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Interview de José Maya

réalisée par Isabelle Jacq Gamboena

 à Paris, en avril 2104

 

 

 

Danseur né à Madrid, au sein d’une famille gitane d’artistes, José Maya est un virtuose de la danse flamenca et, en quelques années, il est devenu l'un des meilleurs représentants de cet art. Nous avons eu l'immense bonheur de le voir danser sur les prestigieuses scènes parisiennes, à plusieurs reprises et, à chaque fois, son talent et sa force explosive nous ont totalement impressionnés. En pleine préparation de  son nouveau spectacle "Latent", José Maya nous a accordé une interview dans laquelle il nous parle avec émotion et enthousiasme de cette nouvelle création qu'il présentera au public parisien les 16 et 17 mai prochains, au Théâtre "Le Palace", à Paris:

 

- José Maya, tu es considéré à juste titre comme étant l'un des meilleurs danseurs de la scène Flamenca actuelle, ce qui explique aussi tes nombreuses collaborations avec de grands artistes et tes tournées dans le monde entier. Pourrais-tu nous retracer les grandes lignes de ta carrière artistique?

-  J'ai eu beaucoup de chance car, depuis tout jeune, j'ai pu travailler avec des grands artistes Flamencos. A 12 ans, je faisais déjà partie de la compagnie d'El Guĭto et de Manolete. A 14 ans, j'ai travaillé dans la compagnie de Manuela Carrasco, puis j'ai participé au spectacle "Raiz" d'Antonio Canales. J'ai travaillé aussi avec Israel Galvan, Carmen Cortes, Juana Amaya. J'ai travaillé avec  Tomatito, pendant 5 ans et nous avons parcouru le monde entier. C'est un guitariste génial. Avec lui, j'ai beaucoup appris sur le Flamenco et sur la vie en général. J'ai eu d'autres belles collaborations comme celle avec Tony Gatlif, cinéaste et réalisateur qui m'a engagé pour danser dans son film "Vertiges". J'ai beaucoup appris, avec lui aussi. Il y a eu aussi ma collaboration avec Lola Greco, l'une des danseuses qui m'inspire le plus dans mon univers et qui est donc l'une de mes muses. De plus, J'ai eu la chance d'être en contact avec d'autres grands artistes Flamencos. En tant qu'artiste, nous nous nourrissons chaque jour de rencontres et d'échanges; je peux dire que j'ai la chance d'être toujours entouré de personnes qui m'inspirent; ce qui me permet de grandir et de garder un bel enthousiasme dans mon travail.

- Tu résides depuis quelques années à Paris, ville où tu enseignes le Flamenco. Que souhaiterais-tu nous dire sur ta vie, à Paris?

- J'ai toujours été très attaché à  Paris... j'aime beaucoup cette ville. Elle est merveilleuse et la vie culturelle y est intense. C'est une ville fantastique pour la culture, pour la danse et pour l'art, en général. Cela fait bientôt 3 ans que je vis à Paris. Vivre dans cette ville me donne aussi la possibilité d'avoir mon espace pour développer mes idées, pour pouvoir réfléchir sur mon art, élaborer et concrétiser mes projets. Paris m'inspire dans mon univers personnel. De plus, je connais beaucoup de grands artistes, ici. Cela me permet d'apprendre et d'être connecté à cette ville.

- Tu enseignes la danse à Paris, au sein de l'association "La Rose Flamenca". Pourrais-tu nous parler  de cette association et de Cristina Magdalena, sa directrice artistique?

- Ma rencontre avec Cristina Magdalena est une belle histoire. Il y a quelques années, je dansais au Festival de Chaillot, dans un spectacle avec Tomatito. Cristina Magdalena avait vu le spectacle. A l'issue du spectacle et à la sortie du Théâtre, nous avons discuté ensemble sur l'art en général, sur la culture, sur le Flamenco et tandis qu'on parlait,  l'idée lui est venue de me proposer une collaboration dans un projet qui consistait à me produire sur scène et à monter une école dans laquelle il y aurait des cours de danse. J'étais très enthousiaste sur ce projet;  nous l' avons donc concrétisé et je peux dire que jusque là, nous avons atteint notre objectif: constituer une famille Flamenca importante au sein de notre association dans laquelle je donne des cours. Les élèves ont beaucoup de discipline et de passion pour le Flamenco. Nous apprécions la vitesse à laquelle les élèves progressent. C'est merveilleux de pouvoir transmettre et partager tout ce que je ressens et tout ce que j'ai appris depuis mon plus jeune âge!

- Tu vas te produire prochainement dans un théâtre, à Paris, avec ton nouveau spectacle nommé "Latent". Pourrais-tu nous parler cette nouvelle création?

- En effet, je vais présenter mon nouveau spectacle au Théâtre "Le Palace", les 16 et 17 mai prochains. C'est la première représentation que je fais à Paris. Auparavant, j'avais présenté d'autres spectacles à Madrid et en Europe. Le premier fut "El velero de las rosas" où je dansais aux cotés de Lola Greco. Par la suite, j'ai crée "Al natural", un spectacle avec Farruco, puis "Grito", avec le danseur Alfonso Losa. "Grito", nous l'avons présenté à la biennale de Séville. Cette fois-ci, je présente "Latent", ma nouvelle création.

- Pourquoi as-tu choisi ce titre pour ton spectacle?

- "Latent" signifie quelque chose qui est caché mais qui est susceptible d'apparaitre, de se manifester à un moment donné. Cette chose, c'est mon propre instinct; c'est aussi l'essence de mon être dans laquelle se conserve l'état le plus pur, cette essence qui se réveille et surgit d'une manière inconsciente quand je danse. 

-Qui sont les artistes qui t'accompagnent dans cette merveilleuse aventure?

 - J'ai la joie de pouvoir présenter mon spectacle dans ce théâtre mythique qu'est "Le Palace". De plus, j'ai la chance de pouvoir compter sur la collaboration de Juana La del Pipa.  Dans cette création, son rôle est d'incarner l'âme, ce qui m'inspire et ce qui me fait exprimer mon essence intime. Son chant directement relié à l'esprit ancestral me met en contact avec mes racines profondes, au fur et à mesure que je danse.  Le chant est l'élément fondamental car c'est la base du Flamenco. Sans le cante, on ne pourrait parler de Flamenco. Je suis un grand aficionado à la présence simultanée du cante et de la danse. Dans ce spectacle, c'est un privilège de pouvoir compter sur la présence de Juana la del Pipa qui est l'une des chanteuses les plus importantes et l'une des plus emblématiques de Jerez. A la guitare, il y aura El Perla. Ce guitariste a joué avec les plus grands bailaores. Je compte aussi sur la participation de Rubio de Pruna, chanteur qui a participé à la dernière tournée de Paco de Lucia. Aux percussions, il y aura Lucky Losada et aux palmas, il y aura un ami, du monde de ceux qui m'inspirent, de ceux qui sont très Flamencos et qui sont issus de l'art Flamenco de la rue. J'ai donc le bonheur de réunir un groupe d'artistes qui m'inspirent et qui me font baigner dans  cette ambiance Flamenca qui m'enthousiasme et qui fait me lever chaque matin.

- Comment exprimes-tu tes racines gitanes dans ton baile?

- Je pense que le Flamenco est universel. Le Flamenco est relié à un esprit ancestral qui existe depuis le début de la création et qui est à l'intérieur de nous. C'est un esprit qui vient des profondeurs de la terre et qui surgit pas seulement chez les Gitans, mais chez les êtres humains en général, quels que soient leurs origines, quel que soit le lieu ou l'endroit où nous sommes connectés à cette même énergie. Il n'existe pas un "Flamenco Gitan" à différencier d' un Flamenco "non Gitan". Pour moi, le Flamenco c'est Le Flamenco qui existe depuis toujours, c'est celui qui m'inspire et qui est incarné à différentes époques par tant de grands artistes comme la Niña de los Peines, Tomas Pavon, Chocolate, La Fernanda, La Bernarda, Terremoto, Borrico et leur prédécesseurs comme El Filo, El Planeta,... Avec tous ces artistes, nous pouvons parler d'Un Flamenco.

- Quel regard portes-tu sur le Flamenco, tel qu'il est vécu actuellement par les jeunes artistes et quels conseils leur donnerais-tu ?

- Nous, les jeunes, nous sommes très bien préparés techniquement. Nous avons acquis beaucoup de connaissances, mais une des choses auxquelles nous devons accorder le plus d'importance, c'est l'origine des choses, savoir et se rappeler d'où elles viennent. A mon avis, on peut bouleverser les codes, si on le souhaite, seulement quand on a acquis ces connaissances. Croire qu'il existe un Flamenco jeune , moderne, contemporain est un leurre. Il n'existe qu'un seul et unique Flamenco. Le Flamenco est un esprit qui surgit et qui se rappelle de toi. Mais, cet esprit, pour qu'il nous inspire, nous devons être connecté à la source originelle d'où émane le chant d'El Chaqueta, de la Perla de Cadiz, de la Niña de Los Peines. Actuellement, on n'accorde pas assez d'importance à cela et pourtant, c'est fondamental! Nous pouvons faire une analogie avec l'art de Picasso. Picasso était un peintre figuratif impressionnant, tout autant que Velasquez. Par la suite, dans sa manière de peindre, il a rompu avec les codes classiques, mais il avait des connaissances, des bases pour pouvoir se permettre d'agir ainsi. Pour revenir au Flamenco, j'insiste sur le fait qu'on ne peut créer un nouveau langage, renouveler le Flamenco, sans avoir acquis des connaissances véritables.

- Quel est ton secret pour te connecter à cette source originelle?

- C'est une aficion qui nait en moi au travers de ma famille, de mon sang. Je ne sais pas vraiment d'où cela provient, mais, en ce qui me concerne, dès mon plus jeune âge, j'ai toujours beaucoup aimé écouter le chant des anciens cantaores. C'est celui qui me plait le plus. Le chant moderne, je ne sais pas ce que cela signifie. On peut dire qu'il s'agit d'une voix jeune qui chante, mais les racines, il ne faut pas les perdre.

- Quelle place vas-tu accorder au cante dans ton spectacle? comment vas-tu intégrer la danse par rapport au cante?

- Ce spectacle est une création personnelle. Il représente un trajet intime et, comme suis en perpétuelle recherche avec moi-même, la société et la vie que je mène influencent nécessairement ma danse. J'essaye de trouver quelque chose au travers de ma danse quand surgit cet esprit que Juana la del Pipa ou Rubio de Pruna me font rencontrer. Il s'agit de mes racines les plus intimes, les plus profondes, celles qui me font me mouvoir dans le Flamenco de toujours. C'est quelque chose de très simple mais aussi de très intéressant car être dirigé par le cante de ces artistes, cela fait bouger beaucoup de choses en moi. J'essaye de trouver mon autre moi-même; c'est ma façon de me sentir libre.

- Quelle sera la part d'improvisation dans ce spectacle?

- Comme c'est une création dans laquelle je recherche la source de mon inspiration, je fais beaucoup d'improvisation car le Flamenco est avant tout basé sur l'inspiration. J'ai une structure montée sur laquelle je m'appuie et qui laisse beaucoup de place à l'improvisation car c'est là où je me sens le mieux. Pour pouvoir danser selon mon inspiration, j'ai besoin d'être entouré par de très bons artistes, et c'est le cas aussi dans cette nouvelle création. Je danserai por seguiriya, Solea, Buleria ancienne avec Juana la Del Pipa. Il y aura aussi des parties rythmiques.

- Juana va-t-elle danser aussi avec toi?

- Oui, c'est possible car avec elle, tout est possible. Tout peut surgir à tout moment d'autant plus qu'elle danse aussi très bien. Sa mère dansait déjà magnifiquement. Elle était impressionnante.

- Aurais-tu un commentaire à rajouter au sujet de spectacle?

- ... Je suis très content de pouvoir présenter ce spectacle à Paris devant tous les aficionados qui sont toujours connectés au Flamenco traditionnel ou moderne...

- Merci José, le rendez-vous est pris et nous y serons aussi. A très bientôt!

  Site web de l'association L'association "La Rose Flamenca": http://www.laroseflamenca.com

 

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