Interview de Mathias
Berchadsky 'El Mati' réalisée par Isabelle jacq 'Gamboena',
en juillet 2009,
pour Musique Alhambra
Mathias Berchadsky
- Mathias, tu
étais récemment en tournée au Québec, n’est-ce pas ?
- Oui, avec Myriam Allard pour quelques
concerts et un stage de guitare.
- Nous te voyons souvent
sur la scène Flamenca ; tu accompagnes des danseurs et
plusieurs formations. Quelles sont tes collaborations
récentes ?
- Chronologiquement, juste avant ma tournée
au Québec, il y avait celle avec le danseur Alejandro
Granados. J’accompagnais ses cours quand j’étais à
Séville, il y a 7 ans de cela. J’ai aussi accompagné
Cristina Rosmini pour son spectacle ‘Sous l’oranger’ au
café de la Danse, à Paris. Je travaille de temps à autres
avec Karine Gonzales et Estefania Suissa. En
fait, les gens me contactent au pied levé. C’est ainsi que
je me suis retrouvé avec La Farruca, à Planète
Andalucia. Donc je suis un peu ce que les anglophones
appellent un «Sideman » c'est-à-dire un musicien qui joue
avec plusieurs groupes. Cela dit, je propose parfois des
concerts suite à des rencontres musicales fortes, souvent en
partenariat avec flamenco en France : en 2004, il y a eu
La Tremendita. Cette année, Alejandro Granados
est venu, c’était super.
- Tu as d’abord pratiqué
le jazz avant de te lancer dans le Flamenco. Pourrais-tu
nous expliquer ton parcours ?
- J’ai choisi le jazz quand j’étais gamin en
partie parce que mes professeurs étaient branchés jazz. Les
professeurs que j’ai eus m’ont vraiment transmis l’amour de
la musique presque avant l’amour de la guitare.
- As- tu pratiqué
longtemps le jazz ?
- Je l’ai pratiqué jusqu’en 1998. Quand
j’avais 18 ans, après le bac, je suis parti faire une école
de jazz à Nancy, école qui se nommait le C.M.C.N et qui
depuis se nomme le M.A.I. J’avais une formation très dense :
10 h par jour, moitié théorique, moitié pratique. Puis, je
suis arrivé à Paris, à 20 ans. Je ne connaissais personne et
j’avais beaucoup de mal à trouver un travail, alors je
passais beaucoup d’heures sur ma guitare. J’ai commencé à
m’intéresser à d’autres styles : le tango argentin, le jazz
manouche. Quelques années plus tard, alors que
j’accompagnais un chanteur pour la création de Vivendi, au
Musée des Arts Forains, nous avons partagé la loge avec deux
gitans des Saintes. L’un des deux, Daniel Ambroise
est devenu mon maître. D’ailleurs, je n’ai pas eu de
nouvelles de lui depuis cette période. Cela me ferait
plaisir d’en avoir..
- Nous passons le message…
C’est donc à cette période que tu as rencontré le Flamenco ?
- Oui, c’est la première fois que je voyais
quelqu’un jouer une Buleria devant moi. Gamin j’avais
découvert Paco de Lucia, par le fameux disque où il
joue avec Al Di Meola et Mac Laughin. Plus
tard, je m’étais procuré aussi l’album ’Solo quiero
caminar’ de Paco. J’étais très frustré de
m’apercevoir que je ne comprenais rien à ce qui se passait
dans ce disque. Daniel m’a pris sous son aile pendant
quelques mois et il m’a appris des choses fondamentales sur
le swing et le compás, choses que même en Espagne, je
n’ai pas retrouvé par la suite. Le Flamenco me plaisait de
plus en plus. J’avais un pote du C.M.C.N, David Tobena,
qui était parti s’installer à Séville. En 1998, je l’ai
rejoint là bas et il m’a aidé énormément à tous les niveaux.
C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier pour
l’accompagnement. A l’époque, je restais 2 ou 3 semaines à
Séville, puis je rentrais travailler à Paris, le temps de
pouvoir me payer un autre séjour à Séville. J’ai procédé de
cette manière pendant plusieurs années, jusqu’à ce que
j’aille m’installer à Séville pendant un an, mais
finalement, la meilleure formule c’est l’aller retour.
- Pourquoi ?
- Parce que je suis bien à Paris. Je crois
que c’est important de rentrer après un voyage, c’est la
dernière phase qui permet d’assembler tout ce qui s’est
passé et d’en restituer l’essentiel. Dans mon cas, c’est
indispensable pour la composition d’avoir ce sas et d’être
dans le calme et le silence.
- Tu as reçu aussi une
formation à la fondation Cristina Heeren, à Séville,
n’est-ce pas ?
- Oui, j’ai suivi le cours de spécialisation
qui, à l’époque, duraient 4 mois. J’ai pris des cours avec
Niño de Pura, Paco Cortez et Miguel Angel
Cortes, Miguel Orchando et avec des chanteurs : Paco
Taranto, Laura Vital. Là bas, il y a un vivier de
chanteurs qui ont tous étés formés par Najanjito de
Triana qui était une grande figure du cante
Sévillan. J’étais surtout intéressé par les cours
d’accompagnement au chant. Mon grand prof, celui qui m’a
toujours suivi, c’est Eduardo Rebollar. Il transmet
une énergie formidable et il adore le chant. Pour les cours
de guitare, un de mes préférés, c’était Paco Cortes.
Il m’a touché profondément.
- Quels sont tes maîtres ?
-Il y a beaucoup de musiciens qui m’ont
influencé, pas seulement des guitaristes, j’écoute beaucoup
de musique classique et encore pas mal de jazz, de musique
classique d’Inde, même AC/DC et Led Zeppelin…. Il y a
à apprendre de tout le monde. Pour ce qui est du flamenco,
bien sur Paco de Lucia, Tomatito… Depuis quelques
années je suis un inconditionnel de Juan Carlos Romero
qui a récemment fait un très bel album avec Carmen
Linares et qui a enregistré deux albums solos. Pour moi,
c’est le meilleur compositeur du moment. Le travail de
Rafael Riqueni m’a toujours beaucoup plu aussi.
Rafael, je l’ai rencontré dans le patio de la fondation
Cristina Heeren. Je me suis fait une demi-heure de
concert privé avec lui. J’en pleurais tellement c’était
magnifique.
- Qu’est-ce qui
t’intéresse dans le Flamenco ?
- Dans le Flamenco, il y a quelque chose de
direct. C’est un terrain d’investigation plus restreint,
très contraint et qui permet d’investir différemment la
musicalité. Ce qui me plait surtout, c’est le côté immédiat.
Il m’est arrivé de faire des vraies fiestas Flamencas et
j’en garde un souvenir inoubliable.
- Comment ressens-tu
l’accompagnement de la danse, dans le Flamenco ?
- Il y a quelque chose de très physique avec
la danse. Le travail d’accompagnement à la danse c’est une
activité qui est, à mon avis, très proche de l’acte sexuel.
Il y a un investissement physique très fort(...) Le
guitariste doit répondre à ce qu’implique la danse.
- Et l’accompagnement du
chant Flamenco, comment le perçois-tu ?
- Le chant, c’est la quatrième dimension. Le
chant, c’est la musique décadrée sur le cadre du compas.
Trouver le cadre d’un élément décadré et le garder dans le
rythme, c’est vraiment génial !
- Ton nom, d’où vient-il ?
- Je suis né en France. Mon père est à moitié
moldave, moitié du Lot, dans le sud ouest de la France. Ma
mère a des origines tunisiennes et polonaises. Il
n’y a donc pas une once de sang andalou dans tout cela, mais
bon, la musique n’est ni histoire de passeport ni histoire
d’hémoglobine.
- Pourrais-tu nous parler
d’une rencontre ou d’une collaboration artistique qui t’a
bouleversé ?
- Oui, La Tremendita. Je crois que je
n’ai jamais eu une connexion artistique pareille avec qui
que ce soit. Son père m’avait demandé de l’accompagner pour
un récital. J’avais contacté l’association ‘Flamenco en
France’ pour ce projet. Là bas, nous avons fait deux
récitals, en novembre 2004. Deux semaines plus tard, ils
m’ont rappelé pour faire une tournée en Espagne, dans les
peñas. J’ai joué à la Plateria, a los Tarantos
et un peu partout en Andalousie. Puis, il y a eu une
deuxième tournée dans les théâtres. Pour préparer tout ça,
je suis resté travailler chez La Tremendita pendant
10 jours. On était sensé travailler le récital mais on
s’est spontanément retrouvé en train de composer tout de
suit e. Le premier jour nous avons sorti une Alegria
qui est sur Myspace puis une Buleria. C’est
très rare d’avoir ce niveau de communication avec quelqu’un,
ça a été pour moi une vraie révélation. Nous passions 10
heures par jour à faire de la musique. La Tremendita
a une technique vocale hallucinante. De plus, elle est
guitariste, et pas des moindres. C’est une enfant prodige.
Elle entend très bien toutes les harmonies. Avec elle, il y
a un fantastique terrain de jeu et je serais ravi de
retravailler avec elle, à l’avenir.
- En parlant d’avenir,
quels sont tes projets ?
- Actuellement, je travaille sur la
composition de mon premier album. Nous entrons en studio
avant la fin 2009 et l’album devrait sortir courant 2010.
J’ai choisi de le produire moi-même car je souhaite être
totalement libre pendant la phase de création et
d’enregistrement. Par la suite, j’espère trouver des
interlocuteurs compétents et motivés pour m’aider à faire
avancer le projet sur scène.
- Est-ce un album de
Flamenco traditionnel ou plutôt ta vision personnelle du
Flamenco ?
- J’espère que ce sera les deux, la tradition
est indissociable de cette musique, le Flamenco c’est
basiquement 4 accords, sorti de cela, ça ne sonne plus
tellement comme du flamenco. Néanmoins je recherche avant
tout l’honnêteté et l’intégrité artistique, donc il y a
probablement des tas de choses pas authentiquement flamencas
dedans. Vous écouterez et on en rediscute ?
- Pourquoi avoir choisi de
réaliser ton premier album maintenant ?
- En fait, avant, je ne me sentais pas prêt.
Ce qui m’a vraiment mis la puce à l’oreille, c’est
l’enregistrement d’une série de récitals que j’ai fait avec
La Tremendita. Je m’étais mis en tête de composer
toutes les falsetas du spectacle. J’ai écrit 18
falsetas en 1 mois et demi que j’ai joué sur scène.
Lorsque j’ai écouté les enregistrements, j’ai commencé à
être touché par mon propre travail. C’est de qui m’a
encouragé à réaliser un album.
- Quelles sont tes
prochaines dates de spectacle en France ?
- Je ne les ai pas en tête. Elles sont toutes
sur Myspace…
- Merci
Mathias et nous te disons à très bientôt.

Visiter le site Web d'El Mati:
http://www.myspace.com/mathiaselmatiberchadsky
|