Interview de José Galván
réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena',
en juillet 2009, pour Musique Alhambra
Maitre dans l'art du Flamenco, José Galván
enseigne la danse depuis plus de quarante ans, dans le respect de la
tradition. Il donne actuellement un stage dans le cadre du XXI°
Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan. Père d'Israel Galván et de Pastora, il a dansé
ce soir avec sa fille dans le spectacle intitulé 'Pastora'. Bien que sa
prestation fut un peu écourtée pour des raisons de santé, José
Galván a conquis le public par son style et sa danse pleine de
maestria. Nous l'avons rencontré à l'issue de la représentation et
voici le contenu de notre entretien:
- José Galván, quelles sont tes impressions sur le fait
de participer au Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan?
- Je suis content d'être ici, bien que je sois un peu
affaibli à cause d'un problème aux genoux. Pour cette raison , je n'ai
pas donné ce que je voulais au public pendant le spectacle; je ne suis donc
pas complètement satisfait car j'aime me donner à 100%.
- Ton intervention a été magnifique, le public a adoré!
Tu donnes aussi un stage de Flamenco en ce moment, dans le cadre du
Festival, n'est-ce pas?
- Oui, je donne un master class.
- Que penses-tu des stagiaires?
- Les gens sont très intéressants ici car ils
s'impliquent beaucoup; donc je me sens très bien.
- Dans le spectacle que nous avons vu ce soir, tu danses
avec Pastora, ta fille. As-tu déjà dansé sur scène avec elle, auparavant?
- Ce spectacle, c'est le sien. Je ne fais qu'intervenir
quelques minutes. Oui, j'ai dansé dans plusieurs spectacles avec elle.
- Tu défends un Flamenco traditionnel, n'est-ce pas?
- Oui, j'aime le Flamenco traditionnel, le Flamenco puro.
- Comment as-tu été formé à la danse?
- J'ai appris en travaillant. Dès mon plus jeune âge,
j'ai travaillé avec de très bons artistes comme Farruco et
Rafael Negro.
- Que penses-tu du style de baile de ton fils Israel
Galván?
- Ce qu'il danse c'est du Flamenco, mais c'est un
Flamenco novateur, avant-gardiste. Cela me plait.
- Cela fait de nombreuses années que tu te dédies à
l'enseignement, n'est-ce pas?
- Oui, j'ai commencé à l'âge de 14 ans et comme j'en ai
62 cette année, cela fait donc 48 ans que j'enseigne.
- Considères-tu que tu as encore des
choses à explorer et à
découvrir dans ton baile?
- J'ai plusieurs années d'expérience dans la danse et, comme dans le baile Flamenco, quel que soit le style, beaucoup de choses
ont déjà été faites, j'ai la connaissance de tout ce que j'ai vu et de
ce que j'ai fait. Mais, comme je suis un individu qui ne se fige pas,
j'aime toujours m'améliorer et continuer à travailler. J'aime être de
mon temps mais sans perdre la 'Flamencura'.
- Ton expérience et ta maturité, qu'ont-elles
apportées à ton baile?
- Avec l'expérience, je peux savourer pleinement ce
qu'est le Flamenco et transmettre ce qu'il est réellement. Quand on est
jeune, on ne savoure pas le Flamenco de la même manière. On emmagasine
plusieurs techniques et des connaissances et on les sort l'une après
l'autre. On danse donc d'une manière un peu mécanique. Avec la maturité,
on change et il y a plus de spontanéité dans le baile.
- Tu as ouvert ta propre école de danse à Séville.
Pourrais-tu nous en parler?
- J'ai ouvert mon école de danse en 1976 et en 1982 j'ai
gagné pour la première fois le 1er Prix 'Gente Joven' de la télévision
espagnole avec le corps de ballet de mon école.
- Quels sont les bailaores connus que tu as formés?
- Il y en a beaucoup: en plus d'Israel et de Pastora,
j'ai formé Manuela Rios, Rafael et Adela Campallo, Juana Amaya, Domingo Ortega, Lalo Tejada...et beaucoup d'autres
encore.
- Quelle est ta manière d'enseigner le Flamenco?
- J'enseigne le Flamenco puro, les bases et
les fondements du baile, ce que tout danseur Flamenco doit savoir.
- Comment expliques-tu le fait que le Flamenco intéresse
de plus en plus de gens?
- Je pense sincèrement que le Flamenco n'a pas de
frontières. C'est quelque chose que les gens palpent et lorsqu'ils
le voient, ils tombent amoureux de lui. Actuellement, nous vivons une
période cruciale dans l'histoire du Flamenco car les gens vivent le
Flamenco au japon, en Chine, en Amérique, en France, partout dans le
monde.
- Est-ce que les gens vivent le Flamenco?
Ne
l'expérimentent-ils pas, plutôt?
- La majorité des gens commence en expérimentant le
Flamenco mais il y en a beaucoup qui le vivent déjà, dans le monde
entier.
- Quels sont les meilleurs souvenirs de ta carrière
artistique?
- Les meilleurs moments que j'ai vécus , c'est quand je
dansais avec ma femme à la 'Cochera' tablao Flamenco où dansaient
Farruco, Matilde Coral, Rafael Negro, Rafaela Carrasco, Concha Vargas.
Ce sont des moments inoubliables. Nous avions un cuadro Flamenco avec
des artistes extraordinaires: les cantaores comme Revuelo,
Manolo Dominguez ou Manuel Romero.
- Tu as créé récemment ta propre compagnie. Quels sont
les artistes qui en font partie?
- Avec ma compagnie, j'ai monté un spectacle nommé
'Maestria' dans lequel il y a trois danseuses qui sont mes élèves
Marta Balparda, María Távora
et Tamara Lucio.
J'ai choisi aussi les chanteurs
Manolo Sevilla et Javier Rivera ainsi que les
guitaristes Carmelo et Rafael 'Cabeza' . Rafael était là, il y a
deux jours. Il joue très bien.
- Que montres-tu dans ce spectacle?
- Dès la création de mon académie de baile, je ne
me produisais pas sur scène car je me consacrais totalement à
l'enseignement. Cela m'a apporté beaucoup de satisfaction. Ainsi, dans
mon spectacle, je peux danser des Farrucas, seguiriyas, bulerias,
solea, tangos et je profite vraiment beaucoup de ces moments.
- Quelle est la différence entre les
spectacles que tu faisais avant et ce nouveau spectacle?
- Auparavant, je n'ai pratiquement jamais monté de
spectacle car je dansais dans les tablaos à Séville. Puis, je
suis parti en Amérique, au Japon et ailleurs, toujours en dansant dans
les théâtres mais pas avec ma propre compagnie. Je faisais beaucoup de
collaborations avec d'autres artistes. Cette année, c'est la première
fois que je crée ma compagnie et que je monte mon propre spectacle.
- Comment vois-tu l'évolution du
Flamenco?
- Je remarque une très forte évolution du Flamenco car il
y a beaucoup de changements. Aujourd'hui la danse est plus complexe que
dans le passé. Il y a beaucoup de techniques que le Flamenco
traditionnel ne détient pas. Dans le Flamenco traditionnel, il y a plus
d'art et l'on danse beaucoup en improvisant. Quelqu'un chante et le
bailaor danse ce que le chant lui fait ressentir. Aujourd'hui, les
danseurs font des taconeos pendant qu'il y a du chant. Cela ne me
plait pas. Quand il y a le chant, j'aime écouter la letra et
danser la letra. Je ne peux pas faire des taconeos au moment où
j'écoute le chant. C'est la différence principale que je vois entre le
Flamenco traditionnel et le flamenco d'aujourd'hui.
- Est-ce un problème de respect?
- Non, c'est simplement une nouvelle façon de pratiquer
le Flamenco.
- Comment vois-tu l'avenir du
Flamenco?
- Il y a de grands bailaoras et bailaores
qui sortent, de très bons chanteurs et de très bons guitaristes. Dans le
passé, il y a eu une très grande évolution avec la guitare. Maintenant,
cette évolution, nous la percevons dans le cante et le baile.
L'avenir du Flamenco est très prometteur. Il y a aussi un grand
engouement pour le cajon. Le Flamenco va aller très loin.
- Aurons-nous toujours besoin des
Maestros, d'après toi?
- Oui. Il y a beaucoup de gens qui croient déjà tout
savoir alors qu'ils ont tant à apprendre encore...Il est nécessaire
qu'ils s'appuient sur l'enseignement d'un maitre qui les guide dans leur
évolution.
- Merci beaucoup José pour cet
entretien.
- Merci à toi et à bientôt.
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