Interview de Carlos Carbonell réalisée par Isabelle Jacq, en avril 2008,

 pour Musique Alhambra

Carlos Carbonell

Jeune danseur originaire de Cadiz, Carlos Carbonell est l'un des grands talents actuels. Sur scène, il électrise le public par sa maestria et son charisme. Le spectacle qu'il présenta à la 2ème Triennale de Flamenco de St André Lez Lille fut accueilli avec grand succès par le public. Après ce grand moment d'émotion, Carlos Carbonell nous a accordé cet entretien:

- Carlos Carbonell, lors du magnifique spectacle auquel nous avons assisté ce soir, tu as interprété avec talent plusieurs  palos, n'est-ce pas?

- Oui, nous avons commencé par une Malagueña, puis nous avons interprété une Vidalita, une Liviana, avons poursuivi por  Bulerias, puis por Solea en passant par toutes les variantes de ce palo, et nous avons terminé por Alegria

- Le fait de danser sur une Liviana est assez rare, qu'en penses-tu?

- Oui, la Liviana est un palo 'pour écouter' et on n'a pas l'habitude de le danser; mais, comme c'est un palo issu de ma ville natale Puerto Real, dans la région de Cadiz, j'ai travaillé une chorégraphie pour l'adapter à ce palo , accompagné aussi par un chant originaire de ma ville. C'est une manière de rendre hommage à ma ville natale.

- Comment as tu choisi les artistes qui t'accompagnent dans ce spectacle?

-Quand je crée un projet artistique, je sais déjà quels sont les artistes qui y participeront d'une manière inconditionnelle. Peut-être aussi par le fait qu'en plus d'être  des amis, ce sont tous de grands artistes. Ana Arroyo est, à mon avis, la plus grande danseuse actuelle qu'il y ait a Madrid. Antonio Santiago est un très bon chanteur. Miguel , le guitariste, détient un large répertoire musical et Raoul, le percussionniste, est un très bon musicien. Caridad Vidal  et Manuel Soto sont jeunes et  sont des valeurs montantes du Flamenco.

- Pourquoi as-tu invité Ana Arroyo à partager la scène avec toi dans ce spectacle ?

- Parce que je sais qui je suis et ce que je peux apporter sur scène mais j'ai aussi un regard très critique sur mon travail et tout ce qui me manque, c'est elle....

- Quand tu danses, que souhaites-tu exprimer?

- Chaque Palo exprime une émotion particulière. Par exemple, la Liviana raconte une peine, une souffrance et l'Alegria, exprime tout le contraire. L'unique chose que fait le danseur lorsqu'il interprète un palo c'est d'exprimer ce qu'il ressent intérieurement et ce qu'il écoute. Il transmet cela par le corps. A mon avis, ni moi ni les danseurs que je connais prévoient d'une manière précise ce qu'ils vont exprimer sur scène à partir d'une chorégraphie car on se laisse porter par ce que l'on ressent au moment précis où l'on danse, même si nous avons programmé d'interpréter ce palo.

- Penses-tu à ta propre vie, lorsque tu danses sur scène ou  penses-tu uniquement à la musique et au chant?

- Je pense qu'il est nécessaire d'être en contact avec soi-même  et ce qui nous appartient. Si le chanteur chante la peine, par exemple, je vais chercher ce sentiment en moi. Même si ce chant m'apporte déjà de la peine, il faut que cette peine vienne de moi.

- Tu exprimes  beaucoup de sensibilité dans ta danse... as-tu développé cette sensibilité par le travail?

- La sensibilité est présente chez le danseur avant même qu'il ait appris à danser. Si cette sensibilité existe déjà en soi, alors le public la reconnaitra car on ne peut mentir au public.

- Y a-t'il une histoire dans ce spectacle?

- Ce n'est pas une œuvre avec un argument particulier. C'est une œuvre dont le fil conducteur est la musique. Ce que l'on peut rencontrer dans ce spectacle c'est beaucoup de sensibilité, beaucoup d'amour et beaucoup d'art...

- Tu as  travaillé dans beaucoup de compagnies et avec d'autres grands artistes, n'est-ce pas?

- Oui, j'ai travaillé avec Eva La Yerbabuena, Manuela Carrasco, Rafael Amargo ...j'ai travaillé aussi dans des compagnies de danse classique et contemporaines. Actuellement, avec Ana Arroyo, nous réalisons ensemble un travail qui m'intéresse énormément.

- Comment ressens-tu l'évolution du baile Flamenco?

- On a déjà tout inventé dans le Flamenco... Un danseur actuel qui prétend inventer quelque chose , je n'y crois pas. Le seul élément nouveau que l'on puisse apporter c'est notre angle de vue particulier. La façon de présenter la danse peut changer mais au moment de danser, tout est déjà inventé. Il y a eu de grands maîtres dans le passé qui nous ont laissé de très bonnes écoles et, aujourd'hui, nous n'avons pas encore profité pleinement de tout cet enseignement qui peut encore nous être transmis.

- Quels sont tes maîtres dans le baile?

- Charo Cruz est mon maitre et ma conseillère artistique.

- Quels sont tes projets?

- Dans l'immédiat, mon projet  est de faire tourner ce spectacle avec Ana Arroyo dans divers théâtres et de continuer à travailler la danse...

- Merci Carlos , et à très bientôt!