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Interview d'André Charbonneau réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena', en février 2011, pour Musique Alhambra

 

 

De tous les artistes Flamencos que nous avons rencontré et côtoyé dans la région angevine, il y en a un qui, par dessus tout, a réellement retenu notre attention. Il s'agit d'André Charbonneau, guitariste, pédagogue et compositeur de talent. Son premier album, sorti en 1992, avait remporté un franc succès auprès de la critique et du monde Flamenco. L'annonce de la préparation de son deuxième opus Flamenco intitulé 'Guitare solo-André Charbonneau' et de sa sortie imminente, le 17 mars prochain, nous a enthousiasmé, et lorsque nous avons écouté ce disque, nous avons été véritablement conquis par son travail résolument authentique et dépourvu de clichés. Nous saluons le talent indéniable de cet artiste qui a, une nouvelle fois, réalisé un travail remarquable. Voici l'entretien qu'André nous a accordé pour la sortie de cet album:

 

 

- Depuis la sortie de ton premier album flamenco en 1992, plusieurs années se sont écoulées avant que tu enregistres ton deuxième album Flamenco. De plus, tu t’es éloigné de la scène et du Flamenco pendant une longue période. Qu’est-ce qui t’a donné envie de revenir à cela?

- - Après le premier disque, j’ai beaucoup tourné en duo « Guadalquivir » avec ma femme danseuse. Puis j’ai progressivement arrêté la scène dans les années 2000 au moment de la naissance de mon fils. A partir de là, j’ai privilégié la composition musicale, rêve que j’avais envie de réaliser depuis l’enfance. J’ai créé des musiques de courts métrages et de documentaires, j’ai enregistré l’album « Rien qu’un instant » en 2003 avec d’autres de mes compositions pour guitare. « Les Productions D’Oz » au Québec les ont d’ailleurs éditées et les vendent en partitions. J’ai aussi créé des musiques pour la chanteuse Lauren, neuf d’entre elles figurent dans son dernier album intitulé « Sans compter » sorti en 2010. Après ce parcours plutôt intérieur et solitaire, j’ai éprouvé le besoin de revenir vers la guitare flamenca et vers le public.

-Ton nouvel album, est-ce un travail de maturité ou le ressens-tu plutôt comme une nouvelle étape dans ton parcours artistique en lien avec le Flamenco?

- - C’est un album qui témoigne d’une nouvelle étape dans mon parcours artistique car je passe du duo Guadalquivir au solo de guitare. Je pense aussi être allé un plus loin dans la personnalisation de mon jeu et de mes créations, d’où une certaine maturité effectivement. J’accompagne la danse encore régulièrement mais ce que je préfère par-dessus tout aujourd’hui, c’est la guitare en tant que soliste.

- Ce qui explique ton choix d’avoir réalisé un album solo, n’est-ce pas?

- - Oui, dans cet album, il n’y a que de la guitare et cela me tenait à cœur de le réaliser de cette manière. Ca correspond bien à ma personnalité et à ce moment de ma vie. J’ai aussi la chance d’avoir une maison de disques qui ne m’impose pas de réaliser un travail formaté, et à qui ça a bien plu.

- Tu dédies cet album a Drew…pourrais-tu nous parler de ce guitariste?

- - J’ai appris la guitare avec Drew Croon, compositeur guitariste américain qui résidait il y a longtemps à Angers tout près de chez moi. Je lui rends hommage car c’est lui qui m’a fait découvrir le Flamenco. Il jouait de la guitare flamenca en y introduisant son état d’esprit américain. Cela m’a permis d’entrevoir qu’il était possible d’être soi-même dans sa propre culture et de jouer du Flamenco en respectant les règles. J’ai ressenti à ce moment là la dimension internationale du Flamenco, art qui dépasse le cadre de l’Andalousie. Drew est décédé trop tôt à 56 ans en 2007.

- A ce propos, nous rappelons tes origines angevines… il me semble que dans ta famille, il n’y a pas de lien avec l’Andalousie… est-ce exact?

- - Effectivement, je n’ai aucune racine espagnole, et pourtant je suis tombé amoureux de cette musique… Cela témoigne encore de l’universalité du Flamenco.

- Comment est-ce que tu te situes vis-à-vis de la tradition et de la modernité?

- - Tradition et modernité sont des concepts malheureusement trop souvent utilisés à des fins commerciales et que l’on oppose à tort. On est toujours « moderne » au moment où l’on crée, tout en étant issu de la tradition flamenca qui, elle, est suffisamment forte pour ne pas se faire oublier. L’art reste de toute manière complètement intemporel !

- Pourrais-tu nous faire un commentaire sur chaque thème de ton album?

- - Tout d’abord, j’ai choisi des titres en espagnol mais je voulais aussi qu’ils soient compris ou devinés par des français qui constituent mon principal public. Evidemment mes compositions se basent sur les rythmes fondamentaux du flamenco.

Le premier thème intitulé Leyenda est un taranto qui évoque le côté oriental du flamenco avec des sonorités arabo-andalouses. J’ai souhaité le début du morceau très imagé un peu comme les légendes des « Mille et une nuits ». J’emmène ainsi mes auditeurs en voyage…

Antiguo est une siguiriya. J’adore ce palo primitif qui incarne à lui seul le flamenco. J’ai tout construit autour de cette cadence dramatique ! Et en quelques accords, tout est dit !

Amistad est une bulería que j’ai voulue au contraire légère et frivole, de bonne humeur et que je dédie volontiers à mes amis !

Misterios est basé sur le compás de l’alegría mais je m’en éloigne vraiment avec un refrain un peu mystérieux entouré de thèmes très colorés. Quand on rencontre pour la première fois le flamenco, il nous apparaît plein de mystères et en même temps si chatoyant !

Soledad est une soleá. Style fondateur évidemment obligé pour le soliste « solitaire » que je suis ! Le thème rappelle un peu celui de « Recuerdo », granaína de mon précédent album de flamenco. Ca crée un lien !

Memoria est un fandango de Huelva. J’aime bien ce style entraînant et raffiné dans lequel je joue beaucoup avec les temps et les contretemps ! Dans ce morceau je reste assez proche de la tradition, dans le style de Pepe Habichuela, avec un refrain final bien enjoué !

Fuego est aussi une bulería. Le Flamenco, c’est l’incandescence et c’est bien connu que les Andalouses ont toutes des yeux de braise ! Dans cette bulería, comme toujours, je joue tous mes thèmes entièrement au pouce. Je n’utilise mes autres doigts pratiquement que pour les rasgueados. Ca me permet de maintenir une intense pulsation traditionnelle dans des passages un peu étrangers au Flamenco et d’avoir de nouvelles sonorités dans mes arpèges.

Nostalgía est une farruca. Dans ce style plus facilement identifiable, je reste assez proche de la structure traditionnelle, excepté pour l’intro et le final. Je joue mes thèmes assez rubato pour exprimer un côté nostalgique qui me correspond aussi.

Je clôture ce disque avec Niño qui est une rumba que je dédie à mon fils Adam qui joue déjà très bien de la guitare et avec qui j’ai tellement de plaisir à jouer ! J’aime bien composer des rumbas pour guitare seule. Dans le même genre, j’avais déjà fait « Compañera », dans mon premier album de flamenco, qui avait bien plu !

- Lorsque tu élabores un thème, quelle est ta manière de travailler?

- - Au départ, il y a toujours une idée mélodique qui me vient. Elle est parfois déjà associée à un rythme flamenco. Sinon je recherche le palo le plus approprié pour la développer et la mettre en valeur et dans lequel je pourrais à la fois faire coexister mon univers et celui du Flamenco. Enfin je cherche les doigtés pour que mes mains trouvent le maximum de confort. Comme tout guitariste de Flamenco, je peux tout à fait prendre n’importe lequel de mes thèmes et le mettre dans un autre style. C’est d’ailleurs l’une des choses que j’ai apprises rapidement à faire en Andalousie. Je devais être capable de prendre une falseta et de la jouer dans différents palos. C’est fondamental dans l’apprentissage du flamenco de savoir faire ça ! Dans cet album, j’ai donc privilégié pour chaque thème le rythme qui permet de mieux l’incarner.

- Tu vis en France, dans la région angevine, depuis plusieurs années et tu as vécu aussi en Espagne, auparavant. Est-ce que tu ressens toujours ce besoin de te ressourcer en allant en Espagne, ou c’est quelque chose d’acquis, pour toi?

- - J’ai eu la chance de rencontrer personnellement et d’avoir des rapports privilégiés avec de grands guitaristes : Paco Peña, Vicente Amigo, José Antonio Rodriguez, Paco Serrano, Manuel de Palma... Chacun d’entre eux avait son style. J’ai pris pendant des années des cours particuliers et approfondis avec tous ces artistes et j’ai aussi suivi l’adage : « Ecoute les conseils des autres mais suis le tien ». J’ai donc ainsi parallèlement développé mon langage personnel. Le Flamenco est en moi, désormais il ne me quittera jamais…

- D’après toi, pour devenir un bon soliste en guitare Flamenca, faut-il passer par l’accompagnement de la danse et du chant ou peut-on se passer de ces étapes?

- - Je pense qu’accompagner la danse est incontournable car cela pose les bases rythmiques. Evidemment moi je vis avec une danseuse et j’ai eu cette chance qu’elle crée ses chorégraphies sur mes thèmes. On a donc toujours travaillé en parfaite harmonie dans notre duo « Guadalquivir ». Quant à l’accompagnement du chant, la plupart du temps les guitaristes doivent suivre au mieux et assurer plus que créer car les chanteurs ne travaillent pas toujours autant en symbiose avec les guitaristes que les danseurs. Mais le Cante en Andalousie, c’est sacré !

- A l’écoute de ton album, nous ressentons une diversité autant dans les mélodies que dans les rythmes. Il y a de nombreuses surprises aussi dans chaque thème. Et toi, comment ressens-tu cet album?

- - J’ai pris beaucoup de plaisir à concevoir cet album. J’adore jouer le Flamenco comme aux premiers jours et la naissance d’une composition est toujours une jubilation. Beaucoup de ces mélodies me tenaient véritablement à cœur et j’avais vraiment envie de les offrir au public. Voilà qui est fait ! J’espère qu’il les appréciera, qu’il ressentira ce dont tu parles et qu’il goûtera aussi cette forme soliste de la guitare moins courante de nos jours !

- Ton album est produit par Sunset France, tout comme le premier opus, n’est-ce pas?

- - Oui, et je suis heureux de continuer la route avec eux. En plus, le premier album se vend toujours. Un grand merci à Alain, Patricia et Sébastien Normand !

- Pourrais-tu nous parler de ton retour sur scène?

- - Je présente actuellement mon spectacle en soliste qui s’intitule « André Charbonneau joue et raconte le Flamenco, et bien plus encore… » dans lequel je joue évidemment de la guitare flamenca, mais je raconte aussi des histoires, des anecdotes personnelles. J’initie le public aux palmas et je leur fais lire des coplas. Je les emmène aussi en voyage vers le Nouveau Monde où je joue du charango, du cuatro puis retour en Andalousie par les Canaries avec le timple. C’est un spectacle très personnel, toujours évolutif.

- Quels sont les commentaires que te fait le public qui vient te voir sur scène?

- - Mon spectacle est une invitation à découvrir le Flamenco d’une autre manière. La guitare soliste plaît et le fait de raconter crée du lien. Les gens sont plutôt ravis et viennent facilement à ma rencontre à la fin du spectacle. Leurs commentaires sont très sympathiques. Certains me parlent de leurs émotions, d’autres viennent échanger des anecdotes. Le public participe au spectacle et comme dit le comédien Michel Bouquet : « N’oubliez pas que le public ne vient pas pour vous voir jouer mais qu’il vient pour jouer avec vous ».

- Ton disque sort le 17 mars prochain. Quels sont tes projets autour de cet évènement ?

- Mon disque est distribué en France par Harmonia Mundi, dans tous les points de vente en magasin et en ligne, et à l’international dans une dizaine de pays. Je vais communiquer dans la presse nationale et régionale, et dans les radios. Mon producteur de son côté fait aussi un important travail de communication, notamment sur le net, et à l’étranger. D’autre part, je joue régulièrement mon dernier spectacle, surtout dans l’Ouest de la France.

- Merci André. Nous te souhaitons du succès avec ce nouvel opus que nous apprécions beaucoup. A très bientôt…

 

Visiter le site myspace d'André Charbonneau: www.myspace.com/andrcharbonneau