Interview de Fran
Espinosa réalisée par Isabelle Jacq en octobre 2006 pour
le site Musique Alhambra

Fran Espinosa, Bailaor
Isabelle: -
Fran Espinosa, tu es danseur de Flamenco, pédagogue et tu
résides à Cordoba, en Andalousie où tu enseignes le Flamenco. En
parallèle, tu es très sollicité comme professeur en Espagne, France,
Luxembourg et en Suisse. Tu honores les aficionados en
venant à Paris et en leur proposant régulièrement des stages de
Flamenco et de Sévillanes. Quelles sont tes impressions sur le Flamenco
en France ?
Fran: - Il y a
beaucoup d’aficionados, c’est vraiment impressionnant ! On se
demande comment c’est possible. Je remarque aussi des niveaux très
différents parmi mes élèves.
I: -
Penses-tu qu’en France le
niveau du Flamenco est le même qu’en Espagne ?
F: - En Espagne,
et plus particulièrement en Andalousie, le Flamenco se pratique tout le
temps, du matin au soir. De plus, les aficionados effectuent de
nombreuses heures de cours. C’est pour ces raisons qu’avec le même
nombre d’années de pratique, un élève qui pratique le flamenco en
Espagne n’a pas le même niveau que celui qui suit un apprentissage en
France. Cela n’empêche pas qu’il y ait beaucoup d’aficionados en France
et qu’avec le temps, les élèves atteignent un excellent niveau.
I: -
Ton lien avec le Flamenco ,
comment s’est-il établi?
F: - Mon aficion
pour le Flamenco ne provient pas directement de ma famillle ; néanmoins,
ma mère écoutait beaucoup de musique et chant Flamenco. J’avais 4 ans
quand j’ai dansé le Flamenco pour la première fois ; c’était Noël. Nous
habitions à Cordoue ; notre maison jouxtait celle de plusieurs familles
gitanes. Une famille gitane se tenait autour d’un feu de bois et faisait
des compas, chantait por buleria et je suis sorti de la maison et j’ai
vu ça. Je me suis approché d’eux et j’ai commencé à faire le compas avec
eux , puis je me suis mis à danser. J’ai senti que cela me plaisait
beaucoup et les gitans m’ont encouragé à continuer la danse.
I: -
As-tu suivi une
formation, par la suite ?
F: - Oui,
jusqu’à l’âge de 18 ans, j’ai été l’élève de Mariló Regidor, célèbre
bailarora de Cordoue. Puis, j’ai enrichi ma formation avec Javier
Latorre, Israel Galván, Eva La Yerbabuena et José Galván.
I: -
Très vite, tu as commencé à
monter tes propres chorégraphies, n’est-ce pas ?
F: - Oui, la
première chorégraphie que j’ai montée, c’était à l’âge de 10 ans, pour
un festival flamenco; on m’a proposé de danser. Ma professeur était
enceinte ; elle a monté pour moi une chorégraphie, assise sur un chaise,
et je l’assimilée. Comme je devais montrer deux danses, il fallait que
je me débrouille pour la deuxième. Alors j’ai pris une cassette audio,
j’ai construit un schéma de chorégraphie puis j’ai improvisé sur scène
sur une alegria de La Susi ; C’est la première fois que je dansais sur
scène avec ma propre chorégraphie et ça a beaucoup plu.
I: -
Comment pourrais-tu caractériser ton baile. Appartiens-tu à une école
précise ?
F: - C’est
aux autres d’en juger. Tout ce que je peux te dire c’est qu’on apprend
de tout le monde, même des danseurs peu connus. Oui, je suis issu de
l’école de Marilo Regidor qui m’a donné les bases, puis il a fallu que
j’évolue par moi-même et que je me nourrisse d’enseignements divers.
J’ai donc réalisé des stages avec des grands danseurs et je fréquente
aussi les cours de professionnels moins connus pour chercher autre
chose, pas seulement la technique. Ce qui est important pour un danseur,
c’est de garder sa personnalité, de se découvrir au travers la danse. Il
faut essayer d’être personnel, apprendre des autres artistes et de voir
des archives. Même une photo de Carmen Amaya avec le coude en haut,
c’est un apprentissage. Le Flamenco c’est aussi des images qui sont
dessinées avec le corps et dans le corps humain, il y a beaucoup
d’articulations à bouger.
I: -
Lorsque tu enseignes le
Flamenco, quels sont les principes essentiels de ta pédagogie?
F: - Le principe
de base, c’est se placer dans son corps, de faire comprendre tous les
mouvements du corps, pourquoi la main va en haut et le pied va à gauche
ou à droite. Quand j’enseigne une chorégraphie, j’explique les pas ;
mais ensuite, il faut que l’élève danse et transmette personnellement ce
qu’il a appris. Chacun a sa façon de faire. Ce n’est pas suffisant de
maîtriser la technique ; il faut aussi qu’il me dise quelque chose. Il
faut qu’il exprime quelque chose. Danser, c’est s’entraîner tous les
jours et faire évoluer le Flamenco sans l’effacer.
I: -
Pourrais-tu nous parler de ta
création la plus récente ?
F: - Oui, j’ai
crée le spectacle « Flamenqueria » en 2004. C’est vraiment beaucoup de
travail. Les artistes qui ont participé à ce spectacle sont José Antonio
Castellano ‘El Séneca’, qui a obtenu le prix National de chant de
Cordoue en 1986.Au chant : Rafael Alvarez’El Fali’, aux palmas : José
Porras Farina, qui est le président des artistes Flamencos de Cordoue ;
aux percussions : Cédric Diot, à la guitare : Paco de Dios, un grand ami
de longue date et Rafael Trenas.à la danse : Rocío Barranco.
I: -
Quels sont les palos que tu
interprètes dans ce spectacle ?
F:- Les grands
palos interprétés sont : la Alegría de Córdoba , la soleá de Córdoba,
martinete, soleá por bulería, la rondeña, el Taranto ; en fait, il y un
éventail de palos chantés et dansés dans ce spectacle .
I: -
Fran, quels sont tes projets
dans les mois qui viennent ?
F: - Je
vais danser dans la province de Cordoue en novembre, puis je pars en
Suisse, à Genève, puis au Luxembourg où je donnerai 4 stages. En
décembre, nous revenons à Paris, puis au Luxembourg et après c’est Noël.
Nous allons à Cordoue et à partir de Janvier ; j’ai le projet de me
préparer au concours National de Cordoue.
Je souhaite aussi organiser 4 Stages à
Paris au cours de l'année 2006/2007 afin que les stagiaires acquièrent
les 4 sévillanes pour participer à la Feria de Cordoba.
J’aimerais organiser ce voyage à Cordoue également
pour
une rencontre Flamenco-Sévillane à la Peña Flamenca Fosforito.
I:
Quel est ton souhait le plus
cher dans ta carrière artistique?
F: - Mon
souhait, réellement, est de continuer à apprendre , toujours et d’avoir
la santé nécessaire pour continuer à évoluer ; tout le reste viendra si
cela doit venir…Un autre souhait serait de fonder ma propre compagnie.
Si cela doit arriver, cela viendra avec le temps.
I: -
Quel conseil pourrais-tu donner
à ceux qui pratiquent le Flamenco?
F: - L’univers
du flamenco est un monde très vaste où est nécessaire de bien connaître
tous les
rouages. Il y a des aspects très beaux et d’autres plus
tristes. Récemment, El Mono de Jerez nous a quitté. C’est toujours
triste quand un artiste nous quitte. Mais, c’est la vie. Le meilleur
conseil que je puisse donner aux aficionados est de pratiquer avec
régularité, de rencontrer des artistes, voir des spectacles, regardez
des vidéos,écouter la musique et le chant Flamencos. Quelle que soit
notre nationalité,, tout le monde peut pratiquer le flamenco et peut
avoir ‘El Arte’ car le métronome de l’art n’existe pas !. Il faut donc
prendre du plaisir en pratiquant du Flamenco ; ‘disfrutar’. Quand les
élèves ont le sourire et que je vois qu’ils sont heureux, alors je sens
que cela vaut la peine de travailler, d’enseigner et de pratiquer le
Flamenco.
I:
Nous te remercions beaucoup Fran
pour le temps que tu nous a accordé lors de cet entretien…Fran,
tu reviens à Paris prochainement pour un
stage de flamenco qui s'adresse aux élèves d'un niveau intermédiaire . Les palos
étudiés seront Tientos y Tangos. Donc , au nom de tes élèves et de tes
aficionados (as), nous te disons à très bientôt!
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