Interview d'Alejandra
Gonzalez réalisée par Isabelle Jacq , en avril 2007
pour Musique Alhambra

Alejandra Gonzales
-
Alejandra Gonzales, tu es danseuse, chorégraphe et tu
enseignes le Flamenco à Paris. Tu as vécu au Mexique, ton
pays d'origine, et tu résides actuellement en France, à
Paris. Peux tu nous expliquer ton parcours et les raisons
qui t'ont poussée à venir vivre à Paris?
- En 2002,
je suis arrivée à Paris, la ville où j’ai connu mon mari.
Auparavant, j'ai vécu à Madrid. J’ai décidé de mettre Madrid
entre parenthèses pour vivre ensemble.
-
Ton apprentissage du Flamenco, comment
s'est –il passé?
- J'ai
commencé à danser à Mexico. Je faisais de la danse
classique, contemporaine et du folklore mexicain. J'ai
découvert le Flamenco lors d'une fête. J'avais une cop ine
qui venait de Huelva, en Andalousie ;elle s'appelait
Angeles. Je ne savais pas qu'elle chantait. Elle a
commencé à chanter por tientos et ça m'a beaucoup
impressionné. Son chant m’a donné la chair de poule. Dès cet
instant, au fond de moi, un lien très fort s'est établi avec
le Flamenco. Puis, j'ai décidé de danser le Flamenco. Jamais
je n’avais senti la même chose auparavant avec la danse
contemporaine ou les danses folkloriques
mexicaines. Dans le Flamenco, quelque chose passe par le
sang... lorsque j'ai commencé à mieux connaître cette
danse, je me suis aperçue que je pouvais exprimer plein de
sentiments très différents au travers de cet art. J'ai
commencé mon apprentissage avec Mercedes Amaya «La Winy »,
la nièce de Carmen Amaya. Grâce à
elle, le Flamenco a été un apprentissage très naturel,
familier. Le week-end, je passais la voir danser au
tablao; elle dansait accompagnée par son mari à la
guitare et son neveu au cajon. En plus, l’école de
danse est chez elle. Elle vit dans cette ambiance... Elle
m'a vraiment apporté cette proximité avec le Flamenco.
Ensuite j’ai vécu un an à Madrid où je suivais les cours de
l’école Amor de Dios. Depuis que je suis en France,
je vais régulièrement en Espagne pour prendre des cours,
entre autres avec Mercedes Ruiz.
-
Lorsque tu es arrivée en Espagne, as-tu
remarqué une différence importante
entre
l'enseignement du Flamenco au Mexique et l'enseignement du
flamenco en Espagne?
- Oui,
c'était la diversité de façon de travailler, de techniques,
de styles. il y a plusieurs niveaux, plusieurs styles et
beaucoup d'écoles.
-
Ta formation artistique en Espagne,
comment s'est-elle déroulée?
- Je suis
allée à Madrid afin d’approfondir mes connaissances du
flamenco, J'avais 23 ans quand je suis arrivée à Madrid
quand j'ai intégré l’école Amor de Dios. Là bas, j'ai pris
des cours avec Maria Juncal, Belen Fernandez, La China,
El Güito, Yolanda Heredia, La Truco, Ciro. Pour
arriver à financer ma formation, je devais travailler en
parallèle. C’est ainsi que j’ai commencé à danser dans la
rue avec une petite troupe de gitans qui m’avait
« adoptée ». Ce travail m’a beaucoup aidé matériellement et
sur le plan artistique : c'était donc très motivant pour
moi.
-
On t'a surnommé Verea dès cette période.
Peux- tu nous en parler?
- Oui,
cela remonte à cette époque de ma vie. C'était sur la Plaza
Mayor, le premier jour où je dansais avec les gitans, la
journée avait été bonne et ils étaient très contents. Ils
m’ont demandé comment je m'appelais. Je leur ai donné mon
nom... ils m'ont répondu 'Alejandra, c'est un peu
long, on va t'appeler 'Verea'. Dès lors, tout le monde
m'appelait ainsi. Je ne m'étais jamais interrogée sur le
sens de ce surnom. Ce n'est que plus tard que j'ai cherché
une signification. En cherchant dans le dictionnaire, je me
suis aperçue que le mot Verea n'existait pas. Pour
moi, Verea évoque le chemin, le sentier : la
vereda.
-
Tu as réalisé une création qui a pour
titre 'Verea', est-ce pour faire référence à cette période
de ta vie?
- Lorsque
j'ai créé ce spectacle, j'ai dû me questionner sur ce que je
voulais danser et les raisons qui me poussaient à
m'exprimer. Je précisais au fur et à mesure ce que je
voulais partager et exprimer. De cette réflexion, est née ce
spectacle qui s'articule autour de trois palos. Au
début, c'est mon vécu depuis que je suis en France, qui
s'est imposé. Il y avait le choc culturel : cette douleur,
je l'exprime por siguiriya. Je voulais exprimer la
douleur, la solitude et la joie. Ce chemin de solitude et de
lutte, je le danse por soléa. Enfin, le chemin
de grande espérance, de gratitude et de joie, je le danse
por alegrias. Parce que je suis amoureuse et que c'est
la raison de ma présence à Paris, il y avait aussi des
choses joyeuses à exprimer. De là le nom de ce spectacle où
j'ai voulu exprimer les sentiments les plus profonds que
j'ai ép rouvés
sur mon chemin :Verea.
-
Verea, c'est donc ta première création...
Peux -tu nous préciser le nom des artistes qui
t'accompagnent?
- Oui,
j'ai eu la chance de rencontrer Juan Murube au
Festival International de Flamenco de Sanlucar de Barrameda.
Quand je l'ai connu, je lui ai demandé si nous pouvions
travailler ensemble. Alberto Garcia est un chanteur
que j'admire vraiment. Nous avions travaillé ensemble à
Planète Andalucia. Juan et lui chantent dans ce
spectacle. J'ai aussi rencontré Dimitri : il est
comme mon frère. Comme je cherchais deux guitaristes, il m'a
parlé d’Alvaro Martinez guitariste que j’avais connu
à Amor de Dios et qui vit maintenant à Paris.
Dimitri et lui interviennent à la guitare.
-
Dans ton inspiration et ta manière
d’appréhender la danse, est-ce que tu te situes dans un
cadre traditionnel ?
- Je pense
que je suis très ouverte aux nouvelles formes du flamenco,
comme par exemple l'utilisation de nouveaux instruments. Je
n'ai pas toujours dansé sur le Flamenco traditionnel.
Parfois on me demande de danser sur des musiques non
traditionnelles. Mais, pour le moment, j'ai vraiment envie
d'approfondir le Flamenco tra ditionnel,
parce que j'ai besoin de ça.
-
Sur scène, comment vis-tu la danse?
- Le plus
important pour moi, c'est que ,quand je danse, je ne peux
pas jouer un rôle. Mon lien est si fort avec la danse que
je ne voudrais pas la trahir. Plutôt que de 'rentrer' dans
la danse comme on rentrerait dans la peau d'un personnage,
j'ai besoin de 'sortir' les émotions qui existent en moi,
dans ma danse. Il y a aussi parfois la peur qui me prend
avant un spectacle... car il y a beaucoup d'émotions à
exprimer dans chacune de mes danses et j'ai parfois peur de
ne pas arriver à les transmettre. Il arrive aussi je ne sois
pas satisfaite de mon travail, car je suis extrêmement
exigeante envers moi-même...
-
On ressent très fortement cette faculté
que tu as d'être en adéquation avec ton art... c'est
vraiment fantastique! Pourrais-tu nous préciser quelles sont
les ambiances qui dominent dans ta danse?
- Quand
j'ai commencé à danser, je dansais beaucoup por alegria y
tientos. Maintenant, j'ai besoin de travailler quelques
autres palos pour être en accord avec ce que
je vis. Depuis trois ans, je travaille beaucoup la soléa
et la seguiriya, et je veux aussi revenir à l'alegria.
-
Peux-tu nous dire quels sont tes projets
artistiques?
- D'abord,
je voudrais faire tourner le spectacle 'Verea'. J'ai aussi
plusieurs dates avec le spectacle « Calle Cerezo » dirigé
par Javier Cerezo : Serres-Castet le 5 avril, Urrugne
le 6 avril, Sens le 28 juin et Briare le 25 novembre.
D’autres spectacles sont prévus à Planète Andalucia : le 25
mai pour l'hommage à Paco de Lucia avec les
guitaristes
Jean Baptiste Marino, Flaco de Nareja et Manuel Delgado.
Et avec Manuel Delgado et son groupe je danserai
aussi du 8 au 10 juin. J'aimerais aussi réaliser de longs
séjours en Espagne...
- Merci Alejandra pour cet
entretien; Les aficionados et moi-même avons hâte de te
retrouver sur la scène Flamenca... à très bientôt!

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