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Spectacle 'Poeta en Nueva York',
au Théâtre de Chaillot, le 17 mai 2008.
Reportage réalisé pour
Musique Alhambra
Texte: Isabelle Jacq
Photos: Nathalie Goux
Crée en 2007 dans le cadre du cycle 'Lorca y Granada en
los jardines del Generalife' dédié à Federico Garcia Lorca, le spectacle
'Poeta en Nueva York' (Un poète à New York) était présenté
du 7 au 17 mai 2008 au
Théâtre de Chaillot, à Paris. Retour sur ce magnifique spectacle
imprégné de l'univers lorquien.
'Un poète à New York', c'est aussi le titre
du recueil de poèmes de Garcia Lorca inspiré par son séjour d'un an à la Columbiana University, à New York, en 1929. Le spectacle met en musique,
en chant et en danse le vécu du poète et son ressenti lors de ce
séjour dans lequel il vit un véritable choc culturel, une perte totale de
repères , loin de son Andalousie natale. Sous la direction musicale
de Tao Gutierrez et dans une scénographie de Pierre Attrait,
Blanca Li
met en scène la rencontre entre l'andalou et l'Amérique dans un
spectacle pluridisciplinaire où flamenco, jazz et hip hop
se croisent et se mêlent dans des chorégraphies explosives. Il en résulte un
superbe métissage culturel et musical qui colore le spectacle. Le Flamenco est représenté par le charismatique danseur Andres
Marin qui tient le rôle principal, celui du poète à
New York. Il sera présent sur scène
dans différents tableaux
en exécutant des
chorégraphies d'une incroyable inventivité. Sa
présence et la force de son baile captiveront le public tout au long de
la représentation. Seul danseur Flamenco parmi une troupe internationale
conséquente qui incarne la multiplicité culturelle et qui danse du jazz
et du hip hop, il fallait que le soliste soit exceptionnel pour exister sur scène, sans être
aspiré par l'énergie époustouflante des autres danseurs . Andres Marin est le danseur qu'il
fallait car, non seulement c'est un bailaor hors du commun, mais l'aspect contemporain de son
baile s'adapte
aussi à merveille à
la diversité des langages chorégraphiques présents dans ce spectacle. Il traduit avec force et
profondeur ce qu'éprouve le poète envahit par le sentiment de solitude, de
décalage avec les autres, cette
détresse profonde dans laquelle il se trouve lors son séjour, l'aspect
violent et obscur de son ressenti étant accentué par le contexte de crise
économique et sociale qui ronge l'Amérique, à cette période.
Le Flamenco est présent aussi dans la musique, à certains moments du spectacle,
notamment lorsque les musiciens accompagnent la grande Carmen Linares,
chantant des extraits de poèmes à qui répond le chanteur de jazz Rob-Li.
Avec sa voix poignante et sa
jondura,
Carmen Linares porte l'émotion à son paroxysme. Tirées de
l'iconographie américaine, quelques scènes de
cabaret de Harlem et des passages à la West Side Story ponctuent
le spectacle. Celui-ci déborde de temps forts,
étonnants, de scènes étranges conférant à l'œuvre un aspect surréaliste,
comme par exemple, lorsque les
danseurs se couvrent la tête d'une valise et effectuent des figures acrobatiques. Wall Street est
judicieusement représenté par une projection vidéo de chiffres et
d'enseignes lumineuses qui
balayent le fond de la
scène, tandis que les danseurs effectuent des chorégraphies mécaniques
et répétitives sur des
escabeaux, vêtus en costumes
cravate pour les hommes et en
tailleurs pour les femmes. L'angoisse
et l'esclavage de l'homme par la machine, la société de consommation
y sont parfaitement représentés . Un autre moment impressionnant: lorsque
les danseurs vêtus de blancs et tachés de peinture rouge exécutent du
'body painting' en se lançant à corps perdus sur trois panneaux verticaux blancs et, en
glissant sur ces parois, laissent
des traces sur la toile, jusqu'à ce qu'ils s'écroulent au
sol, dans une terrible agonie . Cette scène traduit la mort du poète
à lui même lors de ce terrible choc culturel . Puis un rideau d'eau placé au devant de la scène vient
laver le corps des danseurs qui ondulent langoureusement sous les filets d'eau et se
délectent de cet élément. Cette eau bienfaisante évoque la renaissance du
poète , son inspiration nouvelle, la créativité extraordinaire qui
l'envahit lors de ce passage initiatique. La danseuse Blanca Li intervient
à la fin du spectacle dans une très beau duo avec Andres Marin.
Elle incarne la muse, l'inspiration du poète et son corps vibre de toute
la force créatrice qui émerge de son intériorité. Se référant à la découverte
de la havane que fait Lorca lors de son séjour , des danses cubaines concluent ce
spectacle dans une note festive . Puis, c'est une
standing ovation et de longs applaudissements de la part du public
qui prolongent ces instants extraordinaires et
témoignent du véritable succès qu'a remporté
ce spectacle.
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