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Interview d'Alejandra Gonzalez réalisée par
Isabelle Jacq 'Gamboena', en septembre 2011, pour Musique Alhambra

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La carrière artistique d'Alejandra Gonzalez, nous la suivons
plus particulièrement depuis que nous l'avons vu
danser sur scène, il y a cinq ans, à Sanlucar de Barrameda, dans
le cadre du Festival International de Flamenco organisé par
Planète Andalucia. Nous avions été ébloui par le caractère, la
force et le talent de cette danseuse que nous considérons
désormais comme l'une des étoiles montantes du Flamenco.
D'origine mexicaine, Alejandra s'est formé à Mexico où elle a été
l'élève de
Mercedes Amaya, la nièce de Carmen Amaya; puis elle a vécu
pendant plusieurs années en Andalousie, pour approfondir son
baile. Depuis 2002, elle réside à Paris tout en continuant à
effectuer des séjours réguliers en Andalousie. Dans ses
créations 'Verea' et 'Conquista Flamenca',
Alejandra déploie tout son talent de danseuse et de chorégraphe,
prouvant une nouvelle fois son authenticité et son originalité
au travers d'une danse innovante, tout en étant respecteuse de
la tradition. Son nouveau spectacle intitulé 'Cuadros Flamencos'
est donc un évènement très attendu par les aficionados et
c'est au Théâtre de la Reine Blanche, à Paris, qu'Alejandra
présentera ce spectacle au public, durant deux soirées
consécutives, les 30 septembre et 1er octobre prochains. Voici
l'entretien qu'elle nous a accordé en exclusivité, quelques
jours avant la représentation:

- Alejandra, tu prépares ‘Cuadros Flamencos’, une nouvelle
création que tu présenteras dans quelques jours au Théâtre de la
Reine Blanche, à Paris. Pourquoi as-tu choisi ce titre pour ce
spectacle?
- Cette création ‘Cuadros Flamencos’, qui signifie ‘Tableaux
Flamencos’ en français, naît du désir simple de rejouer et
d’innover dans le Flamenco. Elle provient de ce que m’ont
inspiré les images, les cartes postales relatives au Flamenco,
celles que l’on trouve en Andalousie. Dans ces images, nous
voyons très souvent des longues robes, des éventails, des
mantones et moi je suis quelqu’un qui aime beaucoup les
images, les photos, les tableaux. Travailler sur ce thème, c’est
une façon de retourner la situation car le peintre ou le
photographe regarde tout d’abord son modèle puis il en sort une
image. Moi, à partir de l’image, je sors les mouvements,
certaines attitudes et postures de danse typiques du Flamenco.
J’essaye de retrouver des chorégraphies à partir de l’image.
J’explore aussi les différents styles et les accessoires que
j’ai choisi d’utiliser: l’éventail, la bata de cola, et
le mantón.
- Ce sont des accessoires caractéristiques des danseuses de
Flamenco traditionnel, n’est-ce pas?
- Oui, effectivement, mais ces accessoires, je les utilise car
ils m’inspirent et parce que je les apprécie beaucoup. Ils
étaient souvent utilisés auparavant chez les flamencos
traditionnels puis on les a négligés voire oubliés car on
privilégiait les parties de percussions au sol avec les pieds;
même les filles étaient fixées là-dessus mais, actuellement,
elles reviennent peu à peu vers ces a ccessoires.
En ce qui me concerne, j’ai eu peu l’occasion d’utiliser ces
éléments dans mes spectacles précédents. Les intégrer dans cette
création, c’est aussi une manière de leur donner la place qu’ils
méritent et c’est aussi une motivation supplémentaire pour
réaliser de nouvelles chorégraphies, réaliser de nouveaux
projets. De plus, c’est une manière de m’exprimer, de savoir
comment je me ressens maintenant en tant que danseuse, femme et
individu. Chaque accessoire est relié à un palo et chaque
palo que je danse est relié à ma vie. C’est mon
instrument pour parler de ma vie, à l’heure actuelle.
- Quels sont les palos que tu as choisis et quel(s)
accessoire(s) utilises-tu dans chaque style?
- Il y aura quatre danses principales. Tout d’abord, il y aura
une Cantiña avec la bata de cola, puis un
Tangos de Malaga, une Solea et une Guajira.
Dans le Tangos, je danse sans accessoire; dans la
Cantiña, j’utiliserai la bata de cola et le mantón.
Pour la Solea, je danserai avec un manton qui
sera différent de celui que j’utilise dans la Cantiña et
pour la Guajira, je la danserai avec un éventail.
- Ces accessoires, que représentent-t-ils pour toi?
- Bien qu’il y ait d’autres accessoires utilisés dans le
Flamenco traditionnel comme le baston, le chapeau et les
castagnettes, j’ai choisi uniquement ceux qui m’inspirent pour
cette création, ceux dont je me sens la plus proche. La bata
de cola, depuis que j’ai commencé à la mettre, je l’ai dans
la peau. La bata de cola c’est comme la vie: sois tu la
prends avec enthousiasme, force et assurance, auquel cas elle te
porte, sois tu l’attrapes d’une manière maladroite, alors, c’est
elle qui te fait tomber. Chaque bata a son poids
spécifique. Il faut connaitre ta bata, sinon tu n’y
arrives pas. Si tu n’appliques pas la force adéquate à ta
bata, c’est l’échec assuré. C’est comme la vie, il faut
connaitre sa vie et être à l’écoute de soi. Parfois, on sait
qu’il ne faut pas appliquer autant de force qu’à une autre
période car, à ce moment de notre vie, cela va faire mal. Cette
analogie entre cet accessoire et la vie m’intéresse vraiment et
j’ai ressenti que c’était le moment d’utiliser cet outil, dans
ma danse. Pour ce qui est de l’éventail, c’est un des
accessoires typique de la Guajira et il m’évoque la
chaleur, les pays chauds. Cela me rappelle mon pays, le Mexique,
et l’Andalousie que j’aime beaucoup. J’aime ces gens, ces
éventails que les femmes ouvrent et que l’on entend à l’église.
Pour moi, c’est de la musique…j’adore. Le mantón, c’est
pareil. C’est un élément qui enveloppe, c’est chaleureux,
élégant, féminin. D’ailleurs, il exprime une féminité plus forte
que celle qui émane de l’éventail. Le mantó n exprime une
féminité affirmée, qui se situe entre la lutte et la force. Cela
me fait penser aussi aux capes de toreros.
- Que souhaiterais tu nous dire à propos des 4 palos que
tu as choisis de danser dans ce spectacle?
- Dans la Cantiña, j’exprime donc ce rapport entre la
bata de cola et ma vie. Le Tangos, c’est
un
palo qui est très intéressant aussi car il est très ancré
dans la terre. Le fait de vouloir le travailler, c’est une façon
pour moi de rendre hommage à la terre. Je présenterai l’étape
dans laquelle je trouve, dans cette recherche, à ce moment-là.
Elle indiquera le sens que je veux donner à cette recherche.
Concernant la Solea, depuis que j’ai fait le spectacle ‘Verea’,
ce palo me fait penser à la solitude, à la lutte et à la
passion. Dans cette danse, je souhaite rendre hommage à ma mère,
qui est une femme combative. La Solea est un des palos
les plus puissants qui me renvoie à une partie de ma vie et à
celle de chacun d’entre nous aussi. La Guajira, c’est un
palo de ida y vuelta. Il fait référence à mes
origines mexicaines. Ce palo représente aussi la joie, le
lâcher prise, l’espérance. Une fois de plus, il évoque donc un
moment de vie ou tout simplement notre vécu à tous.
- La Seguiriya est le palo que tu danses assez
régulièrement d’habitude et dans l’interprétation duquel tu
excelles. Pourquoi ne l’as-tu pas inclus dans ton spectacle,
cette fois-ci?
- La Seguiriya, je ne la danse pas dans ce spectacle car je la
danse très souvent habituellement et le fait de ne pas la danser
cette fois-ci, c’est en fait une sorte de défi que je me lance.
Je lui ai donné une bonne place dans mes créations antérieures
et, dorénavant, elle laisse la place à d’autres palos
pour que je puisse m’exprimer autrement. Quoiqu’il en soit, elle
est toujours présente en moi et je la danse dans d’autres
spectacles. Quand je l’ai dansée dans ma création ’Verea’,
c’était comme une catharsis. Au travers d’elle, j’exprimais la
douleur de mon vécu, le fait de n’avoir quasiment pas connu mon
père car il est mort quand j’avais 2 mois. Cette douleur, je la
travaille dans la Seguiriya, mais aussi dans la vie.
- Les répétitions pour ce spectacle ont eu lieu en grande partie
à Sanlucar de Barrameda. Pourquoi as-tu choisi cette ville
d’Andalousie pour travailler?
- Sanlucar, c’est une vieille histoire. Nous nous sommes
rencontrées là- bas aussi… c’est aussi à Sanlucar que j’ai connu
le chanteur Juan Murube et Niño Manuel qui est le
directeur artistique du projet actuel. Il y a une amitié qui est
née là-bas, quand j’ai dansé au Festival International de
Flamenco organisé par Planète Andalucia, en juillet 2006. Depuis,
Juan et moi avons travaillé ensem ble. Avec Niño Manuel,
nous avons travaillé ensemble lors du Festival, puis dans un
tablao de Sanlucar, puis, il a participé à mon spectacle
‘Conquista Flamenca’. Pour ‘Cuadros Flamencos’, j’avais très
envie de retravailler avec lui ainsi qu’avec des amis tels que
Juan et le chanteur El Trini qui viennent tous les
deux de Séville, le guitariste Dani Barbara Moreno qui
vient d’Arcos de la Frontera. Nous nous sommes retrouvés tous à
Sanlucar pour les répétitions.
- Que souhaiterais-tu rajouter à propos des musiciens que tu as
rassemblés pour ce spectacle?
- Ces artistes, je les ai réunis autour de cette création car
nous avions tous cette envie réelle de travailler ensemble. Ce
sont des amis et j’éprouve aussi une grande admiration pour
chacun d’entre eux. Ils ont tous beaucoup de talent et cela ne
leur enlève pas leur grand cœur…ils ont même un très grand cœur
et ce sont des personnes très généreuses et que j'estime
beaucoup. Cela donne de la force lorsque l’on ressent cet amour
et cette admiration. Eux aussi, ils sont enthousiastes et
heureux de cet évènement.
- C’est l’association Amahrte qui produit ton spectacle ‘Cuadros
Flamencos’. Nous aimerions en savoir plus sur cette structure…
- Je suis la première à profiter de ce projet associatif car
c’est grâce à lui que je peux présenter mon nouveau spectacle au
public. Dans cette association, il y a de beaux projets qui sont
en cours d’élaboration: expo-spectacle, conférence, traduction,
récital de cante. Les membres qui la composent sont des gens
très motivés et qui sont de vrais aficionados.
- Pourquoi as-tu choisi le Théâtre de la Reine Blanche à Paris
pour présenter ta nouvelle création?
- C’était un choix un peu nostalgique. J’avais dansé dans ce
lieu en 2006 et c’était, pour ce Théâtre, le premier spectacle
de Flamenco qu’il programmait. Je ne voyais donc pas un autre
endroit pour présenter ‘Cuadros Flamencos’ car, en plus
du merveilleux souvenir que j’ai de mon premier passage là-bas,
il y a aussi le fait que j’aime l’aspect intimiste de la salle
de spectacle. Je trouve que cela correspond bien au Flamenco car
c’est un art qui a besoin du contact avec le public. Cette salle
me rappelle les tablaos d’Andalousie.
- Nous avons hâte de voir ce spectacle…mille mercis Alejandra et
à très bientôt!
- Merci à toi...

Page facebook de l'association Amahrte :http://www.facebook.com/pages/AMAHRTE/212047975518867
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