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Interview de Diego El Cigala réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena'

en octobre 2009, pour Musique Alhambra

 Diego El Cigala

Diego El Cigala, nous l'avons retrouvé le lendemain du concert qu'il avait donné au Casino de Paris. Alors que nous étions encore imprégnés de  la magie de cette soirée où il avait été sublime, une fois de plus, c'est dans un café parisien, tout près de Notre Dame, que nous avons eu le plaisir de réaliser cet entretien.  L'humour et la sympathie de Diego conjuguées à la beauté de son regard limpide nous ont véritablement enchantés.

- Cela a été un réel plaisir d'assister à ton concert d'hier au casino de Paris. Tu te produis souvent en France, n'est-ce pas?

- Oui, nous avons donné des concerts en France à plusieurs reprises: aux Festivals de Mont de Marsan, Marseille et Perpignan. Avec des concerts à mon nom, je suis passé au Cirque d'hiver, à L'Olympia de Paris et au Casino de Paris. Ces trois représentations nous ont vraiment mis en avant vis à vis du public.

- Quelles sont tes impressions sur ton public  à Paris?

- Il y a beaucoup d'aficion au Flamenco à Paris. J'apprécie beaucoup la passion de ceux qui aiment et respectent le Flamenco. Cela fait longtemps que le Flamenco existe en France. Pendant le concert d'hier, le public était très passionné et dès la première mélodie, il reconnaissait les thèmes que j'allais interpréter. Le public est réservé mais en même temps, il est très réceptif et très ému. Je suis heureux de remarquer l'émotion du public à chacun de mes concerts en France. C'est fantastique.

- Ton surnom 'El Cigala' (La Langoustine), qui te l'a donné?

- Ce sont les frères Losada qui m'ont surnommé ainsi. Les frères Losada étaient les 3 guitaristes avec lesquels j'ai commencé ma carrière dans la compagnie Paco Peña. Comme j'étais très mince, très nerveux et que je remuais beaucoup, on m'a surnommé El Cigala. Au début, cela ne me plaisait pas mais comme tout le monde me reconnaissait avec ce surnom, j'ai accepté la situation et maintenant, je peux dire que mon surnom me plait beaucoup, d'autant plus que les langoustines, c'est délicieux...

- L'obtention de plusieurs Grammys Awards, qu'est-ce que cela a changé dans ta vie?

- J'ai reçu 4 Grammys Awards, avec le dernier que j'ai reçu pour  l'album 'Picasso en mis ojos' élu meilleur album Flamenco. Ce que cela a changé? en fait, ces prix sont une reconnaissance du public pour le travail réalisé et ils sont faits pour encourager l'artiste à continuer à travailler. Lorsque je suis en tournée dans différents pays, j'entends souvent la réflexion 'Diego El Cigala, celui qui a gagné 4 Grammys'. C'est important aux yeux des autres et il est vrai qu'un Grammy Award équivaut à un 'César' pour le cinéma. Mais celui qui reçoit 4 Grammys et qui s'assoit sur ses lauriers, cela n'est bon pour personne. En fait ces prix nous encouragent dans notre métier et nous font aussi garder les pieds sur terre.

- Dans ton spectacle d'hier, tu as interprété les thèmes de ton nouvel album 'Dos lágrimas'. Tu chantes sur des rythmes cubains, tangos, boleros. En chantant sur ces musiques, demeures-tu un chanteur Flamenco, d'après toi?

- Oui, bien sur, je suis toujours un chanteur Flamenco et je suis Flamenco.

- Etre Flamenco, qu'est-ce que cela signifie pour toi?

-Etre Flamenco, c'est vivre comme un Flamenco. Je vis toute la journée avec la musique, avec le Flamenco mais aussi avec d'autres musiques car j'aime écouter la musique classique, Maria Callas, Ray Charles, mais je m'exprime avec le   Flamenco dans tout ce que j'entreprends. Le Flamenco est une façon de vivre et de ressentir. C'est très passionnel. C'est aussi un état d'âme. On chante avec notre état d'âme. Si nous sommes joyeux, si nous avons de la peine ou si nous avons des problèmes, tout cela se transmet sur scène. Un bon flamenco ne peut chanter bien tous les jours, car sinon il serait un robot, une machine. Le Flamenco a ses bons et mauvais jours mais un mauvais jour d'El Cigala, c'est quand même remarquable surtout quand on sait ce qu'il peut donner quand il est à 100%. Le Flamenco, ce n'est pas seulement une rythmique. Le Flamenco peut se chanter d'une manière libre, ad libitum. Même en chantant un bolero, je continue d'être Flamenco. Le public peut s'émouvoir de la même manière devant une Solea comme c'était le cas hier, qu'avec un bolero.

- La rencontre de ces deux univers musicaux s'est-elle réalisée aisément?

- Oui, vraiment, d'autant plus que j'aime me produire sur scène avec mes musiciens et que j'aime aussi leur donner leur espace de liberté pour qu'ils puissent s'exprimer à mes côtés. Un concert d'El Cigala ce n'est pas seulement El Cigala en train de chanter mais c'est aussi un moment de partage et d'expression pour tous les artistes présents sur scène.

- Comment s'est passé l'enregistrement de ton nouvel album 'Dos lágrimas'?

- Cela s'est très bien passé. Je suis allé à Cuba pour chercher Changuito, Guillermo Rubalcaba père et Tata Guïnes, qui est mort depuis, malheureusement. Je les avais ramené à Madrid; nous nous sommes mis dans un studio et nous avons travaillé pendant un mois complet. J'avais une chambre au 1er étage et nous étions tous les jours au travail. Nous enregistrions le soir car je suis meilleur et beaucoup plus inspiré le soir...

- En parlant d'inspiration, qu'est ce qui t'inspire le plus pour ton chant?

- Mes enfants et la vie. Je prends la vie comme elle vient, avec ses bons et mauvais moments; s'ils sont bons, c'est encore meilleur. En fait, j'ai besoin qu'il m'arrive des choses dans ma vie pour pouvoir m'exprimer et chanter. Tu imagines un Flamenco assis sur son sofa, toute la journée, devant des jeux vidéos, par exemple? Une fois sur scène, il n'aurait pas grand chose à exprimer... En fait, face au travail, il m'arrive la même chose qu'à Picasso. Avant de peindre, il laissait ses toiles blanches dans son atelier et allait faire un tour et quand des choses surgissaient, il revenait et se mettait au travail. J'agis de la même manière car pour chanter, je dois être imprégné de sensations palpables. Mon inspiration provient aussi beaucoup de mes enfants. Quand je chante, c'est souvent mes enfants qui me viennent en tête. Camaron est aussi très présent dans mon esprit. Quand je chante, j'ai souvent l'impression que Camaron est près de moi; il est comme mon ange gardien. De plus, nous étions de bons amis et j'ai de très bon souvenirs de lui. Quand Camaron est passé au Cirque d'hiver et qu'il a sorti son disque enregistré en Live, j'ai senti qu'un jour, moi aussi, je chanterai au Cirque d'Hiver. Quelques années après, Camaron nous a quitté; les années ont passées jusqu'à ce qu'à mon tour,  je chante au Cirque d'Hiver. Lors de ce spectacle, la magie de Camaron était très présente.

- Quelle est ta relation avec la peinture et celle de Picasso en particulier?

- J'aime la peinture et j'apprécie surtout les œuvres de Picasso. Des peintures comme celles de Picasso, personne ne les avaient faites avant lui. A treize ans, il peignait déjà comme Velázquez ou Rembrandt. Il aimait beaucoup le Flamenco et plus particulièrement le cante por Malagueña. Il écoutait beaucoup le cante et allait souvent assister aux corridas. Il était Flamenco. Parmi les artistes de cette époque, c'est celui qui se rapproche le plus de ma manière de ressentir la vie. Il n'y a que lui qui pouvait peindre une chèvre à trois têtes et que cela rende bien.

- Oui, Picasso est un génie. Comment as-tu choisi les artistes qui ont participé à l'enregistrement de ton nouvel album 'Dos Lágrimas'?

- Les artistes que j'ai choisi, ce sont des génies de la musique cubaine. Ils sont la vieille gloire de Cuba. J'essaye de m'entourer de grands musiciens. Je travaille avec des gens qui m'apportent et qui m'enseignent quelque chose, avec les anciens, ceux qui détiennent la tradition.

- Pourquoi cet attrait pour le peuple cubain?

- En fait, les cubains sont très proches des gitans, dans leur manière de vivre et leur sensibilité.  Pour citer un exemple,  la famille, c'est très important pour eux comme pour nous. Je pourrais dire  que nous sommes comme des cousins.

- Les paroles de ton nouveau disque sont plutôt tragiques. Est-ce ainsi que tu vois la vie?

- Non. Par exemple, je n'aimerais pas avoir la haine que j'interprète quand je chante le thème 'Bravo'. D'ailleurs, j'aimerais un jour prendre l'auteur de ce texte entre quatre yeux et lui demander ce qui lui est passé par la tête pour écrire cela ou s'il a eu l'expérience qu'il décrit car moi je n'aimerais pas ressentir cette haine. Quand tu chantes, c'est un moment d'inspiration que tu partages. Savoir chanter, c'est aussi savoir interpréter un texte et mettre une gestuelle qui s'accorde avec le sens de ce que tu interprètes. Ainsi, le public reçoit mieux le message que tu veux faire passer. Les chansons que j'interprète sont tragiques mais il y en a aussi qui sont joyeuses, comme 'Caruso', par exemple. Pour cette chanson, quand j'ai écouté la version de Pavarotti, cela m'a bouleversé. C'est lui qui m'a insufflé l'envie d'interpréter ce thème.

- Tu as entamé une tournée pour la sortie de ton album, n'est-ce pas?

- Oui, je viens de faire une dizaine de dates . Nous sommes allés à Vienne, Londres, Amsterdam et dans d'autres pays en Europe et nous voici à Paris. Je me repose tout ce mois-ci puis je vais en Amérique Latine: Argentine, Chili, au Pérou, Mexico...

- D'autres projets?

- Oui, actuellement je travaille sur deux projets: un disque de tango en hommage à GoyenecheEl Polaco et Carlos Gardel ainsi qu'un album Flamenco avec Tomatito. Cet été nous avons joué ensemble à Barcelone, Madrid, Cordoue et Grenade. J'ai enregistré 5% du travail. Je vais donc poursuivre ce projet. Après la mort de Camaron, Tomatito est resté 15 ans sans accompagner un chanteur. Avec moi, il est revenu à l'accompagnement au chant. Nous espérons que ces deux albums vous plairont.

- Nous avons hâte de les découvrir. Nous te félicitons déjà pour 'Dos Lagrimas' qui est un nouveau chef d'œuvre... merci Diego.

- Merci à toi aussi.

 

Visiter le site Web de Diego el Cigala: www.elcigala.com