famille, de mon sang. Je ne sais pas vraiment
d'où cela provient, mais, en ce qui me concerne, dès mon
plus jeune âge, j'ai toujours beaucoup aimé écouter le chant
des anciens cantaores. C'est celui qui me plait le
plus. Le chant moderne, je ne sais pas ce que cela signifie.
On peut dire qu'il s'agit d'une voix jeune qui chante, mais
les racines, il ne faut pas les perdre.
- Quelle place vas-tu
accorder au cante dans ton spectacle? comment vas-tu
intégrer la danse par rapport au cante?
- Ce spectacle est une création personnelle.
Il représente un trajet intime et, comme suis en perpétuelle
recherche avec moi-même, la société et la vie que je mène
influencent nécessairement ma danse. J'essaye de trouver
quelque chose au travers de ma danse quand surgit cet esprit
que Juana la del Pipa ou Rubio de Pruna me font rencontrer.
Il s'agit de mes racines les plus intimes, les plus
profondes, celles qui me font me mouvoir dans le Flamenco de
toujours. C'est quelque chose de très simple mais aussi de
très intéressant car être dirigé par le cante de ces
artistes, cela fait bouger beaucoup de choses en moi.
J'essaye de trouver mon autre moi-même; c'est ma façon de me
sentir libre.
- Quelle sera la part
d'improvisation dans ce spectacle?
- Comme c'est une création dans laquelle je
recherche la source de mon inspiration, je fais beaucoup
d'improvisation car le Flamenco est avant tout basé sur
l'inspiration. J'ai une structure montée sur laquelle je
m'appuie et qui laisse beaucoup de place à l'improvisation
car c'est là où je me sens le mieux. Pour pouvoir danser
selon mon inspiration, j'ai besoin d'être entouré par de
très bons artistes, et c'est le cas aussi dans cette
nouvelle création. Je danserai por seguiriya, Solea, Buleria
ancienne avec Juana la Del Pipa. Il y aura aussi des parties
rythmiques.
- Juana va-t-elle danser
aussi avec toi?
- Oui, c'est possible car avec elle, tout est
possible. Tout peut surgir à tout moment d'autant plus
qu'elle danse aussi très bien. Sa mère dansait déjà
magnifiquement. Elle était impressionnante.
- Aurais-tu un
commentaire à rajouter au sujet de spectacle?
- ... Je suis très
content de pouvoir présenter ce spectacle à Paris devant
tous les aficionados qui sont toujours connectés au Flamenco
traditionnel ou moderne...
- Merci José, le
rendez-vous est pris et nous y serons aussi. A très bientôt!

Site web de l'association L'association "La Rose Flamenca":
http://www.laroseflamenca.com
________________________________________
|