Musique Alhambra

L'Actualité du Flamenco

 

  

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Interview de Manolo Punto réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena', en janvier 2010,  pour Musique Alhambra

 

 

- Manolo Punto, tu danses le Flamenco depuis plusieurs années. Pourquoi as-tu choisi ce moyen d'expression?

- Je suis venu au Flamenco assez naturellement. Mes parents étaient des aficionados. Depuis des années, nous passions nos vacances dans le pays Basque , à Bayonne. Ils se sont pris d'amour pour la tauromachie, ce qui les a amené à aimer le Flamenco. J'ai toujours baigné dans cet univers. Quand j'étais petit, ma mère m'amenait voir des spectacles. J'ai pu voir Camarón à 7 ans. A cet âge là, on ne se rend pas compte de la chance qu'on a de voir Camarón .  C'est des années après qu'on le réalise. Je suis venu au Flamenco sans penser tout d'abord que j'allais faire une carrière artistique. De nombreuses fois, quand j'étais dans ma chambre, je montais sur le tabouret et je tapais des pieds. Mes parents m'ont vu et ils ont compris qu'il fallait m'inscrire à un cours de Flamenco et c'est ce qu'ils ont fait. C'est ainsi que j'ai commencé à apprendre cette danse. Plus tard, lorsque je faisais mes études, je pratiquais le Flamenco, en parallèle, car il avait pris au fur et à mesure une grande importance dans ma vie et me permettait aussi de conjuguer cette passion avec en plus une activité physique.

- Manolo Punto, est-ce ton nom d'état civil? 

- C'est mon nom d'artiste. Mon prénom c'est Emmanuel. Pour mon métier, j'ai choisi Manolo, un prénom espagnol, pour faire référence au Flamenco.

- Au début, ta famille a-t-elle accepté facilement ton choix de t'orienter vers une carrière de danseur?

- Au départ le Flamenco était simplement une passion et j'avais une autre vie à côté. Au fur et à mesure, cette passion a pris de plus en plus d'importance et c'est devenu ma vie. Quand j'ai pris la décision de me consacrer uniquement à cela, mes parents ont accepté. Il y avait bien évidemment l'angoisse de la famille car c'est une carrière plus aléatoire qu'un travail qui donne une rentrée d'argent régulière. Mais ils sont très contents et ils sont mes premiers fans, maintenant. Moi, je n'ai aucun regret et je suis ravi.

- Quelle est la première date importante dans ta carrière artistique?

- Le 18 juin 1999 est une date qui est importante pour moi. C'était la première fois que je dansais seul. C'était à Planète Andalucia; c'était d'ailleurs l'un des premiers spectacles qui se faisait dans cet endroit. Jean-Paul Ferrand m'avait proposé de le faire et, le même jour, je passais une audition pour obtenir une bourse d'étude (bourse Lavoisier) pour partir en Espagne étudier à l'école 'Amor de dios', à Madrid.  J'ai commencé ma formation artistique avec des professeurs parisiens mais le fait d'obtenir cette bourse m'a permis de partir me former en Espagne. Cela fait une dizaine d'années déjà.

- Comment s'est déroulé ta formation à l'école Amor de dios?

- J'ai commencé ma formation pendant un an avec des professeurs comme La China, Antonio Reyes, Alejandro Granados. J'ai essayé de reprendre tout depuis le début, même si j'avais des connaissances, mais je souhaitais avant tout avoir de bonnes bases. Ensuite, je suis rentré en France et j'ai commencé à travailler en tant que danseur tout en ayant un autre travail de ma première formation. Au bout de deux ans à faire deux choses à la fois, c'était difficile et exténuant. J'ai donc pris la décision de me consacrer uniquement à la danse. Je suis reparti à Madrid pour continuer à me former et pour développer ma carrière professionnelle.

- Quelles sont les conditions pour rentrer dans l'école Amor de dios? tes impressions sur cette formation?

-  Tout le monde peut entrer dans cette école. Il n'y a pas de présélection ni de sélection. Il y a différents cours, mais chaque cours a son niveau. Il y a des cours débutants en soirée et des cours plus avancés, dans la journée. Ce que je reproche a beaucoup d'élèves actuellement, c'est qu'ils veulent très vite apprendre des chorégraphies pour danser le plus vite possible sans passer par la phase initiale, c'est à dire l'apprentissage des bases: les planta tacon, apprendre à bouger, etc. Et c'est dommage à mon avis car on voit beaucoup d'élèves qui connaissent plein de chorégraphies mais sans avoir la base nécessaire pour les danser correctement. C'est un phénomène que l'on constate un peu partout et pas seulement à Madrid. Et je pense vraiment qu'il faut être patient et que l'apprentissage du flamenco se fait avec le temps et la maturité et sans courir ni accélérer les choses. 

- Quels sont les artistes que tu admires? un maître?

- Concernant la danse, il y a des artistes que j'admire, mais je n'abonde pas dans le fanatisme qui consisterait à idolâtrer quelqu'un en particulier car j'évite que l'admiration se transforme en trop d'inspiration. Il y a des gens que j'adore sur scène et qui, en tant que professeur, vont m'inspirer, mais, quand je crée un spectacle, j'essaye de faire des choses personnelles et je tente de faire abstraction de tout ce que j'ai pu voir et aimer.

- Tu enseignes à Paris. Que souhaiterais-tu nous dire à ce sujet?

- Je donne des cours réguliers depuis deux ans sur Paris, alors que je donnais auparavant plus de stages ponctuels d'une semaine (à Paris, en province et à l'étranger). J'aime beaucoup enseigner car, en plus du plaisir que me procure le fait de transmettre un enseignement à mes élèves et de les voir progresser, enseigner me permet aussi de préparer mes chorégraphies. Cela me permet de prendre le temps de décortiquer les choses et d'avancer, moi aussi, en tant que danseur. Quand je suis en studio de répétitions, je ne prends pas le temps à ce point là de décortiquer, alors que pendant le cours, on est obligé de le faire car les élèves sont là pour apprendre et ont besoin de temps pour intégrer les choses. C'est en transmettant mon savoir que, moi aussi, j'arrive à développer des idées nouvelles. Quand je propose un stage, je n'arrive jamais avec une chorégraphie déjà montée. Je préfère la monter sur le moment. Selon ce que je vois, les défauts de certains élèves, ce qui leur manque, ce sont ces choses là qui vont m'inspirer sur le moment pour créer tel pas ou tel mouvement ou les faire travailler. Le cours est comme un laboratoire d'apprentissage et d'essai de choses nouvelles pour l'élève bien sûr mais aussi pour moi et c'est dans ce sens que c'est très intéressant.

- Tu prépares actuellement un nouveau spectacle 'Flamenco Al Desnudo'. Quelle est la trame de ce spectacle?

- Mon idée sur ce spectacle est de faire quelque chose d'un peu plus intime, de plus ressenti. Le  dernier spectacle que j'ai monté , il y a deux ans, était intitulé 'Bailando sobre la lluvia'. C'était une version Flamenca inspirée du film 'Chantons sous la pluie'. Ce nouveau spectacle est plutôt une introspection. J'ai voulu revenir à la source en évitant les clichés relatifs au Flamenco, chercher plus le sentiment dès la base. Le thème de 'Flamenco Al Desnudo' c'est de m'ouvrir totalement. J'ai l'impression d'être plus nu quand je danse que quand je suis chez moi, dans ma salle de bains,  car je montre au public comment je bouge et ma façon de ressentir des sentiments à travers mon propre corps. L'idée est de montrer les choses sans pudeur, en se dévoilant et sans se masquer derrière une façade. Etre sur scène comme je suis dans la vie, sans jouer nécessairement un rôle bien que dans ce spectacle, j'interprète un personnage mais avec qui je pense avoir beaucoup de points communs.

- Je remarque que tu choisis souvent de danser en duo avec une femme. Est-ce un moyen pour toi d'évoquer et d'explorer la relation amoureuse, le couple, au travers le Flamenco?

- Effectivement, je n'ai jamais monté un spectacle avec un autre homme, mais pourquoi pas, cela pourrait se réaliser. Je pense que cela apporte des choses différentes. Un homme ne danse pas de la même manière qu'une femme et, dans un spectacle, le fait d'avoir une danseuse, cela diversifie le propos. La sensibilité féminine apporte une touche différente et c'est intéressant pour le public de voir une danseuse et un danseur. Ce n'est pas nécessairement un hymne à l'amour. Il y a eu des rencontres, un bon feeling qui nous amènent à travailler ensemble.

- Sur ce spectacle, tu travailles avec la danseuse Aurélia Vidal, n'est-ce pas?

- Oui. Nous nous connaissons depuis au moins dix ans. Je l'ai introduit dans un spectacle en remplacement, il y a deux ans. Cela s'est très bien passé et, du fait que nous nous connaissons depuis longtemps, il y a une vraie complicité qui s'est installée entre nous et nous partageons beaucoup de choses, humainement. De plus, Aurelia est une super danseuse. C'est très important aussi d'avoir un bon contact personnel quand on monte quelque chose, surtout pour un spectacle comme celui là où je demande à chacun de ne pas avoir peur de se dévoiler, d'être un peu impudique. Je suis très content de faire ce travail avec elle et notre collaboration se passe très bien.

- Qui sont les autres artistes qui t'entourent dans ce spectacle et pourquoi les as-tu choisis?

-  D'abord, avec le guitariste Javier Cerezo, nous n'avons jamais réellement travaillé ensemble sur un spectacle en théâtre, mais, il y a deux ans, quand il faisait les 'jeudis Flamencos' au Prado, j'ai participé à plusieurs soirées là bas et cela c'est très bien passé, je me sentais très à l'aise avec lui. Cela m'a donné envie de travailler certaines choses avec lui; je l'ai donc contacté pour ce spectacle.  Quand je lui ai annoncé qu'il y aurait une viole de gambe, cela l'a vraiment intéressé car il n'avait jamais travaillé avec cet instrument et d'ailleurs, je pense que cela ne s'est jamais fait en Flamenco.  Alberto Garcia, le chanteur, cela fait longtemps que nous travaillons ensemble et, comme il était disponible, je n'ai pas hésité à l'intégrer dans ce projet. D'un point de vue artistique et humain, Alberto, c'est un régal. Quant à Lucas Peres, il  joue de la viole de gambe. Il joue aussi dans un ensemble de musique renaissance nommé 'Doulce Mémoire', groupe avec lequel je travaille depuis plusieurs années et pour lequel j'ai monté des chorégraphies flamencas sur de la musique renaissance. C'est là que j'ai rencontré Lucas Peres. En écoutant cet instrument, je me suis dit qu'il était fait pour le Flamenco car il dégage un poids et une force impressionnante. C'est un instrument qui exprime de la mélancolie et de la grandeur. Du fait que j'accorde une large place aux sentiments, dans ce  spectacle, l'aspect  démonstratif "tape à l'œil" y est quasiment absent. La viole de gambe convient parfaitement pour mettre en avant l'atmosphère de mise à nu qui émane du spectacle . Pour Lucas Peres, c'est sa première expérience dans un groupe de Flamenco mais, comme c'est un très bon musicien et qu'il a une excellente oreille, son intégration s'est très bien passé.

- Comment as-tu élaboré les chorégraphies du spectacle?

- Au départ, j'avais une idée globale du spectacle. J'ai commencé à monter l'histoire qui se raconte au travers d'un journal intime. Concernant les chorégraphies, il y a des parties que j'ai monté, en amont. Ensuite nous avons passé du temps avec les musiciens pour créer des musiques en adéquation avec l'esprit du spectacle et j'ai monté ensuite certaines chorégraphies sur ces musiques avec l'aide d'Aurelia Vidal. Pour réaliser une chorégraphie, je m'enferme dans un studio pendant des heures, tout seul. Je rentre dans le studio avec la boule au ventre car je sais que je dois produire quelque chose et comme je ne sais pas si je serai inspiré ou pas, je ressens l'angoisse de la page blanche. Généralement, je surmonte vite cette appréhension et cela se passe très bien. Cela fait maintenant plusieurs années que je monte des chorégraphies et je sais maintenant que cette page blanche, j'arrive toujours à la remplir. Je me mets dans l'état d'esprit que je veux donner au spectacle et je crée les chorégraphies au fur et à mesure, puis je reviens dessus pour élaguer.

- Ton sentiment sur cette création?

- J'essaye de créer à chaque fois un spectacle différent. Je crois que, de tous les spectacles que j'ai crées, celui-ci est le plus accompli, le plus sensible, le plus personnel et le plus original car je n'en dirai pas plus mais il réserve pas mal de surprises...

- Que cherches-tu à exprimer au travers ta danse?

- Je ne prétends pas exprimer autre chose que ce que je suis. J'essaye d'être le plus sincère possible et d'exprimer ce que je suis, avec mon ressenti. Au travers du Flamenco, j'arrive à ne pas penser à mes problèmes, mes soucis et je peux m'exprimer sans mettre de barrière. Je me laisse aller d'une manière intègre, sans avoir honte de me montrer tel que je suis et sans me cacher derrière une image scénique.

- Quand pourra-t-on voir le spectacle?

- La première aura lieu le 17 février prochain au Théâtre de la Reine Blanche. Il y aura d'autres dates au mois de février: les 18, 20 et 21 février et deux dates au mois de mars: les 17 et 19 mars, le tout au Théâtre de la Reine Blanche, à Paris.

- Merci Manolo et à très bientôt!

Visiter le site Web de Manolo Punto: http://www.manolopunto.com