Accueil Al-Andalus  Flamenco Liens Forum Contact Email
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Interview d’Alba Lucera

réalisée par Isabelle Jacq Gamboena

en mars 2013, pour Musique Alhambra

 

 

 

 C'est toujours avec beaucoup d'enthousiasme que nous communiquons l'actualité d'Alba Lucera, jeune danseuse de Flamenco originaire de Genève. En effet, nous avions eu le plaisir d'apprécier pour la première fois son talent lors du Festival International de Flamenco de Sanlucar de Barrameda, où elle s'était produit, il y a quelques années, et depuis, Alba Lucera danse régulièrement sur les scènes culturelles en France, en Suisse ainsi qu'à Séville où elle a vécu pendant plusieurs années. Dans quelques jours, les 26 et 27 avril prochains, Alba présente "Fil rouge", sa nouvelle création, au Théâtre de la Cité Bleue, à Genève, entourée par des artistes de renom tels que Francisco Mesa "El Nano", les chanteurs Jesus Flores et Miguel Picuo ainsi que le guitariste Juan Torres. Pour cet évènement, elle nous a parlé avec ferveur de ce spectacle qui,  nous espérons, sera programmé ultérieurement, à Paris :

- Alba Lucera, tu présentes prochainement à Genève ta création qui s’intitule « Fil rouge », spectacle que tu avais présenté une première fois dans cette même ville, en novembre dernier. Quel est le contenu de cette création?

- C’est l’histoire d’un personnage qui vit un moment de rupture avec le monde, il perd le contact avec la dimension terrestre et va passer par différentes étapes de transformation, qui nous mènent à une partie plus contemporaine. Il tente de retrouver le fil, l'union avec la terre, qui surgira au travers de la danse et du Flamenco, expression présente quasiment du début à la fin de ce spectacle.

Ce spectacle exprime la façon dont la danse est une étonnante possibilité de communiquer au monde, et de s'ancrer à la terre, toucher les racines qui sont visibles dans le Flamenco, tout en visitant une dimension aérienne, avec sa part d'ombre et d'inconnu.

C’est aussi l’exploration d’un personnage qui, en quelque sorte, se dédouble, comme le figure la présence des deux danseurs, l’un masculin, l’autre féminin. Ces deux personnages qui se cherchent sont en fait la même personne. L’un représente l’ombre, le double de l’autre, sa trace visible en filigrane, tantôt disparue et qui ramène au sol sa moitié envolée.

- Quels sont les artistes qui incarnent ces deux personnages?

- Le danseur Francisco Mesa « El Nano » incarne le personnage masculin et moi, la partie féminine qui va tenter de retrouver le fil.

- Quelle importance accordes-tu au fait d’intégrer cette polarité masculine-féminine, dans ce spectacle?

- Ces deux personnages représentent d’avantage le côté double, la dualité du masculin-féminin, plus qu’une rencontre entre un homme et une femme. Il s'agit d'interroger la dualité dans un même être, avec toujours cette idée de confrontation et d’ombre, comme si les deux personnages devaient s’accompagner dans ce voyage entre ciel et terre, pour retrouver le sol qui s'est un jour dérobé sous leurs pieds.

- S’agit-il plus d’une confrontation ou d’un accompagnement?

- Les personnages s'accompagnent dans leurs aventures à travers la danse, ainsi que dans les moments de rupture. La confrontation apparaît suite au moment où le personnage féminin «s’envole» et perd le contact avec la terre. La confrontation est alors vécue à l'image d'un combat intérieur, plus qu'un affrontement entre deux personnes. Durant la scène où un des personnages exprime le déracinement, cet envol, l’autre personnage, avec le fil, va être là aussi pour ramener vers la terre cette partie qui s’est envolée. A ce moment là, il y a une forme de combat présent dans la danse, mais plus que de se voir imposer un retour forcé à terre, c'est le personnage féminin lui-même qui cherche à ramener la terre à lui, uni par le fil à son double masculin qui a des racines bien visibles.

- Cette idée de fil rouge, comment est-elle apparue et que signifie-t-elle précisément?

- J’ai fait un premier travail d’accompagnement artistique ou de mise en scène cet été à Bruxelles avec Sandra Vincent qui est une chorégraphe belge qui a beaucoup travaillé dans le domaine contemporain et aussi dans le Flamenco. Nous avons élaboré le spectacle ensemble à partir de l'histoire que je souhaitais amener et de la matière que j'avais déjà. La thématique avait déjà mûri en moi et grâce à son regard extérieur, j'ai pu trouver les outils nécessaires à l'aboutissement de ce spectacle. Le titre nous est alors apparu de façon assez évidente au moment de l'agencement des scènes dans l’élaboration du spectacle, quand les différents éléments se trouvaient encore sans continuité. Dans le fond, je cherchais le « fil rouge » du spectacle pour mettre en place ce qui était déjà présent. Et ce titre introduit la thématique du spectacle, provenant de ma propre expérience, c'est-à-dire de la danse comme façon de communiquer au monde en s'unissant à la terre, tout en laissant une libre part à l'imagination, à l'envol.

Dans ce spectacle, le fil rouge est ce merveilleux langage qu'est la danse et le Flamenco, comme moyen de traduire toutes les émotions par le corps et la musique. Le fil, c'est ce qui permet au personnage de ne pas perdre la connexion avec la dimension terrestre, avec le monde auquel il cherche à s'unir. Même dans les moments de rupture que symbolise le tremblement de terre, ou d'exploration souterraine durant la partie contemporaine, il y a toujours un fil qui est présent, faisant le lien, comme manière de s'unir aussi bien à l'autre qu'à soi. Il y a aussi une référence un peu mythologique au fil d'Ariane et au voyage d'Orphée, qui m'interpelle de façon intuitive. Enfin, ce fil rouge, c’est aussi la vie, avec sa force et son intensité que transmet et traduit le Flamenco.

- Dans la première version du spectacle, tu dansais avec Iasonas Damianos. Cette fois-ci, c’est Francisco Mesa « El Nano » qui danse avec toi. Peux-tu nous expliquer ce changement et ce que cela a apporté de différent, dans ce spectacle?

- En effet, j’avais commencé à travailler avec Iasonas Damianos qui a apporté beaucoup à ce spectacle. Nous avions prévu de continuer ensemble, au printemps et, finalement, pour des raisons personnelles, il n’était pas à Séville au moment de la reprise du spectacle; il était en Russie et j’ai donc fait appel à un autre danseur. Tout en étant très reconnaissante des fruits de ma collaboration avec Iasonas lors de la première étape du spectacle, je dois dire que j’ai également beaucoup de chance de travailler avec Francisco Mesa « El Nano » qui est autant un très grand danseur qu’une personne exceptionnelle et qui a un parcours artistique très riche puisqu’il a été danseur de la compagnie de Cristina Hoyos pendant plus de 10 ans. La compagnie n’est plus active aujourd’hui, mais il a été présent dans pratiquement toute la dernière actualité de Cristina Hoyos. Il a travaillé aussi dans la compagnie de Mercedes Ruiz, avec Juana Amaya et dans le Ballet Andalou du Flamenco qui est aujourd’hui La Compañia Andaluza de Danza. De plus, il est professeur de Flamenco à l’Ecole d’Alicia Marquez, entre autre, et il travaille régulièrement au Museo del Baile Cristina Hoyos, à Séville, où jouent aussi Jesus Flores et Juan Torres, les musiciens qui m’accompagnent. Donc cela a été très enrichissant de revoir le spectacle avec lui.

Dans cette deuxième étape, l’idée était aussi d’approfondir la scénographie. On a retravaillé beaucoup de parties notamment le moment où le fil rouge apparait sur scène. Nous avons retravaillé les chorégraphies aussi; il a apporté ses propres chorégraphies et son propre style. Je suis donc très heureuse de travailler avec lui et je remercie encore Iasonas qui s’est beaucoup impliqué dans ce spectacle.

- Dans ce spectacle, il y a plusieurs disciplines et univers qui s’imbriquent, n’est-ce pas?

- Oui, plusieurs disciplines se croisent autour du Flamenco qui reste le langage principal de ce spectacle. La danse, la musique et le chant appartiennent au registre du Flamenco traditionnel mais il y a un passage contemporain et dans cette partie, la musique off n'a rien à voir avec le Flamenco, bien qu'elle soit amenée par la guitare avec continuité. Une part de textes est aussi présente, j'ai toutefois réduit beaucoup le texte par rapport à mon idée de départ et nous avons accordé aussi beaucoup d’importance au travail des lumières, réalisé par un ingénieur lumières qui a pris part à cette création, et son travail occupe une partie essentielle du spectacle.

- Tu as vécu plusieurs années à Séville. Cette ville, que t’a-telle apportée par rapport à cette création?

- Cette création est le fruit de mon vécu à Séville et de ma rencontre avec Jesus Flores et Juan Torres, les musiciens avec lesquels je travaille depuis plusieurs années. Lors du spectacle au Théâtre de la Cité Bleue, à Genève, il y aura aussi le chanteur Miguel Picuo.

J’ai vécu pendant 8 ans à Séville et j'y ai fait de nombreux allers-retours depuis plus de dix ans. Pour des raisons économiques, dû à la situation actuelle en Espagne qui m'affecte actuellement, je me trouve paradoxalement à immigrer dans ma ville natale où je viens tout juste de m’installer pour une durée qui m'est encore inconnue, mais avec de beaux projets en perspective qui me mèneront dans un pays ou un autre.

Ce spectacle s’est ainsi réellement crée à Séville. Vivre dans cette ville qui est en quelque sorte ma ville adoptive, a nourri mon inspiration pendant des années. J’ai toujours souhaité mettre ce vécu-là dans mes créations et pouvoir le partager au public. C'est important pour moi d'offrir au public une création issue du berceau du flamenco avec des artistes en qui je crois sincèrement et qui vivent cet art au quotidien.

Nous allons donc présenter ce spectacle à Genève, au Théâtre de la Cité Bleue les 26-27 avril prochains, grâce au soutien de cette ville et à d’autres organismes ayant permis de réaliser cet événement. J’espère également pouvoir présenter ce spectacle à Paris et dans d’autres villes aussi, l’année prochaine.

- Pour ceux qui sont du coté de Genève, pourrais-tu préciser ton actualité pour cette saison?

- Il y a plusieurs projets qui auront lieu, en parallèle au spectacle « Fil rouge » donné au Théâtre de la Cité Bleue les 26-27 avril. Nous allons présenter un spectacle plus traditionnel dans une fondation pour les Arts et la Culture, tout près de Genève (La Fondation Engelberts pour les Arts et la Culture à Mies), ainsi que dans une Maison de Quartier, à Genève, le Théâtre de La Traverse, du 2 au 4 mai 2013. Des stages de chant, guitare et danse auront aussi lieu sur la même période: le 28 avril et le 4 mai

nous donnerons des stages de chant avec Jesus Flores et de guitare avec Juan Torres. Je donnerai un stage de danse sur deux niveaux et tous ces cours auront lieu à l'Académie de Danse Flamenca « Al Andalus », de Antonio Perujo, à Genève. Je tiens vraiment à le remercier. Il y a un réel esprit de solidarité dans le milieu Flamenco à Genève. Je remercie aussi les danseuses et écoles de danse qui ont contribué à diffuser l'information, de tout cœur, Ana La China, La Cueva Flamenca, l'Adem, Rebeca et bien d'autres.

Il y aura aussi des ateliers portes ouvertes le 1er mai à « La Traverse », Maison de Quartier des Pâquis, ainsi qu’une exposition de photographies autour de l'Arte flamenco par le photographe Jean-Christophe Arav, au Théâtre de la Cité Bleue les 26-27 avril. Ce photographe m’a souvent accompagnée dans mes spectacles et il a pris aussi des photos dans de nombreux Festivals en France et en Espagne. Le contenu de son exposition sera donc très riche.

- Est-ce que tu continues à enseigner à Genève?

- Je donnais déjà des stages régulièrement dans cette ville, et je vais reprendre cette activité après les spectacles de ce printemps, de façon régulière.

- Qui est l’auteur de la magnifique affiche de ton spectacle « Fil rouge »?

- Oui, je voudrais remercier Vega pour la réalisation de cette affiche. Vega est un peintre qui réside à Séville. Gitan, il appartient aussi à la famille des danseurs avec lesquels j’avais travaillé les premières années. J’ai fait appel à lui pour la réalisation de cette affiche. Il a travaillé à partir d’une photo qu’il a peinte et redessinée. J’ai vraiment pu lui parler du spectacle, de sa symbolique et il a su transmettre son atmosphère en image. Je suis très contente de faire découvrir son travail par ce biais aussi, car c’est un peintre qui a une riche production artistique et je vous invite à découvrir son œuvre.

- Merci Alba pour cet entretien et à très bientôt

- Merci à toi Isabelle!

Visiter le site Web d'Alba Lucera: http://www.albalucera.com