Rocío Márquez est en train de réussir un tour de force incroyable : celui de mettre tout le monde d’accord…

Les néophytes, à qui elle ouvre d’emblée par la pureté et la douceur de sa voix les portes d’un monde, le Flamenco, jugé souvent dur et hermétique. Séduits, cueillis même, ils sont transportés dans un univers où la palette d’expression des sentiments humains atteint une richesse inouïe.

Les exigeants aficionados (amateurs éclairés) ont quant à eux été convaincus par son talent et sa maîtrise des palos (styles, formes) les plus rythmiques et les plus orthodoxes du flamenco…

Bien qu’encore jeune (elle est née en 1985), Rocío Márquez est une voix dont la portée au sein de sa communauté ne cesse de grandir et il en est donc de même, ce qui est assez rare pour être souligné, auprès d’un public plus large : intensité de l’interprétation, mélismes subtils, clarté exceptionnelle de la voix, sobriété et précision du chant... Loin des effets de séduction dont il est si facile d’abuser, Rocío Márquez a choisi la voie d’un art pur, dépouillé et sincère. Si elle séduit le public, ce n’est pas grâce à son élégance ou sa beauté mais par son seul talent. Comme elle le dit elle-même : « Je ne veux pas jouer la comédie de certains cantaor qui chantent la misère alors qu’ils roulent en Mercedes ».

Bien que souvent (et à juste titre) associé aux Gitans, il faut se rappeler que le Flamenco est avant tout le fruit du métissage des cultures andalouses, gitanes, arabes, juives et aujourd’hui une tradition classée comme patrimoine immatériel de l’humanité.

Issue directement du sérail puisque native de Huelva (cité maritime du sud de l’Andalousie longtemps réputée pour ses chanteurs de Fandango, là où d’autres terres sont plus connues pour leurs guitaristes ou leurs danseurs), l’apprentie cantaora ne s’est pas contentée de copier par facilité ses contemporains comme le font de trop nombreux jeunes musiciens : elle a étudié en profondeur les raçines de son chant, écoutant, intégrant et s’appropriant l’art d’illustres aînés tels que Vallejo, Pastora, Gabriel Moreno, Tomás, la Niña de Los Peines. Condition sinequanone à la maîtrise d’un art et à l’acquisition d’une crédibilité artistique dans un milieu de connaisseurs. C’est à seulement 9 ans qu’elle se produit en public pour la première fois. Petit à petit, de concours en émission de télévision, la petite Rocío a commencé à attirer l’attention…

Le phénomène (car c’en est un) ne cesse de prendre de l’ampleur en Espagne et depuis peu en France où elle est de plus en plus présente sur scène lors de festivals ou de concerts, faisant à chaque fois une très forte impression.

C’est assurément la pureté de son chant et la solidité de sa formation qui font de Rocío Márquez une artiste hautement fédératrice.

Cet engouement croissant a explosé lorsqu’elle a fait sensation lors du Festival de Cante de las Minas de la Unión en 2007. L’évènement a lieu chaque année dans d’anciennes mines de la région de Murcie et c’est dans ce cadre recueilli et solennel que la jeune cantaora a définitivement acquis ses lettres de noblesse. Elle y a gagné le prix La Lámpara ainsi que 4 autres premiers prix, chose qui n’était pas arrivée depuis Miguel Poveda… Ce fut un véritable  tournant dans sa carrière : « Chez moi, personne de se dédiait au flamenco de façon professionnelle, je n’avais donc pas de nom. Je n’avais personne qui pouvait me soutenir, et donc cette reconnaissance m’a aidé à ouvrir d’autres portes. Je ne pense pas que les concours soient la seule façon, mais c’est une option qui existe, et j’en suis très reconnaissante. Je ne sais pas si j’aurais obtenu la même chose sans ces prix ».

Car Rocío Márquez est désormais membre aux côtés de Paco de Lucia, Enrique Morente ou Miguel Poveda du club très fermé des Payos, les non gitans, ayant parvenu à s’imposer dans le monde du Flamenco tout en l’ouvrant au grand public.

Il était donc temps pour elle, après la reconnaissance de ses pairs, de confier au disque le fruit de son talent et de ces années de travail.

« Claridad » est un album pur, élégant, aux arrangements et à la production particulièrement soignés qui mettent en valeur la voix aérienne de la jeune andalouse.