Musique Alhambra

L'Actualité du Flamenco

 

  

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Interview de Sarah Moha réalisée par Isabelle Jacq, en novembre 2006, pour le site Musique Alhambra


Sarah Moha



-Isabelle:  Sarah Moha, tu es danseuse, chorégraphe et pédagogue et tu résides à Paris depuis plusieurs années où tu enseignes le Flamenco. As-tu toujours vécu à Paris ?


- Sarah:  En fait, je suis née et j’ai vécu mon enfance et mon adolescence à Marseille et à Montpellier avant de m’installer à Paris, à  l’âge de 23 ans.

- Pourrais-tu nous parler du contexte culturel dans lequel tu as baigné pendant ton enfance ?


- Mon père est originaire d’Afrique du Nord, du Maroc. Mon nom est d’origine Berbère. Du côté de ma mère, on vient aussi d’Afrique du Nord et, auparavant, d’Espagne. Pendant mon enfance j’ai donc vécu dans un univers culturel métissé

- Qu’est- ce qui t ‘a amené au Flamenco ?


- C’est venu au fur et à mesure. J’ai pratiqué beaucoup de danses avant de me plonger dans le Flamenco. De même que la première musique que j’ai écoutée n’était pas du Flamenco, c’était beaucoup de musique arabe, judéo arabe et sépharade, de la musique provenant d’Espagne. La culture maure était prédominante. J’ai commencé la danse à 9 ans, par du jazz. J’ai fait de la danse africaine ; j’ai toujours été attirée par la musique ; c’est ce qui m’a amenée à la danse. Le rythme a beaucoup d’importance dans la musique africaine. Dans le flamenco aussi. C’est aussi ce qui m’a attiré vers le flamenco, par la suite. Faire de la danse sur la rythmique, cela m’intéressait beaucoup. J’allais beaucoup en Espagne. Je cherchais une forme http://sitemusiquealhambra.free.fr/images/Sarah%20Moha2.bmpd’expression qui me correspondait vraiment,  à la fois par rapport à mes origines et aussi par ce que je voulais exprimer personnellement. Le flamenco a été une véritable rencontre entre ce que je cherchais, ce que j’étais et ce que je voudrais devenir, une vraie adéquation de tout cela. J’ai commencé le Flamenco vers 22 ans. Le terrain était prêt. Comme j’allais beaucoup en Espagne, je connaissais déjà les sévillanes. Mais la vraie rencontre avec le flamenco, elle s’est produite à paris, au Centre de Danse du Marais, où j’ai pris des cours . J’ai commencé avec Patricio Martin. Le 2è choc, c’est le premier voyage en Espagne, à Grenade, à l’école Carmen de las cuevas. C’est là que j’ai compris que le Flamenco était quelque chose de très fort. Je me suis reconnue dans cette expression parce que cela a réuni tout ce que j’ai cherché et que j’ai fait auparavant.

- Si on se réfère à tes origines, c’est comme si  tu avais remonté le temps en quelque sorte, n’est-ce pas ?


- Oui, ce n’est pas pour rien que le choc s’est produit à Grenade, car c’est la ville la plus arabe de l’Espagne. C’est cela que j’aime en Espagne et c’est cela aussi qui m’attire dans le Flamenco. Cet aspect assez oriental et très mélangé avec des influences diverses. Le flamenco je l’appréhende comme cela…

-  Lorsque tu as pratiqué le Flamenco d’une manière intensive, était-ce d’une manière exclusive ?


- En plus du Flamenco, j’ai commencé des cours de classique, j’ai approfondi les cours de contemporain qui nourrissent le Flamenco.

- Sarah, comment définirais-tu le Flamenco ?


- Le Flamenco, ce n’est pas seulement l’expression d’une culture. C’est vraiment un art avant tout. C’est un mode d’expression artistique en tant que tel. Il permet à chacun d’exprimer sa sensibilité. C’est le résultat d’un mélange d’influences diverses, c’est la quintessence de tout cela; c’est aussi art en mouvement, qui est en constante évolution.  De plus, le flamenco est un terrain d’expérimentation. Il est nécessaire d’acquérir les bases de cet art et, à partir de là, chacun peut se l’approprier, quelle que soit sa culture. Le Flamenco, dans son expression globale, c’est un va et vient de l’intérieur vers l’extérieur, une communication, entre les musiciens, danseurs, chanteurs. Et tout cela ce n’est pas loin de n’importe quelle autre culture et discipline artistique musicale

- A quel moment as-tu décidé d’entreprendre une carrière de danseuse de Flamenco ?


- J’ai mis 3 , 4 ans avant de me décider à me professionnaliser. J’ai eu la chance de danser assez vite sur scène. J’ai commencé avec Carmen Alvarez et avec  Maricarmen Garcia. Il y a eu un moment où je n’ai plus eu le choix. Je devais avoir 26 ans.

- Il y a plusieurs années, tu as crée une association nommée ‘Kahena. Pourrais-tu nous dire ce que ce mot signifie et à quoi il correspond pour toi?


-  La ‘Kahena’ est une femme  qui a vécu au 7e siècle en Algérie et qui est devenue une légende. C’est un personnage assez paradoxal. Elle est à la fois de confession juive, complètement païenne, sorcière, chef de guerre. On raconte beaucoup de choses sur ce personnage. Elle illustre bien ma quête pour retrouver un peu mes origines au travers du Flamenco. L’association Kahena, c’est aussi une volonté de mélange, de présenter le Flamenco à la fois d’une manière traditionnelle et aussi d’aller un peu ailleurs, présenter les éléments qui peuvent se mélanger sans pour autant basculer dans un ‘melting- pot’. Je remarque aussi que j’essaye de mettre à jour ce qui est immanent dans cet art. J’ai donc aussi cette envie de remonter le temps, de revenir aux origines et en même temps de m’ancrer dans le monde tel qu’il est. C’est la partie contemporaine de mon travail.

- Quelles sont les activités que tu proposes au sein de ton association ?


- Je donne des cours de Flamenco et de sévillanes ainsi que des stages réguliers à Paris. Je présente surtout des spectacles.

- Quelles sont les différentes créations que tu as réalisées et que tu proposes?


- Nous proposons trois spectacles différents : Flamenco traditionnel, Flamenco arabe et Flamenco contemporain. Le premier est un spectacle constitué d’une partie traditionnelle, un peu moins dans la forme car je ne peux pas danser comme une danseuse de Jerez bien que j’adore ce style. Je danse plutôt à ma manière, avec ma personnalité. J’essaye de travailler aussi avec des artistes qui vont dans ce sens là. Dans ce spectacle, la palette d’émotions est riche en sentiments et en couleurs : nous exprimons la fougue et l’énergie, la joie et la volupté. Dans le deuxième spectacle intitulé ‘Kahéna’ nous présentons une fusion du Flamenco avec la musique marocaine. Il s’agit d’une rencontre colorée aux origines Gnawa de la musique marocaine et de la tradition flamenca. Marocains, séfarades, espagnols, gitans s’invitent sur leurs territoires respectifs. Sur scène, nous rassemblons trois musiciens flamencos et un musicien marocain qui chante, joue des percussions et deux danseuses flamencas. Nous sommes donc 6 artistes sur scène..  La troisième proposition, c’est un spectacle Flamenco et danse contemporaine intitulé ‘Cinco de la tarde’, inspiré de l’œuvre de Lorca sur la mort du torero Ignacio Sanchez Mejias. Cette pièce se lit à travers la douleur de celle qui est restée, dans le souvenir de cette mort en direct, dans l’arène à cinq heures de l’après-midi. Je joue le rôle de la femme qui est restée après la mort du torero. On explore les sentiments sombres et profonds : la tristesse, la solitude au travers la solea, siguiriya… tous les palos jondo du Flamenco. C’est aussi une rencontre avec la danse contemporaine, le fruit d’une collaboration avec des danseuses  spécialisées qui se sont mises au Flamenco et avec lesquelles nous travaillons depuis plusieurs années. Nous dansons sur de la musique flamenca traditionnelle. Nous avons les musiciens sur scène, ce qui a beaucoup d’importance pour moi.

-  Pourrais-tu nous expliquer plus précisément les raisons qui te poussent à établir, dans ce spectacle,  une rencontre entre la danse contemporaine et le Flamenco?


- En fait, la danse contemporaine est une vraie ouverture sur un autre langage. Dans cette danse,  un mouvement peut dire quelque chose alors que dans le flamenco, on a une gestuelle et autour de cela,on va s’exprimer. Dans ce spectacle, nous associons la danse contemporaine au Flamenco. Nous utilisons le vocabulaire et la gestuelle du Flamenco pour exprimer quelque chose et interpréter un personnage. C’est ce que je trouve intéressant.

- Quels sont tes projets de spectacles, de création ?


- Nous avons le projet de monter un spectacle de Flamenco traditionnel intitulé « En el Camino del Sol »à Planète Andalucia, à Montreuil/Bois. C’est donc une création de Planète Andalucia et P.A Production dirigée et chorégraphiée en commun avec les autres danseuses. Dans ce spectacle, je propose du Flamenco traditionnel, avec un aspect ‘moderne’ dans la mise en scène. C’est un spectacle construit, festif, dynamique et qui montre toutes les facettes du Flamenco. Les danseuses évolueront sur la scène en duo, trio ou en quatuor. Il y aura aussi plusieurs danses à l’unisson. C’est un projet qui me tient beaucoup à cœur et que nous présenterons au public, à Planète Andalucia, les 13 et 14 avril prochains. Auparavant, nous nous produirons les 17 et 18 mars 2007 à Bourges et le 28 mars à Paris, au Cabaret Sauvage avec de la danse orientale et Tzigane. Nous serons aussi le 11 mai, à Nérac .

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Merci Sarah pour le temps que tu nous as accordé pour cet entretien. Nous serons sûrement nombreux et nombreuses à assister à tes spectacles et au Ballet flamenco ‘En el Camino del Sol’. A Très bientôt!