
- Inma, tu as déjà donné
des concerts à Paris, n'est-ce pas?
- Oui, je suis venue à Paris une première fois pour
participer au Festival Larachi Flamenca. Là bas, j'ai
rencontré l'équipe de Flamenco en France qui m'a proposé de
chanter dans le cadre du Festival 'Voix de femmes' qu'elle
organisait, l'année dernière.

- Ce soir, comme l'année
précédente, tu étais accompagnée par le guitariste 'El
Mati'...que souhaiterais tu nous dire à propos de ta
collaboration avec lui?
- El Mati, je l'ai rencontré à Séville
et il m'a proposé de travailler avec lui pour ce concert car
nous avions déjà travaillé ensemble l'année précédente et
cela s'était très bien passé. Nous avons travaillé
seulement deux fois ensemble et pourtant il y a déjà
beaucoup de complicité et de respect entre nous. Nous avons
une relation qui dépasse le professionnel car nous sommes
aussi des amis. Je pense que le public ressent ce
compagnonnage, sur scène.
- Oui, nous avons ressenti
cette belle amitié sur scène...on dit que le chant Flamenco se transmet oralement. As-tu
reçu un enseignement? et avec qui?
- Mon père était cantaor Flamenco, mais il est décédé d'un
accident de voiture quand j'étais petite. C'est ainsi que sa
vie et sa carrière artistique se sont arrêtées brutalement. Il m'a
transmis cette passion pour le cante. Chez moi, le flamenco
était toujours présent; ma mère était très flamenca.
Elle aimait beaucoup l'art. Tous mes frères et sœurs sont des
artistes 'de puerta pa dentro', nous nous
sommes formés à la maison. Je fus celle qui a choisi de me
dédier au cante Flamenco.
- Quand as-tu décidé de te professionnaliser?
- Les choses se sont faites naturellement et sans que je
m'en aperçoive réellement. J'avais toujours chanté à la
maison. Il y avait souvent des opportunités pour
présenter notre show familial aux autres, dans toute la
famille . C'est ainsi que j'ai découvert mon envie de
chanter. Plus tard, des personnes extérieures à la famille
nous invitèrent à chanter et j'acceptai, tout
naturellement.
- Tu es née à la Cité des 3000, au "Poligono Sur" à Séville.
Pourrais-tu nous raconter ton enfance dans ce quartier?
- Mon enfance était comme celle de tous les marginaux et je
me souviens d' une vie très différente de celle que
je mène, maintenant. Tous les gens qui habitaient dans ce
quartier étaient pauvres. Il n'y avait pas
d'école. J'ai été scolarisée par la suite, lorsque nous
avons quitté las 3000 et que nous nous sommes installés dans
un autre village. C'était à l'adolescence et j'ai réalisé à quel point j'étais différente des autres;
j'ai vu les contrastes et les inégalités entre les
gens. Ce fut une période assez
difficile, pour moi.
- Quand tu vivais dans le
quartier de las 3000 Viviendas, y as-tu côtoyé les
artistes Flamencos qui y résident?
- En fait, je les ai côtoyé plus tard, quand
je me suis dédiée exclusivement au cante. 10 ans
passèrent depuis le moment où je quittai le quartier jusqu'à
ce que je me dédie totalement au cante. Il faut noter
que la majorité des grands artistes viennent de ce quartier. J'y
retourne régulièrement du fait que ma sœur habite dans la
zone marginale de las 3000 Viviendas. Je garde donc aussi un
lien avec les artistes et les habitants.
-Où résides-tu maintenant?
- Je vis à Sanlucar La Mayor, cela fait 5 ans
maintenant. C'est un petit village à 15 km de Séville, ville
où je travaille. Dans ce village, je trouve la tranquillité
et comme j'ai un fils, j'ai voulu ne pas mélanger ma vie
professionnelle et ma vie de mère.
- Ton surnom, La Carbonera,
d'où provient-il?
- J'ai travaillé pendant 3 ans à 'La
Carboneria', une Peña et un lieu emblématique du
Flamenco, à Séville. Avec le violoniste Alexis,
le guitariste Carlos Heredia et le cantaor
Enrique Heredia nous formions un quartet de Flamenco
fusion et nous travaillions ensemble tous les jours . C'est
de cette période que provient mon nom d'artiste 'La
Carbonera'.
- Parlons de ta voix qui
est magnifique. Il y a une jondura, une teinte
tragique nuancée par de la douceur et de la sensualité.
As-tu travaillé ta voix? a-t-elle changé au cours des
années?
- Ma voix, je ne l'ai pas réellement
travaillée. Elle sort, tout simplement, mais je crois
qu'elle s'est nuancée et teintée, avec le temps. Quand
j'étais plus jeune, ma voix était déjà douce mais j'étais
plus agressive. La façon dont je
prenais la vie, cela façonnait ma manière de chanter. Avec
l'expérience et le temps, ma voix s'est posée.
- Le Flamenco, qu'est ce
que cela représente pour toi?
- Je suis née dedans et même avant de naitre,
je ressentais et entendais déjà le Flamenco dans le ventre
de ma mère. J'aime cet art car il vient de mon père, de ma
famille, de mes amis, de mes racines. Mais, la musique c'est
quelque chose de plus large et donc je ne me centre pas
exclusivement sur le Flamenco. Je chante sur d'autres styles
de musiques et collabore avec des artistes d'horizons
divers. En fait, ma voix peut s'adapter à beaucoup de genres
de musiques. J'ai travaillé, par exemple, avec de la musique
cubaine, avec du tango argentin. Ma voix colle presque mieux
au tango argentin qu'au Flamenco...
- Travailles-tu avec un
groupe, ou plusieurs?
- Oui, je travaille avec plusieurs
formations. Je travaille depuis un an avec 'Mermaid's
Call' ('le chant des sirènes'), une compagnie
contemporaine. Je chante du Flamenco sur de la musique
électronique et contemporaine. C'est une fusion et un
concept qui me plaisent beaucoup. Après avoir présenté notre
travail en Espagne, nous effectuons une tournée dans
plusieurs pays et avons déjà eu de très bons échos de la
part de la critique et du public. Je travaille aussi dans
une compagnie de tango Argentin et nous faisons tourner le
spectacle intitulé "Tango, de los pies al corazón".
Avec ma voix flamenca, je chante un répertoire de tangos des
années 40. Nous avons donné la première à Madrid et cela a
été un vrai succès. En parallèle de ces tournées, j'ai
préparé aussi la biennale de Séville.
- Actuellement tu prépares
ton premier album, n'est-ce pas?
- Effectivement, après avoir participé à
plusieurs albums, je prépare mon premier album, celui qui représente
mon travail, mais ce n'est pas du Flamenco...
-Mais ta voix est
Flamenca... Pourrais-tu nous préciser le contenu de cet
opus?
- J'ai focalisé mon attention sur un
répertoire des années 70. Je fais une sorte d'hommage aux
cultures latines en faisant référence au folklore Mexicain,
argentin et cubain. Dans cet album, j'explore la capacité
que j'ai à pouvoir chanter sur ces différentes musiques car
je souhaite élargir mes perspectives, ouvrir mes portes au
monde, aux autres pays et aux autres cultures. Je collabore
aussi avec Junior, un rappeur , qui est
un ami proche. C'est une belle collaboration. Je suis très
contente du résultat.
- Quand reviens-tu donner
un concert à Paris?
- Je reviens à Paris pendant deux soirées
consécutives, les 19 et 20 novembre prochains, dans le cadre
du Festival 'Larachi Flamenca'.
- Nous avons hâte de
découvrir ton album et de revoir sur la scène
parisienne...merci et à bientôt Inma.
- Merci à toi..

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