Jean-Louis Duzert, appelé
'Loulou' dans le mundillo, est une personnalité hors du
commun. Outre le
fait qu'il soit le photographe officiel du festival de Nîmes, il
fait aussi
partie intégrante du Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan. En effet, ce
monstre sacré de la photographie couvre chaque édition, et cela
depuis le début. Chaque année, nous le retrouvons avec autant de
plaisir car, au delà de son talent de photographe, sa personnalité
chaleureuse et joviale fait qu'il attire la sympathie de tous.
Lors de la 23ème édition d'Arte Flamenco, nous avons eu
l'immense plaisir de découvrir une exposition qui lui était
consacrée. En parallèle de cette exposition, un ouvrage intitulé
'Balada Flamenca' qui est paru lors de la 23ème édition du Festival Arte Flamenco et
qui regroupe un grand nombre de ses photographies, complétait
merveilleusement cette magnifique exposition. Tandis que nous
parcourions l'exposition aux côtés de Loulou qui nous commentait
chaque photo, nous étions subjugué par la qualité de son travail
et par l'aficion qui émanait de cet artiste. Il nous fit
aussi l'honneur de nous accorder l'entretien qui suit:
- Jean-Louis Duzert, comment
as-tu découvert le Flamenco?
- Pendant 38 ans j'étais reporter au
journal Sud-Ouest et j'ai découvert le Flamenco au cours de mes
nominations. J'ai été nommé photographe pour les Landes. Je
suis arrivé en 1988 à Mont de Marsan ; le premier festival
d'Arte Flamenco a été crée en 1989; au début, j'ai donc couvert
cet évènement pour le journal. J'avais arrêté de faire des
photos dans les années 2000 et c'est Patrick Bellito
qui m'a dit qu'il fallait que je me remette a la photo de
Flamenco. C'est ainsi que je me suis remis à cette activité.
- Quelles étaient tes premières
impressions sur le Flamenco, lorsque tu l'as découvert?
- Je suis rentré difficilement dans cet
art, la première année. La 2ème année, j'ai essayé de
comprendre, puis il y a eu des évènements, la fameuse soirée
avec Camaron qui m'a fait passer de l'autre côté de la barrière
et en particulier cette fameuse photo des mains de Camaron que
j'ai réalisée. Elle a été le
passeport pour entrer dans le monde du Flamenco. C'est grâce à
cette image qu'on connait Jean-Louis Duzert et lorsque le
public ouvre la porte de l'exposition, je l'entends dire: "C'est lui qui a fait la
photo des mains de Camaron".
- C'est une très belle ouverture...
- Oui, et lorsque j'ai fait cette photo,
je n'étais pas du tout conscient de la portée qu'elle aurait
dans ma carrière de photographe. J'avais réalisé cette photo car j'étais intrigué par le croissant de lune et l'étoile que
l'on voyait sur les mains de Camaron. Je me disais que je
regarderais cela de plus près avec l'agrandisseur. A partir de là, en 91,
92 et 93, j'ai exposé au Festival de Mont de Marsan. J'ai été
invité par la biennale de Séville qui avait vu mes photos pour
la Biennale de 94. Après 95, j'étais au Centre Andalou du
Flamenco à Jerez, au Centre Culturel de Lebrija, à l'Ambassade
de France à Madrid.
- Le contenu de l'exposition que tu fais
tourner est-il le même ou présentes-tu des photos différentes à
chaque fois?
- Cette exposition n'est pas figée. Le
principe et le module seront toujours celui-ci puisque c'est un
investissement de cadres, de conception, mais je vais rajouter
quelques photos à chaque festival.
- Pourquoi avoir choisi la 23 ème édition
pour exposer dans le cadre du Festival Arte Flamenco?
- François Boisdron, le Directeur de la
culture, m'avait dit, il y a 3 ans, qu'il aimerait réaliser un
projet avec moi, à Mont de Marsan, car j'ai commencé à
Mont de Marsan, que j'expose partout, à Nîmes, en Andalousie et
que depuis quelques années on ne voit rien de mon travail, ici.
Je lui ai répondu que je serais ravi de réaliser un projet ici,
lorsque je serai à la retraite, mais tant que je suis en
activité, c'est hors de question car je ne veux pas que l'on
fasse un amalgame entre mon boulot de journaliste et le conseil
Général. Lorsque le moment est arrivé il m'a demandé de lui
proposer mes idées. Je lui ai donc précisé que j'aimerais
réaliser un livre qui regroupe plusieurs de mes photos et
réaliser une exposition qui puisse voyager. Et c'est ce que nous
avons réalisé. L'exposition et le livre sont donc deux outils
qui vont circuler ensemble.
- Nous aimerions en savoir un peu plus sur
ce magnifique livre...
- Il est sorti en exclusivité pour Mont de
Marsan et il sera en sortie nationale au mois d'octobre. Il est
édité aux éditions IN8 et diffusé par Pollen en 3 langues: anglais, français,
espagnol.
- Outre tes superbes photos, nous
pouvons aussi découvrir des textes de Ludovic Pottier. Pourquoi
l'as-tu choisi pour écrire des textes?
- Ludovic Potier est un aficionado et un
enseignant qui anime une émission radio à Bordeaux qui s'appelle
'Falseta'. Comme je voulais mettre du texte et que les termes de
celui-ci soient exacts, j'ai pensé à lui car je le connais très
bien et il connait très bien le Flamenco.
- Quel est le concept de ce livre?
- Cet ouvrage est un cheminement complet à
travers le Flamenco. J'introduis aussi des fragments, des
portraits, à certains endroits.
- Dans ce livre, as-tu fait le
choix du 'tout numérique'?
- Au départ, je ne voulais mettre que des
photos numériques mais comme j'avais des images importantes en
argentique, j'ai essayé de les incorporer et cela a bien
fonctionné.
- Il en est de même pour l'exposition,
n'est-ce pas?
- Oui, dans cette exposition, il y a 1
quart de photos argentiques.
- La scénographie de l'exposition est
aussi très aboutie. Qui l'a réalisée?
- J'ai travaillé sur cet aspect avec l'équipe d'IN8, qui est un atelier de communication et qui est
aussi mon éditeur. Le Directeur de cet atelier est un ami; nous
avons imaginé ensemble tout le concept de l'exposition. Nous
avons choisi des cadres métalliques satinés, façon
bois. C'est de la digigraphie photographique, c'est à dire que
chaque photo est numérotée et que les tirages sont en nombre
restreint. Nous avons essayé de garder un peu le fil conducteur
et le mouvement du livre car celui-ci était déjà fini et nous
pouvions donc nous y référer.
- Pourquoi as-tu choisi de présenter tes
photos en noir et blanc?
- Actuellement, la vision que j'ai du Flamenco
est en noir et blanc. Je ne dis pas que le prochain travail ne
sera pas intitulé 'couleurs du Flamenco'; donc je n'affirme rien
de manière définitive, à ce sujet. Pour cette exposition,
nous avons travaillé toutes les images, les gammes de gris. Nous
allons du noir profond au gris le plus
clair jusqu'au blanc. C'est du très beau travail; de plus, le papier
que nous avons utilisé est un papier de haute qualité. Nous
avons rajouté une marge pour aérer la photographie et nous avons
choisi un cadre noir . J'ai choisi le format 50X70 cm dans les
deux sens; j'avais fait aussi du 40x100 cm pour quelques
triptyques car je souhaitais essayer des formats en hauteur.
Finalement, j'en ai mis 4 ou 5 en hauteur et cela s'intègre
magnifiquement à l'ensemble.
- Tu as rassemblé des photos d'époques
différentes et nous voyons beaucoup de grandes figures du
Flamenco, n'est-ce pas?
- Ils sont loin d'y être tous. Il y en a
davantage dans le livre; pour l'exposition, il a fallu se
restreindre.
- La danseuse Rocio Molina apparait dans
plusieurs photos. Y a-t-il une raison particulière à cela?
- En fait, Rocio Molina, c'est ma danseuse
fétiche. Je la trouve extraordinaire. J'ai suivi son parcours
artistique et vu tout ses spectacles; en 5 ans, j'ai été témoin
d'une
évolution remarquable dans sa danse. Elle est en train d'ouvrir
une palette très large sur le monde de la danse Flamenca tout en
sachant revenir à la tradition. J'ai donc voulu montrer
l'évolution des chorégraphies de cette danseuse. La photographie
et l'exposition, c'est l'esthétisme, la belle image et il se
trouve que c'est avec elle aussi que j'ai fait de très belles
images.
- Rocio Molina a-t-elle vu cette
exposition et les photos où elle est représentée?
- Oui, Rocio est venu et elle les a vues.
Elle était très heureuse. Hier, quand je suis arrivé, elle m'a
embrassé. Nous avons beaucoup communiqué ensemble. Ma démarche
artistique consiste à montrer l'artiste sur scène mais aussi
chez lui; cela me rapproche encore plus des artistes que je
photographie.
- Dans cette exposition, tu
n'oublies pas la tradition, n'est-ce
pas?
- Oui, bien sur. Pour moi, les
plus grandes danseuses du Flamenco traditionnel, c'est Carmen Ledesma
et Concha Vargas. Quand elles sont sur scène, c'est
toute la puissance, la force et l'élégance du Flamenco que l'on
voit. Cette photo qui est là-bas (Ndlr: Jean-Louis désigne
une photo exposée) elle représente tout de Carmen Ledesma, de la gitane. Si tu m'avais demandé de te représenter
une montagne, je t'aurais désigné les photos Rocio Molina. Si tu
m'avais demandé de représenter une gitane, j'aurais photographié
Carmen Ledesma, et ces photos, je les ai faites. J'ai eu
beaucoup de chance de voir et côtoyer tous les piliers du Flamenco:
Carmen, Concha, Pedro Bacan, Chano Lobato, Chocolate,
Fosforito, Cristina Hoyos et bien d'autres. Au fur et à mesure,
j'ai vu arriver tous ces jeunes. Cette exposition n'est pas un album souvenir.
Elle rassemble des photos des flamencos traditionnels et aussi
les nouvelles tendances, les grandes figures actuelles.
- Après Mont de Marsan, où pourrons-nous
voir cette exposition?
- Cette exposition va tourner dans
plusieurs villes. Elle va aller à Nîmes en janvier 2012, elle sera à
la Biennale ou à l'Agence du Flamenco à Séville. Je suis en
pourparler avec Amsterdam et Chaillot l'année prochaine et
peut-être les Etats-Unis aussi.
- Félicitation... Quel est ton regard sur ce travail que
tu exposes actuellement?
- C'est l'aboutissement d'un travail sur
20 ans, mais cela représente un millième de mon travail de tous
les jours.
- Ton sentiment sur ton travail de
photographe?
- Je suis reconnu dans mon travail. Quand
j'arrive à Séville ou à Jerez, tous les gens du mundillo me
reconnaissent. J'apporte un certain regard sur le Flamenco. Mes
images ne ressemblent à aucune autre. Montrer une
photo en entier, cela m'a toujours déplu. Il faut garder un
mystère, donner un flash sans donner tous les éléments. C'est
pour cela que j'aime particulièrement les gros plans.
- Oui, c'est ce que nous
constatons aussi dans cette exposition. Merci Loulou, et à
très bientôt...
- Merci à toi.
 
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