Musique Alhambra

L'Actualité du Flamenco

 

  

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Interview d'Alba Lucera réalisée par Isabelle Jacq ‘Gamboena’,

en décembre 2009, pour Musique Alhambra.

 

 

Alba Lucera

 

- Alba, depuis notre rencontre à Sanlucar en 2006, dans le cadre du Festival International de Flamenco organisé par l'équipe de Planète Andalucia, tu as vécu des évènements importants dans ta carrière artistique, n'est-ce pas?

-Oui, après le spectacle à Sanlucar, j'ai encore passé plusieurs mois à Séville et je me suis produite au Tablao  'A Contratiempo', tenu par  Raquel Villegas, danseuse qui s'était produite aussi au Festival de Sanlucar. Puis, je suis retournée à Paris pendant une année où j'ai continué à me produire avec diverses formations et à enseigner la danse au Centre des Arts Vivants. J'ai remplacé la danseuse Isabel Aguirre pendant sa grossesse et j'ai enseigné dans plusieurs lieux de la capitale. L'année suivante, j'ai beaucoup travaillé avec le guitariste Nico « Duque » et nous avons monté avec d’autres danseuses et musiciens une petite compagnie, la Compagnie Castaña. Nous avons tourné dans différents festivals à Genève et en France, puis à Planète Andalucia, en 2007. Après cela, je suis repartie à Séville poursuivre ma formation de baile à l’école d’Alicia Marquez et de Manuel Betanzos entre autres, tout en faisant un Master en littérature hispano-américaine contemporaine et me produisant à l’étranger; ça a été une année assez chargée, je donnais aussi des stages et des spectacles en France, en Suisse et en Martinique. Depuis plus d'une année, j'ai arrêté mes études et je me consacre désormais entièrement au Flamenco, à la danse.

- Ton parcours artistique est assez polyvalent, n'est-ce pas?

- Oui, j'ai commencé par la musique et plus précisément  le piano que j'ai joué pendant 10 ans. Je dansais aussi. Puis j'ai fait du théâtre, mais le Flamenco a pris, depuis mes 15 ans, une place prépondérante dans ma vie et m’a menée jusqu’ici à Séville.

- Est-ce dans ta ville natale que tu as rencontré le Flamenco?

- Oui, à Genève. Un peu par hasard au départ, à travers ma cousine qui en était passionnée. J'avais 15 ans. Très vite j'ai assisté à un spectacle de Flamenco réalisé par la danseuse Ana la China –qui a été mon premier maître – et des artistes de Jerez, ça a fait l'effet d'un tremblement de terre en moi. Je me suis dit que j'avais vraiment envie de partir en Espagne. J'avais commencé la même année  à Genève l'apprentissage de la danse flamenco. Quelques années plus tard, je suis partie me former à plein temps dans des écoles de Flamenco à Séville, j'avais 19 ans. S’en sont suivis beaucoup d’allers-retours entre l’Andalousie et la Suisse et de séjours à Séville durant plusieurs années. Par la suite, je suis partie à Paris où j'ai vécu 2 ans en travaillant comme danseuse de flamenco, puis je suis repartie à Séville et depuis deux ans, je suis installée dans cette ville.

- Pourquoi cette fascination pour le Flamenco?

- Le flamenco, c'est ce qui m'atteint le plus dans mes entrailles. Le chant, la musique et la danse Flamenco me touchent au plus profond de mon être. Dans le Flamenco, il y a une grande palette d'émotions ancrées dans du vécu ; l'aspect tragique et aussi la joie, tout ce qui nous habite. J'aime la façon dont tout cela se traduit dans le chant, la musique et la danse. Dans le Flamenco, il y a aussi un contact et un encrage très fort avec la terre. Cette dimension me plait beaucoup : faire le lien entre le haut et le bas, les racines et le ciel.

- Mènes-tu une quête vers ta propre féminité à travers cette expression, ou est-ce autre chose qui te pousse à pratiquer cette danse?

- Même si l'expression de la féminité est très forte et très belle dans le baile, je crois que dans le Flamenco nous exprimons un équilibre entre notre part féminine et notre part masculine, ces deux aspects étant présents en chaque individu, qu'on soit un homme ou une femme. Ce sont ces contrastes que je trouve intéressant à traduire, à travers la danse : la sensualité, la douceur et la force qui finalement sont des notions qui vont au-delà des genres et prennent des chemins multiples. Danser est un besoin et une passion qui ne passent pas seulement par la réflexion. C'est quelque chose de très instinctif. C'est le besoin naturel que le corps éprouve à l'écoute d'un chant, ce besoin de traduire par la danse ce que l'on ressent très fortement en soi.

- Ton passage à Paris, que t'a-t-il apporté?

- Bien que l'Andalousie ne soit pas à côté de Paris, mon séjour dans cette ville m'a beaucoup apporté, d'un point de vue professionnel et aussi personnel. J'ai rencontré beaucoup de danseuses avec qui je garde de belles relations, comme Alejandra Gonzalez qui est devenue une amie très proche (nous avons aussi vécu ensemble à Séville) et j'ai travaillé souvent à Planète Andalucia, un lieu qui a eu une place importante dans mon parcours. Il y a aussi ma rencontre avec le guitariste Nico « Duque ». C'est aussi dans cette ville que j'ai commencé à enseigner. J'ai des élèves fidèles que je suis toujours très heureuse de retrouver quand je viens donner des stages ponctuels ici. A Paris aussi j'ai fait une formation de danse-théâtre, avec Nadine Abad comme directrice de cette formation. Ma rencontre avec Nadine est marquante et significative dans mon parcours ; nous avons des projets ensemble, notamment une création entre flamenco, poésie et danse-théâtre. Il se passe beaucoup de choses à Paris, d'un point de vue artistique.
 

- Séville est une ville qui a aussi beaucoup d'importance pour toi. Quels sont les maîtres qui t'ont formés là bas?

- Oui. Quand je suis arrivée à Séville, à 19 ans, mon premier maître était Javier Cruz, qui est malheureusement décédé depuis. J'ai beaucoup étudié avec Manuel Betanzos ainsi qu'avec d'autres maîtres qui venaient dans son école, comme Andres Peña, Rafaela Carrasco, et aussi à l’école d’Alicia Marquez. J'ai appris aussi avec Manolo Marin et Juana Amaya.

En fait, j'ai eu beaucoup de différents maîtres. Et puis en dehors des écoles c’est aussi le flamenco vécu à travers des rencontres avec des musiciens et danseurs, des amitiés, des juergas, des fêtes. Quelques années plus tard, j’ai vécu à Jerez et là aussi le flamenco se vit dans le quotidien.

- Actuellement, tu prépares un spectacle. Pourrais-tu nous parler de ce projet?

-  Ce spectacle intitulé « Fuerza y Temple » est le fruit de ma rencontre avec ' El Jara' , danseur gitan qui a obtenu le prix « Jóvenes valores » de la Federación de Peñas de Séville en 2008, ce prix est une grande reconnaissance pour les jeunes artistes. J'ai rencontré  El Jara  au studio de danse où je répétais avec un guitariste, Jose del Valle  pour notre dernier spectacle à Planète Andalucia en février 2008. Nous avons sympathisé et l'idée de réaliser un projet ensemble est née. Notre collaboration s'annonce très riche car c'est un danseur de grande qualité, au style gitan très authentique. Il a appris à danser  avec sa mère 'la India', une bailaora très reconnue surtout dans les années 80, et son grand-père Vicente Pastor, tous de famille gitane de Triana. Toute la famille enseigne dans leur école. Son frère Miguel Angel Vega 'El Jari ' est aussi danseur et nous avons décidé de l’intégrer à ce spectacle. C'est une belle rencontre tant au niveau artistique qu’humain et nous avons le projet de poursuivre cette collaboration et diffuser notre spectacle à l’étranger et en Espagne. C’est intéressant pour moi de travailler cette fois avec des danseurs car j'ai beaucoup travaillé avec des femmes, auparavant.

- Quel est le thème de ce spectacle?

- Ce sera un spectacle traditionnel, il y aura des solos, des duos et des trios. Le thème va se révéler dans la rencontre de nos styles différents et de leur union à travers la danse. Ce sera la rencontre du parcours de chacun, eux avec leurs racines Flamencas gitanes et moi, avec une autre histoire habitée de sentiments qui se rejoignent à travers le Flamenco.

- Ta rencontre avec 'Los Jara' est-elle récente?

- Elle s'est réalisée en février dernier. Je suis restée en contact avec El Jara  avant l'été. Nous pensions concevoir un travail ensemble à cette période, mais cela a été reporté. Nous avons commencé réellement à travailler ensemble et à monter les danses cet automne.

- Te considères tu comme une danseuse Flamenca traditionnelle ou plutôt comme une danseuse à la recherche de métissages et qui se nourrit de formes et de styles de danse différents?

- Tout en étant dans le Flamenco traditionnel, j'ai une ouverture sur d'autres formes de danse ou d'arts comme le théâtre par exemple, bien que je n'ai jamais exploré cette dimension d'une manière consciente dans le baile car le Flamenco recèle naturellement une forme de théâtralité. Dans le Flamenco traditionnel, il y a une infinité de choses possibles. Néanmoins, un projet de rencontre de styles, de différentes disciplines artistiques comme le théâtre et d’autres formes de danse est en train de germer, mais pour le moment le projet est en gestation.  Les métissages des formes artistiques sont très riches et intéressants. Tout dépend si cela a du sens.

-Ton spectacle, ce sera du Flamenco traditionnel avec des musiciens?

-    - Oui. Les musiciens sont de Séville. C'est une chance de pouvoir travailler avec eux car ce sont d’excellent musiciens. Au chant, il y a Fariña, chanteur avec lequel je travaille depuis plusieurs années. Une belle amitié s'est crée entre nous. L'autre chanteur se nomme Jesus Flores, il est de Morón de la Frontera (province de Séville), un des berceaux du flamenco, et travaille dans de nombreux tablaos, théâtres et festivals en Andalousie et à l’étranger. A la guitare, il y a Juan Torres aussi de Morón et installé à Séville. Ce guitariste accompagne souvent El Jara et joue dans divers tablaos de Séville, notamment dans le Musée du Baile Flamenco de Cristina Hoyos .

-  - Quand et où aura lieu la première de ton spectacle 'Fuerza y Temple' :

-   - A Genève au Théâtre de l’Alhambra les 29-30 janvier 2010, puis nous jouerons à Paris en septembre prochain. J’espère vous y retrouver nombreux et nombreuses !

-  - Merci Alba pour ces précisions et cet entretien. A très bientôt.

-  - Merci à toi Isabelle !

 


  Visiter le site web d'Alba Lucera:  http://www.albalucera.com