Interview de la Morita
réalisée par Isabelle Jacq en janvier 2008
pour Musique Alhambra
La Morita
- La Morita, tu es danseuse,
chorégraphe et tu enseignes le Flamenco dans ton Académie à Toulouse. La
Morita, est-ce ton nom d’artiste ?
- La Morita signifie’ la petite brune’. C’est un
nom de baptême que m’a donné Ramon Llamas, guitariste Flamenco,
compagnon de La Tomillo.
- Pourrais-tu nous dire comment est née cette vocation
artistique pour toi ?
- J’ai toujours dansé et à l’âge de 18 ans, j’ai
rencontré un homme qui est devenu mon meilleur ami et qui m’a proposé
d’être sa partenaire pour danser les Sévillanes. Nous sommes arrivés
tous les deux dans les cours de la Joselito qui était la seule
personne qui donnait des cours à Toulouse, à cette époque, et nous avons
dansé les sévillanes et le Flamenco pendant trois ans. Le Flamenco
qu’elle nous enseignait était un flamenco des années 30 et nous étions
dans les années 80; je me suis rendu compte au fur et à mesure que je ne
pouvais plus m’identifier à ce flamenco ; cette sensation a été
confirmée lorsque je suis partie en Espagne pour étudier auprès d’autres
grands maitres.
- Qu’est ce qui t’a attiré au
départ dans le fait de danser ?
- C’est le fait d’être sur une scène avec du mouvement.
Le territoire où l’on dansait avait beaucoup d’importance pour moi. La
scène, c’est cela qui m’attirait. Je me rappelle lorsque nous habitions
rue Arnaud Bernard et, avec ma grand-mère, nous nous promenions tous les
jours sur la Place St Sernin. A cette époque, il y avait le Théâtre du
Taur, et nous passions dans la rue du Taur. C’était un endroit magique
parce qu’il y avait des gens qui sortaient et qui rentraient, je voyais
bien qu’il y avait des gens du spectacle et cela me fascinait vraiment
et c’est ainsi que je me suis dit que c’est cela que je voulais faire.
- En quoi la scène a de
l’importance pour toi ?
- La scène a de l’importance, pas nécessairement pour m’y
exprimer de façon vivante, mais pour y créer un univers. Je peux très
bien être en dehors de la scène, mais ce qui m’importe c’est l’univers
que j’imprime sur la scène. C’est un espace de liberté et de pouvoir
pour inventer son monde. C’est fascinant de créer un monde.
- Pourquoi as-tu choisi la danse Flamenca comme moyen
d’expression ?
- C’est la discipline chorégraphique la plus complète et
qui est le langage le plus complet pour exprimer toute la gamme des
sentiments.
- Tu es d’origine espagnole et
française. Comment se manifeste cette pluri culturalité dans ta manière
de vivre la danse et d’aborder le Flamenco ?
- C’est fondamental d’intégrer ma culture française à ma
culture Flamenca. C’est quelque chose dont je veux profiter, en tirer
tout le jus possible, l’intégrer et l’enrichir.
- Parmi les maitres que tu as
eu, quels sont ceux qui gardent une place particulière pour toi ?
- La Joselito, c’est celle qui m’a mis au monde
dans l’univers du Flamenco et qui a assisté à ma naissance artistique.
Mais, celui qui a vraiment été mon maitre, c’est José Galvan, le
père de Pastora et d’Israel. Il m’a révélé à quel point ma
danse est féminine. Il y a aussi Javier Latorre, depuis huit ans.
C’est le danseur qui est venu me replonger dans les sources puisqu’il
fait le lien entre le classique, le contemporain, le jazz et le
Flamenco. C’est un danseur suffisamment complet pour avoir à la fois
toutes les cultures. Il est Valenciano et, n’étant pas andalou , il
s’est posé les questions que je me pose.
- Tu te situes comment par
rapport à la tradition Flamenca?
- Je me situe dans le mouvement. Là où je suis, dans
l’actualité. Je suis en permanence en Espagne, je ne cesse de
travailler. Je pars le mois prochain à Jerez, au Festival de Jerez, pour
faire le stage avec Javier Latorre. Je suis dans le mouvement
naturel. Je ne pense pas être dans le futur, je suis simplement dans
l ‘actualité.
- Est-ce que tu t’intéresses
aussi à d’autres disciplines artistiques?
- Oui. Par exemple, dans ma création ‘Caprichos’,
il y a des références aux cinéastes comme Fassbinder et
Fellini. J’apprécie beaucoup d’autres cinéastes aussi comme le
Coréen Kin-ki-Duc et Kusturica car ,pour moi, c’est le
Fellini des Balkans.
- Tu as participé à un
spectacle sur les peintures noires de Goya intitulé ‘Las noches negras’
. Quel était ton rôle dans ce spectacle ?
- En fait, je faisais la chorégraphie et j’ai participé à
la mise en scène de certaines scénettes. Nous reproduisions sur scène et
de façon vivante les peintures noires. Nous dansions et nous faisions
aussi du théâtre.
- Qu’est ce que cette expérience
t’a apporté ?
- L’expérience du théâtre, cela a été extraordinaire
pour moi. Cela m’a beaucoup apporté. Par rapport à la danse, ce que le
théâtre a apporté c’est que dans la danse, on est toujours obligée
d’être jolie et belle alors que dans le théâtre, on peut être laide. Et
là on en remettait une couche car, comme c’était les peintures noires,
plus on était laide, mieux c’était. Donc j’ai découvert à quel point
cela pouvait être jouissif et libérateur de s’enlaidir.
- Cela t’a montré un autre
regard possible sur ta danse ?
- Oui puisque de créais ainsi des chorégraphies pour le
théâtre. On ne dansait pas sur de la musique en Live mais de la musique
Off sur une musique électro sur 'La folia' de Haendel déclinée
dans toutes les rythmiques flamencas mais orchestrées Flamenco.
- Quel est le spectacle que tu
fais tourner actuellement avec ta compagnie ?
- On fait actuellement le spectacle intitulé ‘Caprichos’,
spectacle qui réunit 9 danseurs, un guitariste et un chanteur. C’est un
spectacle sur la féminité et sur les différents états possibles de la
femme. Il y a la fille peste, les sirènes, les femmes fatales, les
poupées, etc. J’interviens dans un de ces tableaux, je danse sur un
taranto mais je me reconnais dans tous les tableaux. Du fait que
j’ai crée la chorégraphie, chaque femme qui est évoquée est une facette
de ma personnalité.
- As-tu d’autres projets de
spectacles en vue ?
- Nous avons un projet qui verra le jour dans un an ou
deux. Il s’agit d’un projet narratif. C’est un classique de la
littérature qui a été déjà transposé à la danse mais pas dans le
Flamenco.
- Comment s’organisent tes cours
dans ton Académie de Flamenco ?
- Il y a des cours pour tout niveau, du lundi au
vendredi. Dans tous mes cours j’enseigne mes chorégraphies sauf le
vendredi soir où mon cours est réservé à l’apprentissage d’une
chorégraphie de Javier Latorre.
- En tant que pédagogue, as-tu des projets à
annoncer ?
- Il y a deux grands stages tous les ans, à l’Académie,
un en avril, et l’autre en aout. Je compte faire venir Chiqui de
Jerez du 14 au 19 d’avril prochains et faire revenir Javier
Latorre, en aout, pour la troisième année consécutive. Il y aura
aussi le spectacle de fin d’année des élèves de l’Académie, le 17
juin prochain
- Pourquoi avoir choisi ces deux intervenants?
- Chiqui de Jerez c’est un peu l’antithèse de
Javier Latorre. Chiqui, c’est vraiment le flamenco
puro de Jerez, très ancrée, très gitane et Javier c’est tout
à fait le contraire. Cela donc donne une vue complète du Flamenco.
- Merci La Morita, et à très bientôt !

Visiter le site Web de La Morita:
http://www.la-morita.fr
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